5. Observation (version éditée)

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Alinor resta encore plusieurs jours en convalescence dans sa chambre. Les jours passaient et se ressemblaient. Elle dormait et mangeait pour reprendre des forces, observait les envahisseurs qui s'entraînaient dans les champs clos ou dans la cour. Sa réclusion n'était troublée que par les visites de sa mère, de ses sœurs ou de Brynn qui lui apportaient les dernières nouvelles de la forteresse. Elle apprit ainsi que les habitants avaient tenu secrets sa blessure tout comme son rôle dans la défense du château. Les Normands ignoraient donc son existence.

Pour tromper son ennui, la jeune fille tentait d'échafauder divers scénarios pour se débarrasser de l'ennemi. En pure perte hélas, car plus elle épiait par sa fenêtre les entraînements des guerriers normands, plus elle prenait conscience qu'ils étaient vraiment d'un niveau supérieur par rapport aux Saxons qui étaient restés à Thurston pour protéger le fief. Son père et son frère avaient emmené les meilleurs de leurs housecarls pour rejoindre l'ost du roi Harold. Ils n'avaient laissé que les chevaliers les plus âgés et les moins endurants pour garder la forteresse. Certes, ces hommes étaient braves et Alinor savait que si elle ordonnait la reprise des combats, ils obéiraient, se sacrifiant sans hésitation. Mais une bataille rangée n'aboutirait qu'à un bain de sang inutile.

La seule solution était de faire profil bas, d'attendre, en espérant que les troupes du seigneur de Thurston reviennent bientôt. Évidemment, Alinor aurait aimé se débarrasser des envahisseurs le plus vite possible mais, dans la mesure où ils se conduisaient correctement avec les habitants du château et qu'ils ne se rendaient coupables d'aucun crime à l'égard des gens de Thurston, il n'y avait pas urgence. Oui, le temps était leur allié ! Il fallait qu'elle se montre patiente. Le Normand allait forcément relâcher son attention, commettre des erreurs et même, avec un peu de chance, dégarnir sa défense pour envoyer un détachement de soldats ailleurs. Et c'est à ce moment-là que les Saxons pourraient reprendre l'avantage. Il fallait qu'elle soit prête pour s'engouffrer dans la brèche quand le baron baisserait sa garde.

Forte de cette résolution, elle s'approcha de la fenêtre pour espionner encore une fois l'entraînement des guerriers ennemis. Elle étudia leurs évolutions avec minutie, essayant de mémoriser ce qu'elle voyait. Elle se répéta mentalement leurs enchaînements, leurs parades. Comme souvent, le chef du contingent et son second vinrent superviser les manœuvres de leurs hommes en milieu de matinée. Alinor entendit tout d'abord la voix grave et puissante de Gautier de Fougères.

— Non, Thomas ! Ta garde est trop basse.

Elle le vit alors sortir de l'ombre de la forteresse pour se diriger à grands pas vers un écuyer qui s'entraînait au maniement de l'épée courte avec un soldat. Il rectifia la position du garçon, puis se recula pour observer les deux hommes tandis qu'ils recommençaient à s'affronter. Le baron ne semblait pas satisfait, car il secouait la tête par intermittence et donnait des instructions aux deux combattants. Au bout de quelques minutes, il les arrêta et leur fit signe de le suivre. Ils rejoignirent un autre groupe d'hommes parmi lesquels Alinor reconnut le géant blond qui avait la préférence d'Aileen.

Aussitôt, les soldats s'écartèrent pour faire cercle autour des deux chevaliers. Ceux-ci dégainèrent leur épée, puis se placèrent face à face. Apparemment, le baron expliquait les gestes à effectuer, car la jeune fille voyait sa lame monter et descendre, piquer avant de parer dans le vide alors que son second attendait, son arme pointée vers le sol. Une fois les explications finies, les deux guerriers se mirent en position afin de montrer les mouvements aux hommes rassemblés devant eux. Ils firent d'abord la démonstration lentement pour que les soldats puissent bien étudier les postures.

Alinor les observa en essayant de mémoriser les attitudes du grand brun. Quand les deux combattants accélérèrent le rythme, elle se surprit à imiter les gestes du baron, fendant l'air avec une épée imaginaire, tout en suivant leurs évolutions du coin de l'œil. Au bout de quelques minutes, le duel cessa et chacun repartit à sa place pour poursuivre l'entraînement. Une fois que le baron et son second eurent terminé leur prestation, ce qui se passait dans la cour perdit tout intérêt pour Alinor.

Combat d'amour - Tome 1 [ 2018 ADA Editions - 2023 auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant