Les Fiers

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Il ne savait plus comment cela s'était passé. Tout était un peu confus, à vrai dire, et la migraine qui ravageait ses tempes n'aidait guère. Il se souvenait du champ de bataille, ses soldats derrière lui, ses archers dont il avait supervisé la formation, dont il était si fier... Deux dizaines de guerriers rompus au maniement de l'arc, sous ses ordres, attentifs au moindre de son souffle...

Ils étaient vingt, ils étaient un, leurs flèches hoshidiennes ne manquant jamais leur cible, concentrés sur l'ennemi qui venait vers eux, brûlants de haine et de rage et de fierté d'être aux côtés du porteur du Yumi Fujin, arme légendaire.

Des mots brefs, les arcs s'étaient levés, les cordes s'étaient tendues...

Et puis, l'enfer.

L'enfer, tout simplement, songea-t-il sur le moment en voyant le flot irrésistible de lumière sombre déferler vers eux – ne se doutant pas le moindre instant que ce n'était que le début de sa chute.

Il se souvenait de cette vague de magie violette, si semblable à celle qui avait mis fin à la vie de sa mère, et d'une douleur atroce à la poitrine. Il se souvenait des cris de souffrance de ses soldats, derrière lui, du mélange de colère et de peur qui l'avait saisi, s'inquiétant pour eux, avant que l'inconscience ne mette fin au feu qui le dévorait de l'intérieur.

Maintenant yeux grands ouverts, le crâne vrillé par sa céphalée, il constatait sa situation et celle-ci ne lui plaisait guère.

Il se trouvait, à n'en pas douter, dans une petite cellule, de celles que l'on gardait pour les rebuts et certainement pas pour les prisonniers importants. Le sol, les murs, les barreaux de la porte ; tout était gris, d'un gris sale et soigné à la fois, comme si la pièce avait été minutieusement créée sur mesure, pour donner une certaine impression, et accueillir une personne en particulier.

Takumi ne se fit guère d'illusions sur la personne à qui la cellule était destinée.

Sentant ses membres le tirailler, il tenta de se lever ; fut cloué au sol par des chaînes entourant ses poignets et ses chevilles. Une grimace de mépris se peignit fugitivement sur son visage. Une cellule grise. Des chaînes. Chercherait-on à le diminuer, à l'humilier, lui, fier prince d'Hoshido ?

De toute évidence, oui, constata-t-il en réalisant qu'on l'avait délesté de son arme – évidemment – mais également de son armure légère. Il n'était plus qu'en chemise et pantalon qui, bien que taillés dans un tissu précieux, lui donnait le sentiment d'être vulnérable. Il sentait le sol froid et poussiéreux sous ses pieds nus, sous ses genoux, et l'acier des chaînes mordre sa peau.

Sa migraine refluant peu à peu, il se secoua férocement et entreprit de détendre son corps malgré le peu d'amplitude que lui laissaient ses fers. Tendant et détendant ses muscles pour sortir de son engourdissement, pour se réchauffer, pour se sentir, même de façon fugace, libre de ses mouvements.

C'est alors qu'il commençait à perdre patience – ce qui arrive rapidement le concernant – que quelqu'un daigna enfin se présenter devant sa cellule.

Un éclair de haine sinua sur son échine, et il put presque entendre le Nohrian scum ! craché à l'envi par sa sœur Hinoka et Oboro.

-Je n'ai donc même pas le droit à un membre de la famille royale ? railla la voix assoiffée de Takumi, tandis qu'il toisait de tout son mépris la figure qui lui faisait face.

Apprêté avec soin, les cheveux noirs et la figure blanche, couronné de son étrange coiffe, Iago ne daigna pas répondre à l'invective, contemplant avec un sourire satisfait le précieux petit prince qu'il avait réussi à capturer. Ce coup d'éclat, coup de maître même, lui avait valu la satisfaction de Garon – et c'était tout ce qui importait. Tout égoïste qu'il était, Iago restait loyal à son roi et ne cherchait qu'à lui plaire.

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⏰ Last updated: Dec 22, 2018 ⏰

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