Chapitre 54: Demyan.

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Allongé sur le dos, les yeux rivés au plafond, je pensais aux Scintillants. Surtout à Keryna. Il était vingt-trois heures et je devais allumer l'alarme dans moins d'une demi-heure. Je n'arrivais pas à dormir, alors je me contentais d'écouter le silence glacial de ma chambre. 

J'avais prévenu Hutys et Tinor la veille. Ils étaient toujours avec Nouria, toutefois je ne lui avais rien dit sur l'attaque. Je devais informer les enfants de ce qui allait leur arriver, car si la magie revenait dans leurs veines, ils devaient être au courant. D'après Keryna, le choc pourrait leur couper le souffle durant plusieurs secondes, le temps que leur corps se réhabituent.

Je jetais un coup d'œil à ma montre. Je devais y aller. Je me levai puis pris une grande inspiration, priant pour que personne ne me voit. Après avoir pris une dague que j'avais caché sous mon lit, je pris donc la direction du sous-sol. C'était là-bas que se trouvait toutes les alarmes. Elles se déclenchaient automatiquement normalement, mais je n'avais qu'à appuyer sur un bouton pour qu'elles retentissent.

La porte grinça lorsque j'entrai, je m'arrêtai alors quelques instants en retenant mon souffle. Chaque bruit me faisait sursauter et mon cœur s'emballait. La pièce était baignée dans la pénombre, je ne voyais rien d'autre que le noir complet. Je me mis alors à tâter le mur du bout des doigts à la recherche d'un interrupteur. Je fus rassuré de voir la lumière éclairer l'endroit. Toutes sortes de machines étaient installées, toutes venant d'Eytidy. De nombreux voyants clignotaient et le vrombissement des machines avait un certain aspect apaisant. Je m'approchais ensuite des boutons pour les alarmes. Il y en avait deux, deux boutons vert, l'un pour les incendies, l'autre pour les gaz toxiques qui pourraient être détectés sur Ivraska. Seul le palais et la caserne des legios étaient protégés par ce dispositif.

Je fermais quelques instants les yeux pour ne pas céder à la panique. Puis après un dernier regard à ma montre, j'appuyais sur le bouton de l'alerte confinement d'un geste rageur. Je n'eus pas le loisir d'y penser plus longtemps, je devais à tout pris remonter vers ma chambre afin de ne pas éveiller les soupçons. 

L'alarme retentissait dans mes oreilles et me vrillaient le crane, mais j'étais trop occupé à monter les marches quatre à quatre pour m'y soucier. J'arrivais devant ma chambre avec la gorge sèche et la respiration sifflante, mais au moins personne ne m'avait vu trainer près du sous-sol.

Pira arriva à cet instant, vêtue d'une simple robe de chambre blanche, les cheveux en bataille. Quant à moi, j'avais gardé mon uniforme, mais j'avais enlevé mes chaussures avant de partir. Rien d'anormal à ce que je sois encore habillé, Pira savait que je veillais tard la nuit.

— Bordel qu'est ce qui se passe? s'écria-t-elle en arrivant à ma hauteur. Cette putain d'alarme va me faire exploser la crâne!

— Faut qu'on aille chercher la clé dans mon bureau, on pourra l'éteindre. Par contre on ne touche pas aux portes, si l'alarme s'est déclenchée ce n'est pas pour rien, alors on s'occupe juste d'arrêter ce bruit.

Elle se mordilla la lèvre puis acquiesça. Nous courrions alors jusqu'au bureau pour récupérer la clé. Elle servait soit à arrêter l'alarme, soit à déverrouiller les portes blindées et le système de filtration d'air qui nous protégeait de la prétendue attaque chimique. Nous partions ensuite directement vers les sous-sols, puis j'insérais la clé dans la serrure. Le bruit cessa d'un coup. 

J'essuyais la sueur de mon front puis observais Pira. Elle mordillait ses ongles, le visage fermé. Je fermais alors les yeux pour profiter du silence, j'avais encore l'impression d'entendre le son strident de l'alarme.

— Faut qu'on remonte, les autre legios doivent tous être complètement paniqués, ordonnai-je en ouvrant la porte. 

Elle me suivit sans un mot. Tout le monde s'était déjà réuni dans le réfectoire, la plupart encore en pyjama et les yeux bouffis par le manque de sommeil. J'eus du mal à me frayer un chemin parmi eux, mais j'arrivais finalement à accéder à une table. Je montais dessus, puis tous les legios se tournèrent vers moi.

— Est-ce que quelqu'un à une radio? demandai-je, même si je connaissais déjà la réponse à la question.

— Bien sûr chef, me dit un homme aux cheveux ras. Mais j'ai l'impression qu'il n'y a aucune onde radio, on ne capte rien. C'est pas normal, il se passe quelque chose dehors.

— Pour l'instant on doit rester ici. Si l'alarme s'est déclenchée c'est bien pour une raison.

— Facile à dire pour toi, répliqua-t-il. Ta famille est au palais et il y a le système de confinement aussi. Mais c'est pas le cas tout le monde. Moi j'ai mon père et ma femme dans le centre, s'ils sont en train de se faire asphyxier je voudrais bien faire quelque chose pour eux. 

— Ce n'est pas en mourant toi aussi que tu vas les aider.

Pira m'ordonna d'un regard de me taire, mais je ne l'écoutais pas.

— Ecoutez, je sais que vous êtes très inquiet pour votre famille et vos amis, cependant on se doit de rester là pour l'instant. On avisera plus tard. Mais tant qu'on n'en sait pas plus on ne bouge pas. Il y a des gens qui comptent pour moi aussi dehors, alors ne croyez pas que la vie des Sans-Pouvoir ne m'intéresse pas.

Personne ne protesta. Ils me croyaient et c'était bien le principal, j'espérais pouvoir les tenir au moins jusqu'à l'aube, pour laisser tout le temps possible à Keryna et aux Scintillants. Si elle arrivait à atteindre la pierre, nous ne pourrions plus l'empêcher de faire quoi que ce soit.

Diadème de cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant