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Au lycée, je portais l'uniforme. Un pantalon bleu, une chemise, et un blazer ; ou une jupe, au choix pour les filles. Toujours est-il que ça ne m'a jamais troublé. J'appréciais même le fait qu'on ne nous dissociait pas vraiment ; cela me réconfortait même.

Je me rappelle très bien de ma rencontre avec Thalys ; ce qui m'avait marqué, chez elle, était son envie d'être simplement différente, sans être admirée. À la rentrée, ses cheveux noirs et longs ; deux mois plus tard, elle abordait un carré pêche. Son visage avait l'air de changer constamment, par des lentilles de couleur ou des lèvres noires, brunes, ou marines.

Elle était belle, dans son "je m'en foutisme" appliqué que l'on apprécie à l'adolescence.

J'étais en revanche, une ombre, un garçon aux boucles châtains qui s'appliquait à ne pas paraître, à disparaître. Peut-être est-ce cette différence qui m'a donné envie de lui parler.

Je l'avais abordée à la sortie d'un cours de français. Simplement, par un "salut" timide. Parce que je l'étais, timide ; je préférais ne rien dire, ne rien être pour les autres.

"Salut, Dayan. Tu veux quelque chose ?

- Non. Je me disais, que ça serait bien, d'apprendre à se connaître. Non ?

- Effectivement, non. C'est pas pour autant qu'on va pas le faire, hein ?"

J'étais resté bouche bée par la contradiction de ses propos. L'apercevant, Thalys rit à gorge pleine, d'un rire gras, fort. Qui lui allait bien. 

"Tu fais quelque chose ce soir ?

- Non.

- Alors, on se donne rendez-vous devant le lycée à 19 heures, ça te va ? Pour apprendre à se connaître, comme tu dis."

Je fis mine de réfléchir quelques secondes.

"D'accord."

Puis Thalys disparu dans la foule compacte d'élèves.

Je me rappelle avoir souris avec soulagement. Et puis, je m'étais dirigé vers une autre salle de cours, j'avais résolu des équations, ou peut-être parlé d'une guerre, de rois, de la misère, j'avais balbutié de l'espagnol, de l'anglais, traduit du latin ou réfléchi sur la vie. C'est sans importance aucune ; on oublie tout après le secondaire, sauf ce qu'on a aimé. Alors j'ai sûrement oublié mes cours le soir même, pour me consacrer à autre chose - à Thalys.

J'étais sorti du lycée et avait pris le bus pour rentrer chez moi ; j'y avais sûrement trouvé ma mère, plongée dans son ordinateur, et mon père, un livre à la main.

J'avais fait mes devoirs, appelé un ami, et dis à ma mère que je sortais.

"Dayan..."

Elle avait sourit.

Ma mère était encore jeune ; elle approchait seulement de la quarantaine. Elle avait toujours des lunettes aux montures épaisses, et un sourire doux. Cela faisait des années qu'elle m'exhortait à sortir, voir du monde. 

"Tu m'appelle si tu as un problème, hein ? Puis, ne rentre pas trop tard, s'il te plaît."

Mon petit frère avait intervenu.

"Dayan ? Tu sors pour voir ta copine ?

- J'ai pas de copine, Helios, avais-je ris. Et toi, ton amoureuse ?"

Alors, avec mon frère de 12 ans, nous avons parlé d'une Clara aux cheveux blonds, puis de l'amour, puis de trop de choses. J'aimais ce petit bout de tout mon coeur, bien que sa vie sentimentale soit démesurée par rapport à la mienne, et qu'il appréciait me le rappeler à maintes reprises.

"Allez, j'y vais. À demain, Helios, sois sage.

- À demain, Dayan !"

Puis la porte avait claqué et le froid m'avait mordu les joues. Nous étions en novembre et mon manteau était fin, pour la saison.

Alors, je courus.

Jusqu'à l'arrêt de bus, et puis jusqu'au lycée. Parce que j'étais en retard, parce que j'avais froid, parce que tout un tas de choses. 

Je suis arrivé à 19 heures piles devant le lycée. Thalys était là, une jupe courte sur les cuissses et de grosses chaussures à plateforme aux pieds. Je remarquai pour la première fois un anneau au cartilage de son oreille.

Elle sourit.

"Tu es là.

- Tu en doutais ?

- Oui."

Je fronçais les sourcils. Elle coupa court à la discussion en me prenant par la main et en m'emmenant dans des rues que je ne connaissait pas.


nuitDonde viven las historias. Descúbrelo ahora