Condamnés

XVI/ Sincérité

Louise

" Le regard vide de Nathan est perdu dans le mien, son visage est sans expression, je ne sais plus quoi dire. Le secret que je gardais précieusement au fond de moi vient d'être dévoilé. Je ne voulais pas lui annoncer de cette façon mais je n'avais pas le choix. Je sentais la chaleur de sa main dans la mienne, puis il l'enleva et à cet instant un frisson glacial me parcourt. Son teint est livide, ses yeux dans le vague, il ne parle pas, ne bouge pas. Je cherche tant bien que mal de croiser son regard, mais il me fuit. Je ne sais pas quoi faire. Devrais-je rester à ses côtés et répondre à ses éventuelles questions ? Ou bien au contraire devrais-je partir sans me retourner pour qu'il m'oublie et pour que son visage d'ange sorte de mon esprit ? J'aurais pu lui dire la vérité depuis longtemps, j'aurais peut-être dû mais aurions-nous étés aussi proches ? Les gens changent quand je leur avoue qui je suis, or lui était quelqu'un de sensible, d'attentionné malgré le ton sarcastique et ironique qu'il employait parfois. Les deux jeunes quant à eux se tiennent debout, les bras croisés et nous regardent avec insistance. Un sourire narquois se dessine aux coins de leurs lèvres. Le jeune homme finit par briser la glace :
- Alors, Louise Heliopé ? Ou plutôt devrais-je dire Louise Margaux d'Hestia ? Acceptes-tu de nous suivre ?

Il insiste sur chaque mot, notamment sur mon vrai nom. Ses paroles sont également accompagnées d'une révérence exagérée. Intérieurement, je suis en ébullition. Si seulement je pouvais enlever ce sourire de son visage ! Je ne devrais pas prendre exemple sur l'homme qu'est mon père, mais j'essaye de prendre le même aplomb, le même ton froid et sans pitié qu'il prend lorsqu'il annonce une exécution :
- Je ne bougerais pas d'ici, tu ne m'emmèneras pas vivante. J'incline ma tête vers la droite, avance d'un pas et ajoute : Je suppose que morte, j'ai beaucoup moins de valeur, n'est-ce pas!

Mes paroles ont eu l'effet escompté. Il recule d'un pas et fait un signe à l'autre jeune femme de lui venir en aide. Elle s'approche de moi, attrape mes deux mains et tente de me maintenir à terre. Je me débats du mieux possible, mais seule contre deux j'ai beaucoup de mal. Ils finissent par me neutraliser. Nathan ne bouge pas d'un pouce, il ne regarde même pas la scène se déroulant sous ses yeux. Je suppose qu'il est en état de choc. Les deux jeunes gens me relèvent et approchent mon visage de la tente enflammée. Cela m'étonne que personne n'ai entendu notre conversation, ou bien même que personne ne sente l'odeur étouffante de brûlé qui plane dans l'air. La chaleur commence à brûler mon visage, j'ai beau m'agiter dans tous les sens, cela ne change rien, ils ont beaucoup plus de force. Soudains la jeune femme s'exclame :
- Tu sais ma chère Princesse, nous ne voulons pas de ton argent ! Nous voulons venger tous ses jeunes que tes parents ont fait exécuter ou exiler ! Tu les as regardés mourir, sans même lever le petit doigt !

Le jeune homme reprend :
- Ma petite sœur a brûlé sur un bûcher allumé par les sbires de ton père, il y a de cela sept ans. Dans ma famille, nous sommes les descendants d'une très longue lignée d'enchanteresse. Elles ont toutes été exécutés il y a de cela deux cents ans à Salem. Elles étaient jugées comme beaucoup trop dangereuses pour la société de l'époque, car elles avaient la fabuleuse faculté de manipuler les esprits à leur guise. Malgré cette horreur, l'histoire de notre famille c'est transmise de génération en génération. Plus aucune fille de ma famille n'a développé cette faculté, nous l'avons crue totalement disparue. Mais il s'est avéré que ma petite sœur Clémence possédait ce gène qui n'était pas actif. L'eau d'Hygie à lu cela en elle et a prédit qu'elle ferait des ravages et qu'elle détruirait toute personne qui tentait de lui faire du mal. Le roi et la reine n'ont pas cherché à savoir si ces infos étaient vraies, ils l'ont fait exécuter avec beaucoup d'autre jeunes non-acceptés pas l'eau sacrée. Ils ont justifié leurs actes au peuple en disant que ces enfants étaient des abominations, qu'ils ne méritaient pas de vivre ! Ton très cher père a mis en garde ses citoyens en disant que toute personne qui tentait de les défendre finirait exactement comme eux. Brûlés vifs !