- Je l'ai accrochée il n'y a pas longtemps, lance-t-elle amusée. C'est une phrase qui m'a aidée, et qui aide beaucoup de mes patients à aller de l'avant. Tu peux la garder en tête si tu veux, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire, ça ne l'est plus du moins.

J'arque un sourcil, pourquoi est ce qu'elle dit ça ?

- Stacy, j'aimerais que tu regardes tes mains et tes jambes s'il te plaît.

Sa voix interrompt mes pensées. Je lui obéis et n'essaie même pas de cacher l'incompréhension qui m'anime. Ca n'a aucun sens ? Mes bras sont reposés sur chacun des accoudoirs en bois de ma chaise, laissant mes mains pendouiller dans le vide, tandis que mes jambes nues sont simplement croisées devant moi.

- Je suis censée comprendre quelque chose ? Je demande, perplexe.

Ma psychologue récupère le cahier posé sur son bureau et lis a voix haute les notes qu'elle a écrites lors de mes premières séances :

- La patiente joue nerveusement avec ses doigts, il s'agit sans doute d'un tic relevant d'un manque de confiance en elle. Presque aucun contact visuel, ses yeux ne quittent pas ses baskets, la patiente est mal à l'aise et aimerait s'en aller. Ses jambes sont fermement enroulées autour des pieds de sa chaise, elle a besoin d'être rassurée, envie inconsciente d'un soutien. Paternel? Cette attitude fait allusion au combat intérieur de la patiente.

Une petite larme vient perler au coin de mon œil droit, synonyme de joie, avais-je lu un jour dans un magazine. Et j'y crois, puisqu'à présent je comprends que ces mimiques qui me collaient à la peau, se sont détachées de moi sans que je m'en aperçoive. Serait-ce synonyme d'un rétablissement ? Se pourrait-il que les liens qui m'unissait à l'ancienne Stacy harcelée et mal dans sa peau, se rompent peu à peu?

- Qu'est ce que ça veut dire....

Ma voix tremblote légèrement, la sienne au contraire est pleine d'entrain lorsqu'elle m'annonce fière:

- Qu'en suivant le guide qu'est notre cœur, on arrive à la destination qu'est notre soi.

...

Le mois de décembre est loin derrière nous, puisque trois mois se sont écoulés depuis le bal de fin d'année. La saison hivernale a laissé place à la douceur et renouveau du printemps, qui s'installe petit à petit en revêtant les arbres de floraisons. Aujourd'hui, pour l'une des rares fois il ne pleut pas à Seattle. C'est d'ailleurs grâce à ce beau temps que j'ai pu délaisser ma doudoune pour une veste légère, et que je m'autorise à baisser ma vitre pour recevoir un peu de fraîcheur dans l'habitacle.

Maman est venue me chercher dans sa petite voiture bleue, et me parle des derniers préparatifs de son mariage avec Mr. Parker, prévu pour dans quelque jours. Un sujet de conversation qui m'avait fait fuir autrefois, mais que j'ai fini par accepter au point de demander à Ethan s'il voulait bien m'y accompagner. Il avait souri, puis m'avait passé une main dans le dos en hochant frénétiquement la tête positivement. Le bras reposé sur la portière, et le regard rivé sur le paysage défilant et reprenant de sa couleur, je me remémore la première fois que j'ai emprunté ce chemin en sortant de ma séance chez ma nouvelle psy. J'étais si énervée d'atterrir dans cette ville fastidieuse, en parfaite opposition à ce que j'avais toujours connu en Floride, que je n'avais qu'une envie; enfiler ma capuche et hiberner sans être dérangée.

Puis, il était sorti de nulle part et avait traversé cette route les mains dans les poches de sa veste en jean. Maman avait dû freiner à toute vitesse et avait mis une bonne minute pour reprendre ses esprits, consciente que le manque de luminosité avait failli provoquer un accident. Quant à moi, je lui faisais de grands signes, révoltée qu'il n'ait pas daigné regarder à sa droite avant d'avancer. On ne se connaissait même pas, que ce Gibson me faisait déjà sortir de mes gonds...

Insensible (terminée)حيث تعيش القصص. اكتشف الآن