Partie I - Chapitre 1: Noirs Désirs [Réécriture]

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- 7 ans avant L'achèvement de la prophétie (7 ans - ADLP) - Saison des brumes

Au fond d'une lugubre caverne, on distinguait les faibles ondulations d'une flamme. Devant un hôtel de pierre, un homme murmurait... Un homme, vraiment ? Non pas tout à fait. Il en avait l'apparence, certes, mais il n'est pas rare que les yeux mentent. De cette sombre silhouette se répandaient des chuchotements macabres, susurrements d'incantations et de prières malsaines. Grand, fin, les cheveux noirs... cet imposteur du genre humain aurait pu sembler parfaitement naturel. Mais sa chevelure était d'une noirceur bien trop profonde pour l'être, sa silhouette bien trop élancée pour se définir dans la normalité et la pâleur de sa peau trahissait ses origines profanes.

Du fond de cette sinistre cavité, la créature invoquait son maître, prête à le supplier une nouvelle fois de le rendre plus puissant. Il avait des renseignements d'une importance majeure en échange de cette requête et il en était sûr, Mélak ne saurait rester indifférent à ces révélations. L'incantation se terminait. Les murmures devinrent indistincts et les derniers échos moururent dans l'obscurité, quand dans un nuage rouge bleuté, une forme se dessina à travers les volutes de fumée malsaine. Une forme maléfique. L'ombre, dans son cocon de brume malsaine, se changea en un corps de chair et d'os - ou presque - qui traversa l'écran occulte. Une main griffue se révéla, fit mine de s'aplatir sur un des murs humides de la grotte, laissant planer derrière son mouvement des arabesques enfumées. Le long des parois rocheuses, l'écoulement lent et régulier d'une eau invisible avait creusé des sillons lustrés et luisants. Inspirant avidement un air inutile, l'incantation se redressa alors que ses forces lui revenaient et son regard flamboyant tourna vers son serviteur, resté prostré en retrait. Une voix calme et glaçante sortit de sa bouche qui résonna comme mille murmures.

— Pourquoi m'invoques-tu, Chose ?

Bégayant et tremblotant, le serviteur dut se faire violence pour exprimer ses souhaits, se redressant tant bien que mal.

— Maître... je suis désolé, maître, de vous importuner, mais je souhaiterais... ho... si ce n'est pas trop vous demander, en échange de précieux renseignements, un corps plus puissant.

A peine avait-il terminé sa requête que la « chose » se raplatit de tout son être, guettant imperceptiblement la réaction de son dieu.

— Comment oses-tu ? Me demander, à moi, ton maître, un prix contre mes ordres ! hurla Mélak, faisant trembler le lieu d'un écho lugubre.

Mélak déposa un regard plein de mépris sur l'humanoïde à ses pieds. Bien que ne connaissant que peu d'égal à sa puissance, il avait besoin de cet être inférieur, malgré tout le mal qu'il avait pour l'admettre. Sa création savait se rendre utile malgré la futilité de son existence puérile. Il était fidèle et il savait rapporter des informations de qualité, sans autres satisfactions que la reconnaissance de son maître. Jusqu'à ce jour. Il faisait également parti de ses plans précis et travaillé sur des siècles, déjà fragilisés par la situation précaire où il se trouvait.

Sa victime, entre temps, s'était complétement aplatie sur le sol, secouée de tremblements incontrôlable. Il ne risquait décidément rien à donner quelques artifices supplémentaires à un être aussi dénué d'ambition.

— Toutefois, étant en mon jour de bonté, reprit-il de sa voix suave, si je juge tes dires utiles, je ferai peut-être quelques petites modifications à ton insignifiante personne.

— Ho ! Merci maître ! s'exclama l'homme en répétant nerveusement plusieurs révérences. Je voulais vous prévenir et vous renseigner sur l'évolution de vos deux rivaux. Ils sont encore faibles, et leur puissance n'a pas encore atteint son apogée, non, non. Mais, ils progressent vite... la jeune fille commence à maîtriser son incroyable énergie. Elle n'a d'ailleurs plus rien à envier aux tireurs d'élite elfiques. Le jeune homme, quant à lui, vient de mettre à terre le puissant général des armées de Sora, Yal Rez'Tan. Il a donc gagné le titre du plus grand guerrier de Brazla. Sa magie est également exceptionnelle, mais il ne s'en rend pas encore compte. Cela l'affaiblit, le rend incertain. Des doutes naissent sur le continent, fragilisant les relations de Sora. Il faut savoir que tous les peuples ne sont pas en accord avec la décision du roi Sar Ier de confier le continent à deux enfants qui n'ont pas encore atteint l'âge de la puberté. Le Prisme d'Onyx avance également, mon maître. Les entraînements sont intensifs mais les rangs s'agrandissent vite et avec dévotion.

