4. Convalescence (version éditée)

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Alinor reprit connaissance le jour où lady Judith se rendit. Elle était très faible à cause de la fièvre et ne put commencer à se lever que trois jours après l'installation des Normands dans la forteresse de Thurston. Quand lady Judith lui apprit que le baron de Fougères commandait la place, la jeune fille fut envahie par une fureur sans nom. Elle entretint cette colère, rongeant son frein en attendant d'avoir retrouvé ses forces. Elle se sentait coupable de ne pas avoir réussi à éviter la défaite à ses gens. Son père et Edwin seraient très déçus de son échec. Elle avait tant espéré qu'ils arriveraient à temps pour porter secours au château assiégé... Hélas, on était toujours sans nouvelle d'eux. Personne ne pouvait dire s'ils avaient survécu aux terribles combats de Stamford Bridge et Hastings. Alinor faisait bonne figure devant sa mère, ses frères et sœurs, mais, plus le temps s'écoulait, plus elle craignait qu'ils n'aient péri sur le champ de bataille.

La jeune fille occupait ses journées à chercher une solution pour libérer Thurston et se défaire des troupes normandes. Régulièrement, lady Judith venait la voir pour la tenir informée de tout ce qui se passait dans le fief. Alinor était soulagée que le baron de Fougères tienne ses soldats d'une poigne de fer. Apparemment, il était réputé pour être un homme d'honneur et il avait respecté la parole donnée à lady Judith. Celle-ci était libre de diriger la maisonnée et aucune exaction n'avait été déplorée. Par les servantes, qui n'étaient pas en reste pour lui rapporter les derniers commérages, Alinor savait que les Normands s'entraînaient tous les jours au maniement des armes et que des patrouilles surveillaient les frontières du domaine. Ils avaient aussi rempli le garde-manger en chassant du gibier, remplacé une partie du bétail tué lors du siège. Les gens de Thurston pouvaient de nouveau se nourrir correctement, et les séquelles des privations endurées pendant le conflit s'estompaient chaque jour un peu plus.

Au matin du huitième jour d'occupation, Alinor entendit des cris et le bruit des armes qui s'entrechoquaient. Sa curiosité éveillée, elle s'approcha de la fenêtre pour voir de quoi il retournait. Les soldats normands étaient rassemblés dans la haute-cour, groupés autour d'une dizaine de chevaliers qui s'affrontaient deux par deux. Il y avait aussi des housecarls et des guerriers saxons qui observaient l'entraînement des soldats ennemis. La jeune fille dut bien s'avouer que les Normands étaient assez impressionnants. Déjà, ils étaient plus grands que la plupart des Saxons et ils maniaient leurs armes avec beaucoup de dextérité. Le soleil dardait ses rayons et pour éviter d'avoir trop chaud ils avaient ôté leur cotte de mailles tout comme leur surcot. Certains étaient torses nus, d'autres en tunique de cuir. La plupart arboraient une musculature imposante et leurs cicatrices montraient qu'ils n'en étaient pas à leur premier combat. Houspillés par un des leurs, ils recommençaient sans relâche les mêmes enchaînements, les mêmes parades, transpirant sous l'effort. À les contempler ainsi, Alinor sentit l'angoisse l'étreindre. Ces Normands étaient sans aucun doute mieux entraînés que ses housecarls. Un affrontement entre les deux factions serait trop inégal. Une bataille rangée entre les deux troupes ne pourrait conduire qu'à la mort des Saxons. Elle n'avait pas le droit de sacrifier les guerriers de son père sur un coup de tête. Elle devait réfléchir et élaborer une stratégie pour renverser le rapport de forces et diminuer les risques pour ses soldats.

Alinor essaya de se pencher un peu plus à la fenêtre pour voir à qui appartenait la voix autoritaire qui haranguait les combattants normands. Malheureusement, l'homme se tenait dans un renfoncement, si bien qu'elle ne put l'apercevoir. Lady Judith était d'ascendance normande par son père et elle avait tenu à enseigner cette langue à tous ses enfants. Edwin, son fils aîné, et Alinor maniaient parfaitement le langage des Normands. Les plus jeunes, en revanche, comprenaient la plupart des mots, mais peinaient encore à s'exprimer, à l'exception d'Aileen, la fille cadette qui parlait couramment le normand. Malgré sa connaissance de la langue, Alinor ne parvenait pas à distinguer toutes les instructions que l'homme criait aux soldats, car sa voix grave se mêlait au fracas des armes.

Combat d'amour - Tome 1 [ 2018 ADA Editions - 2023 auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant