Chapitre 5 : Les oiseaux alités

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Salomé resta passivement allongée sur son lit, inerte. Seule sa respiration lente soulevant faiblement sa poitrine menue agitait la chambre vacante. Son cœur s'épuisait au tic tac de l'horloge. 10h47. Elle devrait être dans l'amphithéâtre, dans l'ombre de centaines d'étudiants, à recopier vaguement un cours.

Mais ce matin-là, elle ne pouvait se lever de son appartement. Elle avait besoin de silence, faire le vide imminent dans ses pensées. Ne plus cogiter, ne plus réfléchir, recueillir simplement la solitude.

Elle trembla, ses dents claquaient, un mal de tête la secouait. Elle sentit alors sur ses joues des larmes froides, sillonnant sa peau et se perdre dans son cou pâle. L'asservissement d'un douloureux aveu.

Elle ferma ses yeux, tenta d'oublier la réalité. En vain. Les paroles du détenu se répétaient en boucle, l'once de ses syllabes et la nuit de ses sentences tonnaient. Comme une sangsue, elle avait aspiré un fragment de son mal, insufflant à son âme une culpabilité méconnue.

Des images, jougs de son imagination, défilaient, retraçant la scène, représentant l'horreur. La cruauté pure. Des films se jouaient, altérant le portrait du condamné. Comment devait-elle se comporter vis-à-vis du meurtrier ? Elle ne devait le juger, mais ne serait-ce pas profaner en la mémoire du tué ? C'était un lourd poids à garder secrètement en elle.

Tard le soir, n'ayant pas bougé, elle supplia le sommeil la délivrant de ses tourments. Le rayon oblique de la lune, mirador de l'obscurité, se faufilait entre les volets et l'épiait incessamment. Elle s'agita, encellulée dans ses draps. Des cauchemars la confrontaient aux ténèbres de l'irréel, à la noirceur de l'être humain. La peur de l'étendue du Ça. Pouvait-on maîtriser nos plus sombres pulsions, nos soifs animales ? Comment prophétiser que demain sera le dernier jour ?

Dans quelques heures, elle sera confrontée à Chris. Comment masquer ses peurs ?

Avant l'aube, Salomé s'observa dans le miroir de la salle de bain. Des cernes écumaient ses paupières, ses taches de rousseur scandaient sa peau blafarde, martyre d'insomnie. Elle déposa quelques grains de fond de teint sur son visage, camoufla sa fatigue.

Elle sortit rapidement de son immeuble étouffant. Elle avait besoin d'air frais, reprendre le cours de sa vie. Or, le monde s'exécutait bien trop vite pour elle. La cadence des vagabonds était excessivement rapide, les voitures déboulaient promptement, le vent cinglait violemment l'oxygène. Les bâtiments formaient une arène où s'exécutait un combat de survie.

Au milieu de la foule, tel un oiseau alité elle s'engouffra dans l'isolement, piétinée par les passants. Son assassin ne se cachait-il pas parmi ces regards ? Des mines austères, des regards vides, qui étaient-ils réellement ? Des vêtements ternes, des démarches d'automates, étaient-ils victimes ou bourreaux ? Etaient-ils prisonniers de leur passé, de leurs faits ignorés ?

Etait-elle à l'affut du mal ?

Le monde qu'elle avait appris à connaitre bascula, l'éjectant dans l'inconnu. Comment s'extirper du chaos ?

De sinistres néons verts pendaient et agonisaient au plafond. Ils éclairaient de leur faible lumière une bénévole égarée dans le couloir glauque. Elle essaya de refouler son anxiété. Ne rien laisser transparaître. Ne pas le décevoir.

Elle frémit devant la porte vitrée opaque. Ne pas faillir. Le souffle coupé, elle poussa la porte.

Elle croisa aussitôt son regard, riche en espoir et effusion. Assis sur l'habituelle chaise, le détenu semblait l'attendre avec impatience. A sa vue, il lui offrit un sourire radieux.

L'envol du corbeau et le chant de la mésangeМесто, где живут истории. Откройте их для себя