Hunter or Hunted~Tome 1 : La Valse des Ombres

~Second pas : La tête de l'emploi~

Pour les tromper, il suffit de cacher ses cernes et de sourire. De parler le moins possible et de faire semblant d'être toujours occupée pour esquiver les questions. Les autres ne cherchent pas à savoir ce qui se cache derrière un visage joyeux.

On peut faire disparaître tous les maux du monde derrière cet air ravi.

Bientôt six ans que j'effectue cette gymnastique, je ne vois pas pourquoi je la raterai aujourd'hui. C'est presque un jeu d'enfant de leur mentir. Il fallait juste trouver une bonne excuse, une qui tienne la route. Le Centre devient alors une des dernières grandes écoles dans le Sud, qui m'accepte en internat. Les accès au net étant restreints, il y avait très peu de chance de trouver des preuves pouvant me contredire. Quelques remaniements de textes, de la bonne volonté et j'avais une fausse lettre d'admission ainsi que tout un tas de documents administratifs.

Le réveil est dur ce matin. La soirée d'hier résonne encore dans ma tête, presse mon cerveau pour en faire des confettis d'ivresse.
Encore dans ma robe de ténèbres, je me sens poisseuse, à la limite du ridicule. Je n'ai jamais vraiment été une lève tôt, mais une sorte d'excitation m'anime aujourd'hui. Je la sens, cette petite boule d'impatience qui devient mon moteur pour quitter mon lit.

Ma valise est déjà prête, je pioche donc dans les affaires que j'ai laissées de côté pour me changer, j'essuie rapidement mes peintures de guerre qui ont coulées.
Adieu paillettes et élégance sous le clair de lune. Je me sens étonnement mieux en jeans et en chemise, aussi mes boots ne m'ont jamais parues autant confortables ! Cette tenue n'est pas spécialement avantageuse, mais je ne ressemble pas à une gueuse et c'est déjà ça. Disons que je suis "classique" ce qui me convient amplement. Semblable à une machine automatique, j'attrape mon maquillage pour grimer fatigue et anxiété. Ma mère a un don pour remarquer si ses enfants sont bien reposés ou non, et j'aimerais éviter la tonne de questions habituelles sur mon sommeil.

La maison est silencieuse, la nuit n'est pas encore finie. Je m'empare de mon immense mallette vieille de quelques décennies puis descend sans un bruit, du moins je l'espère.
En bas, le calme est religieux, et bien que mon sanctuaire familiale soit plutôt petit, cette paix conjointe à la noirceur me fait un drôle d'effet. J'aurai presque envie de parler toute seule pour combler ce vide. De quoi il en adviendra quand je serais face à l'un d'eux ? J'allume les dernières ampoules intactes, prends un petit-déjeuner en quatrième vitesse et termine de me préparer tout aussi vite. A l'étage, du mouvement se fait enfin entendre, bien que j'ai d'abord refusé, ils ont tous insisté pour se lever tôt et me dire un dernier au revoir.

Mon petit frère est le premier à dévaler les escaliers, encore en pyjama. Il se jette sur moi, me demande comment était la soirée d'hier, si j'ai bien dormi et une multitude de chose que je ne comprend pas exactement. Rapidement, il est suivi par mes parents qui se mêlent à ses interrogations. Ma mère me scrute, m'embrasse, mon père l'imite.
Un coup à la porte nous fige dans notre conversation. Un éclair passe devant moi, mon petit frère est déjà en train d'ouvrir.

-Héloïse ! C'est toi qui emmène Rox' !? Mais...elle vient à peine de se lever et....

Sa voix tremblote, imaginer sa moue triste me fend le cœur. Même si on se disputaient souvent et qu'il avait le don de m'agacer, ce pénible petit être va vraiment me manquer. Il pense que je pars si loin, alors que je ne serai qu'à une demie-heure de la maison. Encore une fois, devenir Chasseur implique de moins voir ses proches, voire de complètement couper les ponts. Je remplace mon petit frère pour faire face à Héloïse, qui a visiblement mieux dormi que moi.

-J'arrive, j'arrive !

Valise en main, je dis un dernier au-revoir à mes parents. J'entends mon papa qui somme mon amie de prendre soin de moi, mon frangin qui me fait de grands signes avec ma mère.