- deux, fin

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- Quelles sont ces fleurs? elle questionne alors, ses yeux verts descendant sur le bouquet.

Les yeux bruns de Liam tombèrent sur les fleurs, colorées de nuances de rose plus ou moins fonçées. Sa mère les aurait adoré, si seulement elle était venue. Ce sont ses fleurs préférées. Il soupire, peiné pendant un instant, mais la présence de la jeune fille balaye ce moment de tristesse. Reprenant un peu contenance, il répond.

- Des camélias. Les fleurs préférées de ma mère.

- C'est donc ta mère que tu attendais... sourit-elle doucement.

- Comme chaque année, depuis dix ans, ici il aquiesca, penaud. Mais j'imagine qu'elle a encore loupé notre rendez-vous.

- Pourquoi ici?

Il inspire, contenant en lui une douleur qu'il ne veut pas faire sortir.

- Parce que c'est ici qu'elle est partie, à mon arrêt de bus. Lorsque je suis monté, c'était la dernière fois qu'elle m'a dit au-revoir. Puis, quand j'ai réussi à la retrouver sur internet, elle m'a donné rendez-vous ici, tous les ans.

Il laisse son regard vagabonder dans le ciel. Les étoiles brillent particulièrement fort ce soir. Ce détail le fait sourire.

- Je ne pense pas que cela puisse vraiment te consoler, mais... On va dire que, grâce à elle, on s'est rencontrés, dit-elle alors.

Liam ne peut retenir ses joues de chauffer. Elle est si adorable... Ses lèvres s'étirent encore et encore, attendrit. Si seulement elle savait à quel point cela le réconfortait. Il remercie silencieusement sa bonne étoile, qui venait enfin de briller après des années de ténèbres. Ca, pour une bonne rencontre...

- Raconte-moi ta vie, dit-elle alors, soudainement.

C'est alors qu'ils entamèrent une longue et interminable conversation. Liam raconte alors tout depuis son enfance jusqu'à maintenant. Il ne sait même pas pourquoi il se confit, mais il le fait quand même.

Il lui dit la joie d'avoir des parents amoureux, puis la tristesse de les voir se détruire. L'immense douleur qu'il a ressentit lorsque sa mère est partie. Le réconfort de son père, qui lui-même peinait à remonter la pente. Puis, il lui raconte l'école, où il n'avait que quelques amis, mais qui étaient de bons amis. Les bêtises qu'ils avaient faites, qui le font sourire. Les notes plutôt moyennes, mais passables qui inquiétait son père, ce dernier voulant que son fils devienne médecin. Il en vient à la mort de son père, puis à la séparation de son groupe d'amis. Tous l'avaient laissé tomber, tous les gens qu'il aimait étaient partis et aujourd'hui, comme depuis dix ans, il en venait à attendre une absente avec des fleurs qui se faneraient et le coeur serré, tout ça comme seul espoir d'un jour pouvoir redevenir heureux comme avant.

Pendant ce long monologue, Nelga le soutient, prenant à certains moments sa défense contre des personnes qui ne sont plus là. Elle justifie les actes qu'il ne peut justifier, l'aide à apaiser ses démons, à ne plus regretter, à avancer.

Elle lui raconte alors son histoire à elle, quelque peu similaire. Son père est absent, ce depuis toujours. Sa mère, elle, elle ne la connait pas. Ni les traits de son visage, ni le son de sa voix. Elle sait juste qu'elle vient de son ventre. Elle a grandit seule, avec des frères et soeurs tous plus indépendants les uns que les autres. Et enfin, elle lui raconte en envole vers une vie plus sereine, seule.

A la fin de son recit, il remarque alors ce sentiment, si étrange et envieux, qu'il n'avait plus ressentit depuis longtemps.

Ce sentiment qui refait battre des coeurs et qui en arrête d'autre, qui contrôle le corps plus qu'il ne devrait et qui nous rend fou à lier. Cela faisait si longtemps qu'il n'est plus tombé amoureux... C'est donc cela, ce qu'on appelle le coup de foudre. Il sourit à nouveau, gêné cette fois. Au fond de lui, il espérait qu'elle ressente la même chose pour lui.

Puis, la vérité le frappe. Comment pourrait-elle tomber amoureux de lui, lorsqu'elle est elle? Il doit ressembler à un pauvre gars, assit sur un banc rongé par les années, pendant une nuit d'hiver particulièrement froide avec un piteux bouquet de fleurs et un téléphone inutil. Non, bien sûr qu'elle ne l'aime pas.

Pourtant, le regard de Nelga n'a pas l'air d'accord, puisqu'elle détaille le garçon avec un immense interêt et les joues roses. Doucement, sa main vient serrer la sienne. Une déchagre éléctrique le parcourt. Il frêmit à sa peau, chaleureuse et douce. Elle ne semble pas vouloir le laisser, elle.

- Tu ne seras plus seul, maintenant, Liam. Je suis là.

A cette phrase, son coeur se serre autant qu'il se réchauffe. Cette phrase, son père lui avait déjà dit. Mais, aujourd'hui, il a rejoint les anges. Aujourd'hui, il n'est plus là. Et si elle aussi, elle l'abandonnait? Les larmes lui piquent les yeux. C'est trop, trop pour un simple soir de décembre. Lui qui voulait simplement voir sa mère, qui était partit depuis si longtemps, il se retrouve à tomber désésperément amoureux d'une inconnue. Il déglutit et, tremblant, il murmure.

- Tu le promets?

- Je le promets.

Il la serre alors contre lui, de toutes ses forces. Une nouvelle déchagre éléctrique le parcourt alors. Il a trouvé l'amour en un soir qui semblait être dénué de joie, et cela le fait pleurer. Elle le console alors, elle le console si bien que rapidement, il ne pleure plus, apaisé. Il y-a-t-il une chose que les anges ne lui ont pas donné? Nelga a la patience, l'amour, la beauté, la gentillesse, la compassion, la douceur... Elle est incroyable.

La discussion dévit sur quelque chose de plus joyeux, et ils rirent ensemblent. Toute la nuit est agrémentée de sourire, de rire et de confession. Ils s'attachent un peu plus l'un à l'autre à chaque seconde et, aussi effrayant que cela est, ils ne peuvent rien faire pour l'arrêter, quand bien même ils en auraient l'envie.

Mais, malheureusement, la nuit commence à s'illuminer pour laisser place au jour. Les passants recommencent à revenir. Un silence pesant s'installe entre eux. Nelga regarde sa montre. Leurs coeurs s'allourdissent tandis que l'un sait qu'il doit partir, et que l'autre sait que l'un va partir.

- Le jour se lève... Il faut que j'y aille. Tu veux venir avec moi?

- Oui, répond-t-il alors, sans aucune hésitation.

Pourquoi hésiter? Rien ne le retenait nulle part, excepté elle. Il n'aurait jamais pensé s'attacher aussi vite à quelqu'un. Il peut aller partout, absolument partout, tant qu'il est avec elle. Elle se lève, toujours aussi gracieusement. Il croit même voir des ailes dans son dos pendant une courte seconde. Bon sang, qu'est-ce qu'elle ressemble à un ange...

Un magnifique sourire étire ses jolies lèvres. Elle tend sa main vers lui. Complètement sous le charme et déterminé, sa main glisse dans la sienne. Elle rit doucement, toujours aussi adorablement, et ensemble, ils partent, main dans la main. Il ne sait pas ce qui l'attend, mais avec elle à ses côtés, il n'a peur de rien, même pas de la mort.

Des mois plus tard, ils se trouvent au bord de la mer, dans un magnifique chalet, avec plusieurs enfants. Liam est au paradis. Il ne peut s'empêcher de sourire à tout instant. La petite famille est heureuse, ensemble, seule au monde.

A ce moment précis, sa femme lit un livre dehors, dans le sable fin et blanc. Ses trois enfants courent au bord de l'eau, s'éclaboussant tous les trois pour savoir qui finira le plus trempé, attendant surement que leur mère ou leur père les rappellent à l'ordre. Le soleil brille et les sourires persistent. Il a retrouvé son bonheur d'enfance.

Parfois, lorsqu'il regarde les fleurs séchées au mur, celles destinées à sa mère mais qui finalement furent pour sa femme, il se demande ce qu'aurait été sa vie, si ce soir-là, ce soir du onze décembre, sa mère était venue.

Peut-être que si elle était venue, les fleurs ne seraient pas mortes. Peut-être qu'il l'aurait pardonné pour être partie et qu'ils seraient rentrées ensembles, ou alors ils seraient repartis chacun de leur côté, se promettant se garder contact. Peut-être que Liam ne serait pas resté la nuit dehors. Peut-être même que sa mère ne s'en voudrait pas, à présent, en allant dans cet endroit sombre. Peut-être qu'elle ne serait pas là, à pleurer sur une pierre froide. Peut-être que ses doigts se repasseraient pas sans arrêt le creux des lettres gravées dans la pierre.

"Liam Jonathan Barnes,

8 avril 1997- 11 décembre 2018

Repose en paix".

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⏰ Last updated: Nov 17, 2018 ⏰

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