Home sweet home

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Le soupir de soulagement qui m'a échappé lorsque j'ai enfin franchi le seuil de mon appartement avait la légèreté d'un hippopotame en rut. C'est en grommelant que j'ai désactivé le charme qui me permettait de passer pour un humain. L'idée de devoir ressortir pour traquer ce nécromancien du dimanche me gonflait au plus haut point. Ah, celui-là, j'allais lui faire regretter d'avoir vu le jour ! Et peut-être garder son crâne en souvenir, pourquoi pas ? De quoi égayer la décoration de façon fort charmante !

– Dure journée ? a appelé Stefano depuis le salon alors que j'étais encore adossé à la porte d'entrée.

– Et elle n'est pas finie ! ai-je répondu en le rejoignant.

Il s'affairait à préparer le repas derrière le comptoir du coin cuisine, ses gestes rendus vifs et fluides par l'habitude. Le simple fait de le voir a fait refluer ma lassitude et naître un sourire sur mon museau. Puis il m'a adressé un regard pétillant de ses yeux rouge sang, et je me suis senti fondre.

On va faire simple : j'aimais Stefano. Certains pourraient croire qu'un dieu de la mort et un vampire (une créature par définition coincée entre la vie et la mort) ne pouvaient pas se fréquenter, que c'était contre-nature. C'était en tout cas le point de vue de ma famille. Que voulez-vous que je vous dise ? Esprit de contradiction, tout ça... Ne leur en déplaise, j'étais très heureux avec lui. Et non seulement j'adorais sa personnalité, mais il était en plus particulièrement canon, ce qui ne gâchait rien !

Visualisez un homme à la musculature imposante, mesurant près de deux mètres et doté d'ailes membraneuses similaires à celles des chauve-souris. Ses dreadlocks et sa barbe d'un blond presque blanc contrastaient avec sa peau très sombre. Quelques rides marquaient son visage, dont certaines très prononcées sur les côtés du nez lui donnaient parfois l'air d'un tigre en train de feuler. Cet aspect de prédateur était accentué par ses iris aussi pâles qu'une pleine lune, noyés dans des yeux d'un rouge profond, ainsi que par les griffes impressionnantes qui terminaient ses doigts et les quatre canines qui débordaient sur sa lèvre inférieure.

Et il ne portait jamais rien d'autre qu'une salopette bleu-gris, un vêtement qu'il adorait depuis sa création. Stefano avait toujours préféré le confort à la classe. Ce qui ne datait pas d'hier ; c'était déjà le cas lorsque je l'avais rencontré, à l'époque où il était encore humain.

Mais ce que j'admirais le plus chez lui, c'était son caractère. Il ne laissait personne lui dicter sa conduite et parlait toujours franchement. Certes, il pouvait faire preuve de tact, mais c'était rarement sa priorité. Sa priorité consistait plus à mener sa vie comme il l'entendait sans s'inquiéter du regard des autres. Un trait de personnalité qui s'était renforcé au fil des cinq siècles de son existence de vampire. Et j'adorais ça. Pour moi qui avais mis plus de mille ans à me défaire d'une relation d'emprise dont je gardais encore des traces, cette liberté avait de quoi impressionner.

Bon, pour être honnête, sa passion du duel avait une fâcheuse tendance à lui attirer des ennuis. Si un jour vous assistez à un combat entre créatures surnaturelles, vous constaterez que les ennuis en question pouvaient vite devenir hors de contrôle.

– Eh bien ! s'est-t-il esclaffé. Si tu as encore autre chose à faire ce soir, tu ferais mieux de te reposer un peu ; tu as une tête de déterré ! Et quelle est cette odeur ? On se croirait au XVIIème siècle dans les rues où les gens jetaient leurs immondices !

Qu'est-ce que je disais sur le tact, déjà ?

– Un fantôme m'a vomi dessus, ai-je répliqué avec mauvaise humeur. Pour une fois que je vais à l'église...

– Probablement l'esprit d'un curé qui voulait te punir de ton manque de foi, m'a taquiné Stefano en réprimant un rire. Allez, va prendre un bain, je te prépare de quoi reprendre des forces pour la nuit.

Nécromancie Souterraine (The Anubis files, ép1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant