4| Pacte ✔

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Une misérable sensation de honte parcourt mon corps. Je serais même prête à mettre ma main au feu que mes joues sont d'une rougeur affreuse. Cependant, les bouteilles qui s'enfoncent petit à petit dans mon ventre — légèrement gros que la moyenne —, me rappellent qu'il y a plus urgent.

Je me relève alors, en prenant appui sur le sol du stock. En dépoussiérant mon beau tee-shirt, je grogne. Cette soirée ne pouvait pas démarrer aussi mal. Mon amie en pleine phase de rupture et ma chute sur des bouteilles contenant de l'alcool. Je n'ose même pas imaginer ce que me réserve la suite.

En revanche, une fois le problème de torture de mon ventre réglée, mon autre soucis réapparaît : les deux yeux. Je déglutis. En réalité, je n'aime pas la lecture. Cependant, Narva lit beaucoup et pipelette qu'elle est, elle me raconte toujours les  histoires lues, souvent d'horreur et de fantastique. De ce fait, je suis devenue un tout peu paranoïaque.

Mon premier réflexe n'est pas de m'avancer vers la personne en question comme la plupart des héroïnes de films d'horreur. Et ce n'est pas de crier comme quelques humains normalement constitués. C'est plutôt de rester planté à ma place sans bouger d'un poil. Et l'obscurité de la pièce ne m'aide pas beaucoup. Peut-être est-ce un voleur ? Ou un meurtrier ? Un ancien conquête de Élodie qui veut se venger en sabotant sa fête ? Je n'en sais rien.

Je déglutis quand je vois l'inconnu s'avancer. La bouteille d'eau potable dans mes mains est en plastique. L'idée de la lui lancer en pleine tête, annulée. Je crois distinguer le fait qu'il penche légèrement la tête et je serais prête à parier qu'il fronce les sourcils. Me confond-t-il avec sa cible de la soirée ? Ça y est, c'est terminé. Il va me tuer et demain, en gros titre sera inscrit " UNE JEUNE ADOLESCENTE ASSASSINÉE DANS LA CAVE DE SA MEILLEURE AMIE PAR UN PSYCHOPATHE ".

— Soleil ?

Et il connaît mon prénom en plus. Du moins, en français. Je l'imagine sortir son couteau et prononcer lentement mon prénom, pour finir par me trancher la gorge. Attendez, deux minutes. On va rembobiner la cassette. A-t-il dit Soleil comme Erwan en a l'habitude ? Une soudaine lumière me sort de la pénombre ramenant un peu de luminosité.

Je manque de m'étrangler quand je vois que ce n'est nul autre que le brun avec son éternel sweat-shirt noir. Je souffle d'une part soulagée mais hausse un sourcil quand même. Est-ce que je rêve ou le petit intellectuel de la classe est venu à sa première — sûrement — fête ? Il faut avouer que je priais de toutes mes forces pour qu'il ne vienne pas. J'avais besoin de respirer un peu. Échapper à mon quotidien catastrophique. Mais la rupture imminente de mon amie et la venue du plus grand emmerdeur change tous mes plans.

— Tu es réel ? demandé-je.

C'est bête, j'en ai conscience. Surtout pour une future scientifique comme ma mère aime me le répéter. Je distingue Erwan lever les yeux aux ciels et aller au fond de la pièce. Il s'adosse sur un mur, ses pieds piétinant exagérément un carton vide. Je ne le connais peut-être pas suffisamment assez, mais je suis presque sûre qu'il n'est pas dans son assiette. Le Erwan habituel aurait lâché une réplique cinglante.

— Tu boudes parce que tu ne révises pas ta physique chérie ? je tente de plaisanter.

Une deuxième fois de plus, pas de réaction. Il ne s'énerve pas, ne sourit pas et surtout ne me contredit pas. Là, c'est confirmé. Plus aucun doute. Il ne va pas bien. Et sans que je ne sache comment et surtout pourquoi, je me retrouve assise près de lui. Je plie mes jambes et les serre au niveau de ma poitrine. Je me mords la lèvre inférieure. Le malaise s'intensifie.

A. G. A. I. N | En Cours Où les histoires vivent. Découvrez maintenant