Chapitre 17 - Miracle et Survie

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Année 7 – (saison de la vie) 

Le roi bataillait vaillamment sur le terrain. Il repoussait les adversaires sans frémir, tranchaient les chairs avec hargne et découpaient les membres aisément. Ainsi dynamisé par l'énergie de la guerre, le roi de Sora était méconnaissable. Il ne tremblait pas. Il s'épanouissait dans cette pluie de sang et toute douceur avait quitté son visage, buriné par les âges. Mais les pierres affluaient. Toujours plus nombreuses, elles regroupaient de puissants cavaliers creïs, de redoutables mérolts et même quelques mages elfiques dont le regard de cristal pouvait glacer jusqu'à l'os. Moïe avait rejoint son monarque au galop, inquiet de l'avoir laissé seul aussi longtemps, mais il fut satisfait de le voir sous bonne garde, encerclé par les guerriers flendïens. D'un simple hochement de tête, il rassura Sar Ier dont le regard inquisiteur demandait des nouvelles de son gendre. Rasséréné, il reprit les assauts de plus belle.

De l'autre côté des plaines, les nains déferlaient sur le champ de bataille en nombre. Après des décennies passées à ne jamais quitter leur royaume de roche, ils ne semblaient pas tant handicapés par le territoire sans reliefs que proposaient les plaines de Sora. Armés de toutes sortent d'armes standards et parfois plus exotiques, ils prenaient à revers les armées de Brazla. La moitié d'entre eux étaient juché sur des bêtes semblables à des safilins géants. En première ligne, cette cavalerie peu commune donna la charge dans un chant aux tonalités caverneuses. Les soldats de toutes origines, parés de leur fier uniforme aux couleurs de leur royaume, observèrent la nouvelle armée se répandre tel un raz de marée, sans même pâlir. Ils savaient leur sort scellé, mais ils pouvaient périr avec dignité. Ils avaient saigné pour leur roi, ils avaient souffert pour leur royaume et même, pour certains, offert leur chair en sacrifice pour la paix et la protection des valeurs de Brazla. Si le mal devait vaincre, aucun de ses hommes ne mourraient dans le regret ou dans la disgrâce. Ils redoublèrent d'énergie pour assassiner autant d'ennemis de la paix que possible, avant d'être rappelés dans les Plaines Astrales pour toujours.

Kilna, poussée par la crainte et une curiosité morbide, quitta le chevet de son mari et écarta un pan de la tante de soin pour se renseigner sur les évènements extérieurs. Sa bouche s'agrandit face à la tempête de fer qui sévissait tout autour d'elle. Les nains étaient là. De nouveaux sons, de nouvelles odeurs se répandaient. Les safilins grognaient sous le poids de leur cavalier, les cavaliers hurlaient, soit de hargne, soit de douleur, les lames chantaient entre les entrailles... Incapable de bouger, Kilna observa les derniers instants de Sora disparaître devant ses yeux impuissants. Elle risqua un regard vers Holf ; tué dans son sommeil, au moins, il ne souffrira pas, pensa-t-elle. Son esprit lui imposa une étrange nostalgie face la mort imminente. Elle avait été princesse d'un royaume le temps de quelques heures. Elle avait été mère, femme, orpheline puis fille de roi et aujourd'hui soigneuse. Si Saruïa devait la rappeler en ce jour sombre, elle ne regretterait rien. Sa dernière prière, elle l'adressa pour son fils.

Le tumulte était palpable, les commandants hurlaient des ordres pour se faire entendre par-dessus les cris des blessés. Le métal était maître en ce lieu et les chocs résonnaient dans la plaine dans un chant funéraire, telle une promesse de mort. Quand, transcendant le hourvari de la guerre, le ciel se déchira malgré la météo clémente. L'étendu bleu se silla d'une faille violacée et un grondement outrepassa tout ce qu'aucun n'avait jamais entendu. Les bruits des lames qui s'entrechoquent s'estompa. Alliés et ennemis avaient le nez pointé en l'air. Si le tumulte de la bataille ne les effrayaient, pour la plupart, pas le moins du monde, une crainte frémissante montait dans les rangs. Un nouveau coup de tonnerre tonitrua à travers l'ouverture béante et une forme se découpa dans l'obscurité nouvelle du petit matin. Les nains, qui n'avaient pas combattu une nuit entière dans la boue sanglante des plaines, étaient frais et reposés. Ils refusèrent de se laisser abuser par un tour de magie puéril que leur réservaient sans doute les mages de Brazla. Loin de toutes les superstitions stupides auxquelles se livraient les autres royaumes, ils profitèrent au contraire de cette apparition pour trancher quelques jugulaires à portées, pour les plus grands, ou les tendons d'Achilles qui trainaient devant eux, pour les plus petits. Des hurlements et des gargouillements retentirent alors une fois encore sous ces attaques perfides, mais les combats ne reprirent pas pour autant. Une voix résonna alors dans l'espace. Sombre, grave, sortie des entrailles de la terre elle-même.

Les Reliques du Damné - T.I TrahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant