Le banquet de malvenue - 2

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  Harry déteste Poudlard, de tout son cœur. 

Dès qu'il sort de la diligence pour se retrouver dans un étau d'élèves mouillés et surexcités, sa bonne humeur s'envole. Quelqu'un tire sur son écharpe par-derrière et manque de l'étrangler avec avant de la lui arracher avec un glapissement de joie, et une main inconnue lui arrache une petite touffe de cheveux. Il n'arrive pas à atteindre sa baguette parce que les gens le collent de si près, et même s'il pouvait, quel sort jetterait-il ? Ce sont des lycéens.

Il lui faut une seconde pour se rappeler qu'il est un lycéen lui aussi, à nouveau. 

Le malaise qu'il ressent depuis des semaines à l'idée de revenir à l'école le frappe à nouveau de plein fouet. C'est surtout le premier jour qu'il redoutait – avec la Cérémonie de la Répartition au premier plan dans ses rêves angoissés – mais maintenant que le premier jour est enfin là, il ne trouve pas beaucoup de soulagement à l'idée que ce soit bientôt derrière lui. 

Il n'a pas besoin des pouvoirs de Trelawney pour prédire que la Cérémonie de la Répartition générera un certain malaise. L'école a été fermée pendant un an – deux fois plus d'élèves à répartir veut dire deux fois plus de Serpentard, sans mentionner tous les élèves qui ont changé d'école pour finir leurs études à Poudlard et qui devront être répartis également. 

Harry se dit que même le Sang-Pur le plus fanatique sera mal à l'aise de se retrouver à Serpentard dans le climat actuel. Non qu'il y ait exactement quoi que ce soit de mal à être un Serpentard – Rogue en était un, et c'était un enfoiré, mais il s'est révélé être quasiment un Gryffondor sur la fin. Courageux et altruiste, un héros de bout en bout, même s'il détestait le rôle qu'il avait à jouer. Mais Rogue mis à part, Harry pense que ce doit quand même être une petite baffe dans la gueule d'être jugé le candidat idéal pour une maison célèbre pour avoir produit des sorciers qui ont essayé de réduire le monde en esclavage, mais n'y sont pas parvenus. Méchants mais incompétents... pas la grande gloire.

— Dégagez de mon chemin, crache une voix froide et familière. 

La foule s'écarte avec un léger mouvement de recul devant... 

Eh bien, évidemment. Harry ne peut pas voir le visage de Malefoy ; juste son dos qui s'éloigne. Les mots « le célèbre Harry Potter » glissent dans son oreille comme une goutte d'eau glaciale et Harry n'arrive pas à savoir si Malefoy les a dits pour de bon ou si c'est son propre cerveau qui les a inventés. 

Allez, dit Hermione le souffle court, en le renversant presque quand elle apparaît d'un coup à ses côtés. 

Sa robe est mal mise et son expression suggère qu'elle ne s'amuse pas franchement. Elle attrape Harry et le tire douloureusement par le poignet tandis que Ron qui semble carrément avoir perdu sa sur-robe dans la bataille bondit de derrière et lui donne une grande poussée vers l'avant qui manque le faire tomber à genoux. 

Avec cette aide douteuse, Harry arrive à se dégager de la foule et à monter les marches. Les portes de chêne massif qui conduisent au hall d'entrée sont ouvertes, et même s'il est soulagé de se retrouver dans une pièce vaste et bien éclairée, le fait qu'on dirait bien que tous les habitants des tableaux soient venus l'accueillir le submerge d'embarras. Certains portraits se démènent pour rentrer dans des toiles trop peuplées et font voler des éclats de peinture en se donnant des coups de coude. 

Il y n'avait pas que la Cérémonie de Répartition que Harry avait légèrement redoutée, après tout. 

Il avait remarqué – ça aurait été dur de ne pas s'en rendre compte, pour tout dire – que presque aussitôt après la Bataille de Poudlard, il était passé de très célèbre à vraiment, complètement, abominablement très célèbre. Au cours de l'année dernière, il en était venu à quasiment vivre à son bureau au Ministère ; il dormait sur un lit de camp et se faisait livrer ses repas par hiboux pour éviter de sortir en dehors des rendez-vous officiels. Il n'arrêtait pas de causer des émeutes bien malgré lui ; il y avait encore trois adolescentes à Sainte-Manougste qui se remettaient lentement des blessures reçues lors d'un mouvement de foule depuis la fois où il avait pensé que ce n'était pas trop risqué de passer rapidement sur l'Allée de Traverse pour se trouver autre chose à lire que la paperasse du Ministère. 

Il avait même dû embaucher une sorte de secrétaire pour l'aider à gérer le courrier de ses fans et bien que Alastair ne soit pas loin de quatre-vingts ans, soit presque aussi grand que Hagrid et donne l'impression de manger des cailloux au petit-déj et des couteaux à midi, il y avait parfois dans ses yeux une drôle de lueur qui donnait envie à Harry de se cacher sous la table au cas où lui aussi ait envie d'établir un culte au héros. Penser à Hagrid lui donne la nostalgie d'une maison qu'il n'a jamais eue. Hagrid a accepté un poste de chargé de cours sur les Créatures Magiques à Beauxbâtons. Harry est heureux pour lui, vraiment, c'est juste que... il aurait voulu que Hagrid soit là. Les choses auraient été plus faciles s'il avait été là. 

Harry s'en serait sans doute un peu mieux sorti avec toute cette attention non sollicitée si les gens avaient vraiment voulu lui parler à lui. Mais il se rend bien compte que ce qu'ils veulent, c'est le héros sans peur et sans reproche de la Gazette. Il a quand même pris l'habitude de sourire, de se montrer gracieux et d'essayer de ne pas se fâcher. Il se dit que l'effet de nouveauté se dissipera bientôt parce qu'il est toujours Harry en dessous, pas vrai ? Le monde sorcier n'est pas si grand que cela et les gens finiront bien par s'en rendre compte. 

Tatoué sur mon cœur  - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant