Manaba

Chuluun

Devant elle se dressa une immense muraille dont chacune des pierres devait bien faire la moitié de la hauteur de la jeune femme. Le mur se dressait devant elle - non, plutôt il s'imposait à elle. Parmi tout ce blanc, il venait véritablement transpercer le paysage tandis que les énormes blocs ternes de basalte se superposaient les uns les autres donnant l'impression qu'ils cherchaient à atteindre les cieux.

Deux portes massive de bois également se dressaient, coupant la muraille en deux - et alors que le bruit assourdissant de tambours transcendait le vent et la neige, résonnant jusqu'au cœur de la femme du nord- elles commencèrent à s'ouvrir, provoquant un bruit sourd et désagréable de grincement se mélangeant au brouhaha causé par la horde d'Ogodei et de la vie qui se trouvait au-delà du mur.

Manaba se redressa. Les sons des tambours, leur résonance lui étaient bien trop familiers - et ils éveillèrent  en elle une joie qu'elle n'avait pas connue depuis longtemps.  Elle se tortillait sur le cheval essayant d'observer ce qui se trouvait devant elle, mais même si elle se trouvait en tête du groupe, il n'empêchait que les gros flocons fouettant son visage, s'insinuant dans ses yeux, et les autres membres du cortège lui rendaient la visibilité difficile. Elle entr'apercevait une masse, un agglomérat de la population sans doute - après tout Ogodei était de retour à la capitale, mais elle ne put rien observer de plus, alors elle cessa de gesticuler, résignée - et se recroquevilla sur elle même pour lutter contre le froid.

Elle ferma les yeux pour les rouvrir quelques secondes après seulement alors qu'un petit ricanement troubla sa tranquillité.

Manaba tourna la tête et elle rencontra à nouveau une paire d'yeux hétérochromes pleins de malice. Elle avait complètement oublié la présence de l'homme derrière elle, et elle ne fut que surprise et légèrement gênée quand elle comprit que visiblement, il riait d'elle.

"On abandonne déjà?" Son ton ne pouvait être on ne peut plus taquin alors que ses yeux se plissèrent, trahissant un sourire sous son masque. La pauvre fut trop troublée pour répondre quoi que ce soit, seule sa bouche resta ouverte - sans produire aucun son tandis que ses yeux se posèrent partout, sauf sur ceux du jeune homme.

"Il faut pas se décourager comme ça, reprit-il, je vais t'aider."

Sans même avoir le temps de protester il la souleva avec une aisance déconcertante. Elle s'agrippait à son manteau de fourrure avec toute la force qu'elle possédait - anxieuse de tomber à nouveau de sa monture, mais il semblait qu'il ne comptait pas la lâcher comme ça. Alors qu'il riait chaudement, la pauvre commençait à se débattre mais se stoppa net lorsqu'elle réalisa qu'elle surplombait le groupe.

De sa hauteur, elle parvenait à reconnaître Ogodei sur son cheval alezan: s'il était emmitouflé sous des tonnes de couches de peaux, le maître des Steppes de l'Est n'en perdait pas moins son allure fière et dominante. Son regard se détourna de son sauveur et traversa l'avant du cortège pour enfin se poser sur ce qu'elle tentait plus tôt de voir.

Les portes s'étaient complètement ouvertes, laissant le large accès libre à la horde pour entrer dans la capitale. De nombreuses têtes étaient tournées vers les nouveaux arrivant - des vieux, des plus jeunes, femmes, hommes et enfants s'étaient réunis devant l'entrée qu'elle en déduit principale. Elle se trouvait bien à 150 voire 200 mètres de l'entrée et pourtant, l'animosité et la vie qui s'échappait de la ville se faisait déjà sentir alors que les bruits sourds se mélangeant entre eux lui parvenait déjà. Son cœur se resserra lorsqu'elle réalisa que tout lui semblait beaucoup trop familier: ils portaient tous un accoutrement similaire à celui de son village - après tout dans le nord, rien de mieux que d'épaisses peaux et fourrure pour se protéger du froid mordant. Les visages aux peaux mates, ces cheveux foncés, les rires et la langue si similaire à la sienne qu'elle parvenait à la comprendre - elle avait l'impression qu'elle rentrait chez elle. Seulement, ce n'était pas le cas.