chapitre 34 : lettre à Sam

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Sam,

Il flottera longtemps dans l'air comme un parfum de regret, celui de la femme que tu aimais et qui t'a quitté, celui de l'homme que j'ai attendu, imaginé et idéalisé. Il y aura toujours nos non-dits et les reproches, les douleurs profondes et les blessures anodines. Il y aura ton incompréhension face à mes souvenirs envolés et mon agacement face à tes souvenirs trop présents. Il y aura tant de chose pour nous séparer et nous effriter qu'il pourrait être facile d'oublier le reste.

Quel reste me diras-tu ? Celui qui fait le tout bien sûr ! Te répondrais-je.

Quel tout ? Mais voyons Sam, celui qui nous unis, celui qui pousse l'univers à nous rassembler, le premier regard dans une salle de réception cramoisie, la première parole au téléphone, les premiers émois et les premiers plaisirs, les premiers mots d'amour et tout ceux qui suivent.

Ton regard agacé, ton regard attendri, ton sourire narquois, ton sourire ému, tes mots piquants et tes mots doux, ces baisers polis et ces baisers passionnés... Ce tout qui fait "nous", ce tout qui nous a rassemblés cinq ans après et fait passer d'ennemis à amants.

Car oui, tu es mon amant, pas celui que l'on quitte au petit matin -même si tu le fais parfois - non, celui qu'on retient vers soi, de peur de voir le bonheur s'envoler. Celui qui se précipite vers moi de peur de me perdre, celui qui me fuit de peur de me trahir

Tu es l'amant dont je n'aurais jamais osé rêver, celui pour qui mon cœur s'affole, celui que j'aimerais retenir.

Et pourtant Sam, je t'offre ta possible liberté, je te laisse m'échapper car tu n'arrives pas à m'aimer autant que tu m'as aimé. Parce que paradoxalement tu rêve d'Abby et ne peux pas te contenter de June.
Je veux t'offrir plus. Mais c'est mon cadeau le plus précieux et le plus douloureux. Tiens, ta Liberté. Celle de me quitter maintenant que tu le peux, celle de pleurer la femme que tu aimais et d'en rencontrer une autre. Celle de trouver à nouveau le bonheur même si c'est loin de moi.

Je te souhaite bonne chance Sam, le bonheur est fragile, si tu le trouve, garde-le et chérie-le.

June

Je pleure en écrivant ces derniers mots et je la tends à Jake, je sais qu'il va être ému, j'ai tout donné !

Mais au lieu de ça, il glousse. Je reste complément choquée par sa réaction.

— Mais quel ramassis de conneries Juju !

...

— Quoi, fais pas cette tête là ! C'est vrai, on se croirait dans Titanic, Rose n'aurait pas écrit mieux. "Adieu, Jack, noie-toi, c'est pour ton bien", en disant cela, il passe une main sur le front, l'autre sur son cœur, très théâtral. En plus le pauvre gars, tu lui dis je t'aime, c'est merveilleux et tu finis par casse-toi, c'est pour ton bonheur. Il ne va rien comprendre.

Je me lève et lui arrache des mains pour me relire. C'est un peu dramatique, c'est vrai, mais notre histoire l'est, non ? Perplexe, je m'assois à côté de mon meilleur ami.

— Tu aurais écris quoi ? C'est vrai que je veux son bonheur, si ce n'est pas avec moi, je veux qu'il se sente libre, qu'il sache qu'il est un homme bien. Que la culpabilité n'a rien à faire dans nos vies. On a joué, balle, set et match.

— Mais ma bécasse, tu le veux à tes cotés ?

— Je le veux heureux, les dernières fois quand il me regardait, il la voyait elle.

Il secoue la tête.

— Envoie ta lettre débile et tu verras bien. Pourquoi tu ne change pas de tête tant que tu y es ?

Il part en se marrant et furieuse, je vais avec mon vieux tacot déposer la lettre dans la boite de Samuel et me décide à rentrer en bougonnant, avant de piler net devant un coiffeur visagiste.

Changer de tête ! Et pourquoi pas ?

Et là, Kanelle, la coiffeuse me jure au grand jamais, que je ne regretterais pas de m'être arrêtée chez elle.

Et ça pour regretter, je sens que vais regretter, car dés qu'elle attrape ses ciseaux, je sais que je fais une monumentale erreur.
Je regarde avec désarroi les longues mèches de cheveux tomber au sol.

— Vous êtes bien sûre de votre choix ? me demande Kannelle alors qu'elle est rendue à la moitié de mon crâne.

Et si je répondais non, que ferait-elle ? C'est ce qu'a dit Pink et du coup elle n'a eu qu'une demi-coupe ? Est-ce que du coup, j'aurais moitié prix ?

Comme je ne réponds rien, Kannelle s'inquiète.

— Ça va ?

— Oui, allez-y !

On est toujours sacrément hypocrite chez le coiffeur je trouve. Je la laisse me massacrer le crâne sans jamais oser regarder dans le miroir. Quand je relève enfin la tête, uniquement parce qu'elle insiste, je reste sans voix, je ne me reconnais pas. Finalement Kanelle, ce n'est pas parce que ses parents ne savaient pas écrire, que elle, ne sait pas coiffer ! Elle me fait même le maquillage et la manucure.

Je sors de là deux heures plus tard, nouvelle, réalisant en un instant ma connerie de ce matin, je fonce chez Sam après avoir loué ma bonne fée. Elle m'a fait réaliser que je suis jolie de bien des façons. Abby était pas mal mais June aussi ! Je dois juste le montrer à Sam.

Il est là, il ouvre, ma lettre à la main.

— June ! Bon sang...

Pas mal comme effet, je m'enorgueillis et prends de l'assurance.

— Ne lis pas cette lettre !

Intrigué, il recule.

— Pourquoi ?

— Parce que je peux te résumer tout ça en une action.

Et je m'approche de lui, je prends son visage entre mes mains et l'embrasse avec passion.
J'adore la sensation de ses lèvres sur les miennes, elles sont chaudes et sensuelles.

Il se détache et me dévisage.

— Je l'ai lu et elle ne disait pas vraiment ça.

— Ah... Elle disait quoi ? coassé-je, nettement moins fière.

Avec la même assurance que la mienne, il me pousse de quelques centimètres et me claque la porte au nez.

Abasourdie par son geste, je me surprends à éclater de rire.

Il ne met pas longtemps avant de rouvrir et me dévisage avec amusement, appuyant sa tête sur le chambranle de la porte.

— Tu n'es pas aussi lucide que tu le prétends June, tu es même très mauvaise quand il s'agit de décrypter ce que JE ressens. Je n'ai pas envie de trouver mon bonheur loin de toi, je ne peux même pas respirer loin de toi.

Je boude, pour la forme.

— Tu y arrives très bien depuis plus d'un mois.

Il hausse les épaules.

— Tu sais ce que cela fait de se rendre compte qu'on s'est trompé sur toute la ligne ?

Un éclair passe dans mes yeux.

— Tu veux dire que je te plais autant qu'Abby ?

— Mais arrête avec ça ! Toi là, tu me plais, point. Je t'aime pour ce que tu étais avant mais dont tu ne te rappelle pas, pour ce que tu es maintenant, tellement pétillante et exaspérante et j'aimerais vraiment découvrir celle que tu seras. C'est juste que je ne sais pas faire face à ma culpabilité.

Oh mon Sam !

Je laisse doucement la porte se refermer mais derrière moi cette fois-ci. Et je l'embrasse.

Il chuchote dans mon cou.

— Je suis content que tu sois revenue me l'expliquer cette fichue lettre, je ne l'avais pas bien compris.

Je ris doucement et l'embrasse.

J'avais promis Sam.

J'avais promis que je rentrerais bientôt.

Ps : je rentre bientôt (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant