Chrono Challenge

Mise à prix

Bon. Il était franchement dans la merde.

Planqué comme un con sous un lit, il était pas très crédible, le grand méchant vampire. Il fallait dire pour sa défense qu'il venait tout juste de se réveiller et qu'il s'était pas du tout attendu à ce que – premièrement – on trouve sa planque pour la nuit et – deuxièmement – qu'on cherche à le tuer. Enfin bon, l'époque de la chasse aux sorcières – et autres créatures surnaturelles – était dépassée depuis bien longtemps, à présent les gens étaient beaucoup plus civilisés non ? Si c'était le cas, les chasseurs à sa recherche n'avaient pas du tout l'air au courant, et c'était carrément la merde. Comment cette situation de merde avait pu se produire ? C'était la grande question ! Enfin non, la grande question c'était plutôt : comment se sortir de là sans se faire tuer ? Définitivement, s'entend, puisqu'il était déjà mort.

Des pas se rapprochèrent de la chambre où il était planqué et Nathaniel se mit une baffe mentale. C'était vraiment pas le moment de partir en disgressions. Encore heureux qu'il avait l'ouïe fine et qu'il les avait entendu donner sa description au gérant, sinon il aurait été totalement pris par surprise. Il n'avait eu que le temps de sortir de sa chambre d'hôtel et de passer la première porte ouverte qu'il avait trouvée avant de se glisser sous le lit. Exactement comme un gosse qui aurait peur du grand méchant loup. Qu'aurait-il pu trouver comme méchanceté si ça n'avait pas été lui dans cette situation ? Et il souffla, et souffla, et souffla, et le pauvre vampire s'envola au loin. Mouais, il manquait vraiment d'humour quand ça le concernait directement.

Le chasseur s'arrêta devant la porte et Nathaniel retint un juron. Les vampires pouvaient dissimuler leurs odeurs aux prédateurs les plus coriaces, mais seulement à condition d'en avoir le temps. Si c'était un métamorphe ou un garou là dehors – et il était presque sûr que c'était le cas – il ne pourrait pas lui échapper à moins de le tuer. Ou de traverser un cours d'eau. Nathaniel frissonna. Comme tout bon vampire, il craignait l'eau vive, il ne lui restait donc que la première option. Pas que ça le gênait en fait, mais même s'il parvenait à se sortir de là, il ne serait pas sauvé pour autant. Putain, mais qui avait bien pu mettre sa tête à prix ? Et balancer sa planque ! Personne ne savait qu'il allait passer la journée là, pas même lui !

La porte s'ouvrit et Nathaniel prit une lente inspiration, activant sa vision thermique au passage. Plus vite il saurait à quoi il avait affaire, et plus vite il pourrait le neutraliser. Ses narines lui apprirent trois choses : ce mec puait, ce mec était armé et surtout ce mec était un putain de loup garou. Sa vision thermique le lui confirma, les garous avaient tous une température bien plus élevée que la moyenne et les loups les battaient tous sur ce sujet. La légende qui affirmait que les vampires et les loup-garou étaient des ennemis héréditaires n'étaient pas loin de la vérité, finalement, les deux races se retrouvaient toujours à s'affronter. Là aussi il aurait sûrement trouvé un truc marrant à dire s'il n'avait été que spectateur. Alors, lequel va donner la rage à l'autre ? Bon, il était décidément pas très en forme ce soir.

Déterminé à ne pas être débusqué le premier, Nathaniel se releva d'un bond, soulevant le lit au-dessus de sa tête, et dans un geste à la rapidité surhumaine, il balança le meuble à la tête du loup garou qui n'eut que le temps de lever les bras pour se protéger. Nathaniel n'attendit pas qu'il se reprenne, il se rua sur lui, tirant de son dos sa lame fétiche dont l'acier inaltérable avait été mélangée à de l'argent et ensorcelé par un seigneur fae et la planta dans la jambe de son ennemi. Le loup garou hurla de rage, le mordant de l'argent l'empêchant d'éviter la chute, et le vampire en profita pour se carapater. La blessure, même si elle avait été infligée par de l'argent, ne le tuerait sans doute pas. En revanche, son hurlement avait sans doute alerté les autres, et Nathaniel ne perdit donc pas son temps à l'achever, préférant courir pour sa vie.

Il ignorait combien ils étaient, mais il ne voulait pas le savoir. Atteignant les escaliers, il les grimpa à toute vitesse, tout simplement parce que n'importe quel être sensé serait descendu, ses traqueurs ne songeraient donc pas à le chercher vers le haut. L'accès au toit était verrouillé, il défonça donc la porte sans le moindre scrupule et arriva enfin à l'air libre... à une hauteur de douze étages.

La légende qui disait que les vampires pouvaient voler était franchement très sympa, et pour dire vrai, il aurait bien voulu qu'elle soit vraie. Certains vampires métis le pouvaient bien sûr, à condition d'être mélangé à des métamorphes ou garous oiseaux, mais lui n'était qu'un simple vampire, très ordinaire et très dans la merde. Douze étages, il pouvait les sauter et ne se ferait pas bien mal, et même si c'était le cas il guérirait. Mais pas assez vite pour ne pas se faire tuer entre temps. Cette petite garce de Xena n'aurait pas eu ce problème, elle.

Penser à l'Etre de lumière lui apporta ironiquement un éclair de génie. Comme tous les vampires, il pouvait absorber une partie des pouvoirs de ceux dont il buvait le sang, et Xena était sans doute sa donneuse la plus régulière. Il s'était entrainé avec elle à maitriser ses pouvoirs même s'il détestait ça : ça lui flanquait toujours une migraine atroce.

Un bruit de course se fit entendre derrière lui, dans les escaliers. Merde, il avait oublié qu'on pouvait le pister à l'odeur ! Il n'avait donc plus le choix, fermant les yeux et serrant les dents, il se concentra comme jamais et appela le pouvoir des Etres de lumière. Comme Xena le lui avait appris, il tourna son esprit vers son propre corps et s'employa à désolidariser les atomes qui le composait. Dans les faits, cela ne lui prit qu'une poignée de seconde, mais il eut l'impression que ça lui prenait des heures tant c'était douloureux et contre nature.

Lorsque les autres chasseurs arrivèrent sur le toit, il avait virtuellement disparu. Il pouvait les voir, eux pouvaient le sentir, mais ils étaient incapables de le localiser et même si c'était le cas, de lui faire le moindre mal. Sans s'attarder davantage et redoutant de perdre trop vite en énergie, Nathaniel flotta jusqu'au bord du toit et plongea dans le vide, tel le petit nuage d'atomes qu'il était. Une fois suffisamment près du sol, il s'élança dans les rues, aussi rapidement qu'il l'aurait fait avec sa vitesse de vampire, et traversa la ville, tachant d'éviter de traverser des choses.

Lorsqu'il vit l'enseigne du Repère apparaitre devant lui, il fut si soulagé qu'il tenta de traverser le mur sans réfléchir et rebondit en arrière en ayant eu l'impression d'être brûlé au dernier degré. Tremblant métaphysiquement de douleur, il se força à réassembler ses atomes, reprenant une forme tangible et un corps qui lui faisait encore plus mal que s'il avait réellement heurté le mur de plein fouet. Tanguant légèrement, il se rua à l'intérieur, ignorant au passage les regards étonnés qui se portaient sur ses vêtements déchiquetés, un effet secondaire et franchement agaçant de la dématérialisation.

La petite femme aux cheveux violets présente derrière le bar, très astucieusement prénommée Violette, ne sembla pas étonné qu'il lui commande un grand verre de sirop de barbe à papa. C'était le meilleur remède face à la migraine que provoquait ce fichu pouvoir et elle avait l'habitude d'en servir à Xena. Une fois déposé le grand verre devant lui, la fae lui fit un petit signe du menton, lui indiquant dans quelle direction aller pour mettre la main sur cette petite conne de Xena.

-T'es ma goule préférée Bébé, lui dit-il pour la remercier.

Violette lui adressa un sourire froid et le vampire se détourna, marcha à grand pas vers la jolie métisse qui tourna la tête vers lui en le voyant venir. D'un coup d'œil elle évalua son état, laissant un petit sourire mauvais épanouir sur ses lèvres.

-Le réveil a été dur on dirait, le nargua-t-elle.

-C'est toi ! comprit-il, manquant de hurler. C'est toi qui a mis ma tête à prix !

-Tu m'as refilé un pieu pour tuer un monstre marin.

Nathaniel jura. Il avait baissé la garde et elle l'avait eu. Mais elle ne perdait rien pour attendre, lui aussi avait toujours de bonnes idées pour se venger.