Rêveries du Multivers

9. De feu et de neige

Aggra ! Aggra ! sanglotait-elle.

Elle sentait le clan s'éloigner, se savait en-dehors du réconfort de la chaleur providentielle suscitée par les shamanes. Elle savait qu'elle allait geler sans possibilité de recours.

Elle revit le sourire de sa fille et l'inscrivit comme au fer rouge dans sa conscience, aussi fort qu'elle le pouvait, jusqu'à en souffrir avec tant de douleur que la sensation la réchauffait presque. Elle avait faim, elle avait froid, elle était transie, gelée, paralysée, et son sang s'immobilisait. Aggra et la glace s'éteignaient. Sa conscience la fuyait.

Elle fit un rêve, perdant la raison, perdant la vie.

Un vol de feux follets enhardissait l'horizon, jetant des soleils alentours et jusqu'au firmament cristallisé de flocons denses. Des cris perçants, de la chaleur, de la lumière, et le vent qui se taisait. L'hiver saluait ses maîtres qui avançaient dans les cieux espacés, dans leur gloire la plus sereine, la plus haute, dominant de leur puissance sacrée les éléments que toutes les saisons déployaient avec tant de vigueur.

Elle vit une des flammes piquer vers elle et l'emporter dans sa course, réchauffant ses sens meurtris et apportant bienfaisance. Elle entendait des mots se moduler dans les sons de flûtes que l'oiseau fabuleux fredonnait pour elle. « Avance, avance, et cherche le printemps. En la nuit, dans la terre, il est là et te cherche. » disait-il, reprenant un des adages de son peuple.

Les phénix ouvraient la voie, défaisaient le froid devant eux et leurs ailes glissaient élégamment dans les airs.