Louison et les garçons

Louison elle-même

3 septembre, Rentrée en seconde

On ne peut pas dire que Louison était très enthousiaste à l'idée de reprendre les cours, ou plutôt à l'idée d'abandonner l'été. Même si sur la côte d'azur, l'été semblait se prolonger jusqu'à la mi-octobre, dès le premier pas franchi dans l'enceinte du lycée, toute l'atmosphère estivale aura disparu. Les cigales chanteront moins fort, les petits vacanciers qui crient autours de la piscine auront disparu et les soirées passées à la piscine laisseront la place aux devoirs. C'était la fin de la liberté. La fin des jours de nuits et des nuits le jour. La fin de la meilleure période de l'année. La fin de lui, de la bande de l'été. De toute manières, ils étaient déjà repartie depuis plus d'une semaine. Mais si ils continuaient de se parler via les réseaux sociaux, Louison savait que dès ses premiers pas dans la cour de son lycée, ces précieux contacts disparaîtraient jusqu'à l'été prochain. Non, on ne peut pas vraiment dire que Louison attendait avec impatience son entrée au lycée. Si elle s'était préparée aux obsèques d'un été fabuleux - quoi que légèrement décevant-, elle n'avait pas prévue le retour d'une vielle ennemie oubliée dès le brevet en poche. L'anxiété. Louison avait rendez-vous devant le lycée à dix heures. L'anxiété l'avait fait se réveiller à six heures du matin. Quelle pourriture. Louison détestait déjà cette journée. Mais, heureusement, elle avait toujours ressenti une certaine excitation à tout recommencer, à se préparer pour une nouvelle année différente des autres. C'était la rentrée, son nouvel an. Elle ne vivait qu'avec le calendrier scolaire. L'année se finissait sur les couchers de soleil du mois d'août et redémarrer avec les matins frais de septembre. 

Elle vit automatiquement la petite bosse rouge sur son front. Bien évidemment, qui dit stress dit saletés de boutons. Bien évidemment qui dit Louison, dit règles le jour le plus important de septembre. Elles étaient arrivée il y a deux jours et Louison avait alors prédit un renouveau lors de cette rentrée. La jeune fille aimait bien s'inventer des petites significations de la vie. Des petites croyances qu'elle seule pouvait croire. Oui, elle avait longtemps cru que derrière son chat, Bouboule, se cachait un ancien ami à elle ( elle était au primaire). Oui, elle avait longtemps imaginé que tout ce qu'elle vivait n'était qu'un rêve puisqu'elle se trouvait dans le coma depuis de longues années désormais. Imaginer cette situation serait alors la signification de cette triste réalité. Ou bien elle était coincée dans la peau d'une personne complètement folle qui s'invente sa vie dans sa tête. Si quelqu'un savait ces pensées, ils l'interneraient peut-être. L'enverraient chez une psychologue, c'est sûr. 

Elle avait décidé de porter une petite robe noire, c'était un basique, quelque chose de jolie, de féminin, ni trop court, ni trop long. Parfait pour son petit corps déjà formé. Louison voulait quelque chose lui ressemblant. C'est dingue à quel point une simple tenue semble être si important. Personne ne se souviendra jamais de vous dans cette tenue, la rentrée ne dure qu'une heure. Mais Louison était du genre à penser que même si "l'habit ne fait pas le moine", on a quand même bien tendance à juger les autres aux premiers abords. Depuis quelques temps, elle s'interdisait de le faire, mais les autres ne s'étaient pas donné la même consigne. Si elle se maquilla, le plus simplement possible car n'ayant que le minimum exigé, elle se trouva jolie. Mais sans plus. Peu mieux faire, se répéta-t-elle tout le long du trajet. 

Lorsque son père la déposa devant le petit lycée privé du quartier, Louison se sentit étrangement mal. Pire que les autres années. Quelque chose allait se produire. Si de multiples pensées lui traversait actuellement l'esprit, ce n'est que la douleur au niveau du bas ventre qui l'occupait. C'était le stress. C'était les règles. C'était cette chaleur. C'était le lycée. 

C'était un petit lycée avec seulement cinq classes par niveau. C'était privé, catholique, même si Louison faisait exprès de ne pas le signifier étant athée. C'était un joli lycée, refait à neuf il y a un peu plus de cinq ans. Elle était déjà venue auparavant, pour la rencontre avec le proviseur. Elle connaissait deux, trois personnes venant de ce lycée. Lorsqu'elle arriva devant les grandes marches de l'entrée, elle remarqua qu'il y avait déjà du monde. Elle essaya de repérer quelques têtes. La majorité des personnes venant à ce lycée étaient au collège privé collé à l'établissement. Officiellement, c'était deux enceintes séparées. Mais, tout le monde savait que ce collège était étroitement lié au lycée. Ensuite, la plupart des élèves venaient du collège de Louison, le collège Saint Auguste. Louison retrouva d'ailleurs ses meilleurs amis. Elle avait appris à les connaître lors de ses années de quatrième et de troisième. Ils représentaient ses seuls amis, c'était une bande se revendiquant comme étant un vrai groupe mais ne se disant pratiquement rien au fond. Ils aimaient traîner ensemble, c'est tout. Quoi qu'il en soit, ils étaient tout de même proches. Après deux ans passés ensemble, ils ne s'imaginaient pas séparés. Pourtant ils savaient très bien ce qui allait se passer. Ils étaient plus de dix. Personne ne tombe avec ses dix amis dans une même classe. Personne. Mais Louison était malgré tout sereine. A dix, ils se retrouveraient tous en petits groupes dans toutes les classes, c'était certain.