Le film de ma vie

La rencontre

C'est un mercredi matin comme un autre au collège. Il est 10 heures et on est en pause. Il y a toute la bande de filles et quelques garçons avec nous. On est posés sur les vieilles tables de ping pong en béton installées sous le préau surement depuis plusieurs années. Quelle idée de mettre deux tables de ping ping dans une cour de récré sans mettre à disposition de quoi y jouer. C'était tout le paradoxe des établissements scolaires. Mais bon, au moins, je pouvais m'assoir dessus pendant que mes copines se faisaient tourner autour par les mecs. Moi j'étais bien tranquille, personne ne s'intéressait à moi. Enfin, si c'était le cas, personne n'osait le faire savoir.

Ma transformation physique n'avait finalement pas eu l'effet escompté. Le regard des garçons avait pourtant changé. Je voyais bien qu'ils me regardaient de façon plus intéressée. Les blagues sur mes origines ou sur mon poids avaient laissé place à des jeux de séduction. On me touchait plus souvent les cheveux. Quelques garçons commençaient même à me complimenter sur mes tenues ou mon maquillage. Mais jamais aucun n'avait encore montrer un intérêt plus prononcé. Je restais encore et toujours le vilain petit canard de la bande et mon caractère ne les aidait pas à s'adoucir avec moi.

En effet, depuis la primaire j'étais bien au courant de mon statut. Mais cela ne voulait pas dire que j'acceptai la situation sans rien faire ou encore moins sans rien dire. Les garçons avaient compris depuis longtemps que s'ils cherchaient la bagarre, ils pourraient facilement la trouver avec moi. La plupart du temps, les moqueries à mon encontre n'étaient plus dite sous le ton de la méchanceté mais plutôt pour me pousser à réagir de façon excessive comme je savais bien le faire. Certains garçons prenaient un malin plaisir à me faire sortir de mes gonds et mes réparties étaient connus de tous. Fallait pas me faire chier comme ils disaient derrière mon dos.

En ce mois d'octobre j'avais donc un statut quo au sein du groupe. Je n'étais plus tout à fait le vilain petit canard, je prenais soin de moi et je me transformais de plus en plus en jolie jeune fille mais par contre je gardais mon caractère de feu. C'est surement pourquoi aucun garçon n'osait montrer un intérêt prononcé pour moi. Surement par peur de mon caractère mais aussi et surtout par peur de la réaction des vipères du groupes qui elles ne manquaient jamais de me rabaisser de manière sournoise. Et bien sur toujours de façon détournée car sinon, elles savaient que je n'hésitais jamais à les remettre à leur place. Un peu comme ce mercredi matin.

- Salut les filles ! Dit Lucas en arrivant dans le groupe.

- Salut Lucas ! Lui répondit le groupe.

- Vous avez entendu parler de la fête des quatrième samedi prochain ? Demanda-t-il.

- Bien sûr ! D'ailleurs, j'y serai bien évidemment. Répondit la petite Marie de manière hautaine.

Forcément qu'elle y serait. Sa grande sœur Sabrina sortait avec un des beau gosse de quatrième, Clément. Du coup, cette petite peste profitait de la notoriété de sa sœur pour être de toutes les fêtes et s'en vantait allègrement à chaque fois que l'occasion lui était donnée.

- Ah bah tiens, ils arrivent. Je vais essayer de m'incruster. Dit Lucas en se frottant les mains avec un petit sourire farceur. Hey salut les gens ! Dit-il au petit groupe de quatrièmes qui nous rejoignaient autour de la table de ping pong.

- Salut ! Répondirent-ils.

Ils étaient trois. Deux filles et un garçon. Isa était une grande Antillaise très ronde, bien plus que moi. Malgré son physique, Isa était tellement appréciée de tous que personne n'aurait jamais même pensé à se moquer d'elle. C'était un peu la « mama » de son groupe d'amis comme elle aimait le dire. Lorraine, quant à elle, était une comorienne extrêmement jolie et avec un corps de rêve qui faisait tourner plus d'une tête. Les deux étaient supers sympas et contrairement aux mœurs de l'époque, elles n'étaient pas pour les castes selon l'âge ou la classe de chacun. Elles étaient copines avec les plus âgés des troisièmes comme avec les plus jeunes des cinquièmes dont nous faisions partie. Et puis il y avait leur chouchou, ce garçon qui les accompagnait à ce moment-là. Lui, celui qui a fait exploser mon cœur au moment même où j'ai posé mes yeux sur lui pour la première fois, ce mercredi d'octobre 1997.