— Cela me ravit, siffla Mélak entre ses dents. Bien, s'exclama-t-il soudain en frappant ses mains griffues. Que veux-tu ? De la force ? De la rapidité ?

Après un sursaut défiant toute gravité, Chose récupéra le peu d'esprit qu'il avait et se reconcentra sur son maître.

Face à l'expression béate et hésitante de sa création, qui levait un doigt timide puis un autre en se reprenant, tout cela en agitant stupidement ses yeux en tous sens, le dieu du Mal pinça les lèvres et réprima d'autres signes d'agacement. Ce serviteur était la preuve absolue de la dégénérescence de son pouvoir et de sa force. Cela l'insupportait plus que tout !

— Ne réfléchis pas plus, je t'apporterai tout cela à la fois. Epargne tes méninges, veux-tu, je ne peux malheureusement rien pour elles, répondit-il lascivement en levant les yeux au ciel avant de se retourner, désabusé.

— Merci du fond du cœur, ô vénérable dieu! Merci, mon Maître!

A ces mots, le démon se jeta aux pieds de son dieu, ses insultes ne semblant lui poser aucun problème.

— Allez, maintenant hors de ma vue, j'ai déjà perdu assez de temps comme ça! Et sache qu'à partir de maintenant je ne pourrais plus envoyer mon âme sur Brazla. Lorsque tu m'invoqueras, ce sera à toi d'effectuer le voyage dans le Temple Crépusculaire. Il va me falloir beaucoup de temps pour récupérer l'énergie que tu m'as fait perdre, ajouta-t-il sans se soucier du tressaillement de son serviteur à cette idée.

Agitant sa main avec flegme pour accompagner ses paroles, le dieu disparut, laissant sa silhouette au crâne difforme orné de cornes, disparaître dans la faible luminosité. Le silence se fit. Seul encore présent sur les lieux, le serviteur restait étalé sur le sol humide, murmurant une dernière prière.

Un hurlement de douleur brisa le calme ambiant, venu de l'intérieur de la petite grotte. Puis plus rien, le vide... avant de distinguer des raclements de griffes sur le sol aride. Ce qui sortit de la cavité n'était plus du tout comparable à un humain! Une chose plus haute qu'un ours mâle se traînait à l'air libre. Sa peau rouge emplie de verrues se boursoufflait autour de deux yeux de feux renfermant les flammes de l'enfer et vibrants d'une folie dangereuse et dévastatrice. Voilà le nouvel aspect d'un serviteur de Mélak dieu de la discorde, après une « amélioration ».

La bête rejeta sa tête chauve en arrière et poussa un hurlement sinistre. Relevant ses membres devant ses yeux, il semblait admirer sa nouvelle forme. Deux paires de bras armés de griffes puissantes et aiguisées comme des rasoirs se balançaient maladroitement et de très longues pattes terminées par d'énormes sabots piétinaient le sol tandis que le monstre se dandinait sur place. Sa gueule, béante, était emplie de dents plus longues que celles d'un lion d'argent. Mais malgré cet aspect répugnant et effrayant, cette créature ne pouvait camoufler une intelligence très secondaire...

La création de Mélak plia ses ailes sombres dans son dos et s'éloigna d'un pas trainant, creusant de profond sillon dans la terre meuble des plaines de Brazla. Un orage faisait rage, éclairant les prairies infinies de Creïka d'une lueur bleutée et faisant trembler les roches alentours sous les coups de tonnerre. La peau cramoisie du monstre ruisselait, et ses longues babines s'agitaient sous les assauts du vent. Levant la tête et observant les environs de son regard perçant, les narines béantes de la créature frémirent alors qu'elle repérait son objectif. La Tour de Jade, véritable joyaux de la région, se dressait au loin, à cheval sur la frontière de Sora. Revigoré par la proximité de sa destination, le démon s'élança de plus belle, prêt à mener sa mission à bien au château du roi Sar Ier. 

Les Reliques du Damné - T.I TrahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant