Chapitre 1

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— Bon courage !

Grégoire grogna en sautant au bas de la fourgonnette. Il claqua la portière et se faufila dans une ruelle. La voiture s'éloigna rapidement, plus de retour en arrière possible. Désormais, il était seul pour accomplir la mission que lui avait confiée la Résistance.

Adossé au mur, il inspira l'air glacial et vicié des bas quartiers de Lyon. La Duchère n'avait jamais été un coin huppé, mais depuis dix ans, la situation s'était dégradée. Tous les clochards, squatteurs et drogués de la ville s'y retrouvaient. Les flics s'y aventuraient rarement, et les gangs y fleurissaient comme autant de pissenlits.

Il souffla sur ses mains pour les réchauffer. Les températures de ce mois de décembre 2026 étaient particulièrement froides et le ciel blanc annonçait la neige. Il se décolla du mur, essuya son nez avec sa manche. Il eut un léger mouvement de recul lorsque des relents désagréables s'échappèrent de son manteau miteux pour venir s'introduire dans ses narines.

Pouah.

Ça puait la mort. Grégoire n'avait aucune idée de ce que les préparateurs de sa mission avaient fait avec ses fringues, mais en tous cas, pour jouer un rôle d'ado SDF, ça devrait passer comme une lettre à la poste.

Le froid s'insinuait dans les trous de ses chaussures et il se décida à avancer vers son premier objectif. Les rues semblaient désertes à cette heure si matinale, mais Greg savait que les racailles ne dormaient jamais tout à fait. Il s'approcha de l'épicerie de l'avenue Rosa Parks. Les voitures garées pour la nuit encombraient les abords du magasin. Aucune n'était récente, elles n'étaient pas autonomes. Les gens pauvres des quartiers malfamés n'avaient pas les moyens de se payer les dernières caisses.

Grégoire inspira profondément et entra en coup de vent. À la moue dégoûtée du caissier, il comprit que son déguisement donnerait le change sans problème. En une seconde, il repéra les caméras de surveillance bas de gamme de la boutique. Il s'approcha du comptoir en titubant :

— Hé, hé, mec !

L'employé l'ignora royalement.

—  Hé, j'te parle, là, mec. T'aurais pas de la bière pas chère ?

— Au fond du magasin, grommela l'homme.

Grégoire s'avança avec une démarche d'ivrogne, bloqua sa respiration et se dilua. Il réapparut près des étagères de bières quelques secondes plus tard. Le visage décomposé du vendeur ne lui échappa pas lorsqu'il se retourna vers lui.

— Bah, qu'esse t'as ? T'as vu un fantôme ?

L'adolescent réitéra son manège. L'expression du caissier s'affaissa encore plus et il posa le doigt sur le gros bouton d'alarme à côté de sa tablette enregistreuse.

— Je t'ai vu ! T'as disparu ! T'es un Sensible ! Casse-toi, je veux pas de ta vermine ici ! Dépêche sinon...

— Sinon quoi, mec ? grogna Greg.

— J'appelle la Police Spéciale. Rends la bière et file !

Grégoire eut un reniflement dédaigneux et jeta la canette sur le gars qui glissa au sol, non sans appuyer sur l'alarme. Un son strident envahit la boutique. Greg fit un doigt d'honneur au caissier et se carapata.

Ils ne devaient pas le prendre tout de suite. Il fallait qu'il voie le processus de traque de près. Il se dissimula dans l'allée Édith Piaf d'où il pouvait surveiller l'épicerie. Il compta les secondes. Cinq minutes plus tard, une voiture de la Police Spéciale s'arrêta brutalement devant le commerce. Deux armoires à glace en uniforme rouge en sortirent et pénétrèrent dans le magasin.

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