CHAPITRE 1 : ALICE AUX PAYS DES SOUVENIRS

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Croyez-vous au destin ? Parfois je me dis que les choses n'arrivent jamais par hasard. Le quartier était bien calme, une dizaine de voitures étaient garées dehors tout au plus. Il y a quelques heures à peine on pouvait facilement deviner l'effervescence que devait connaitre cette rue. Je pousse la grille extérieure et m'avance dans l'allée. L'établissement n'a pas vraiment changé. Besoin de quelques travaux, par-ci par-là éventuellement. Les arbres ont embelli et sont plus étoffés. Des parterres de fleurs jonchent les bordures des murs. L'extérieur parait paisible, on entend les oiseaux. Cela ne me semblait pas si chaleureux il y a quelques années, et pourtant j'y avais passé de superbes moments.

Ce que je ne savais pas en revanche, c'est que cette soirée allait changer ma vie à jamais.

Bon quelle heure est-il ? Presque 20h. Que disait l'invitation déjà ? Zut elle est où ?! Tant pis. Sitôt la cour traversée, je me retrouve face à l'entrée. Austère, comme dans mon souvenir. Un frisson me parcourt, je ferme les yeux un court instant, et inspire profondément. Je pousse la lourde porte vitrée et avance dans le couloir. J'entends du bruit un peu plus loin. Serais-je en retard ? Je marche d'un pas mal assuré, le ventre noué par le stress. 12 ans ont passé depuis que j'ai quitté ce lycée.

Tiens, il y a des casiers maintenant le long des couloirs. On peut y lire quelques inscriptions griffonnées au correcteur ou au marqueur et des dessins que je ne prendrai pas la peine de décrire. Je me souviens avoir fait la demande de casiers avec mes copines, dans la fameuse « boite à idées » qu'on soupçonnait ne pas avoir été ouverte par le directeur, ni même par nos professeurs de l'époque. Je vois que les élèves d'aujourd'hui ont eu la chance d'en bénéficier.

Je m'arrête un instant aux toilettes pour vérifier mon maquillage. Rien n'a bougé, c'est parfait. J'ai essayé de soigner mon look pour cette soirée. Une petite robe fluide asymétrique grise, des bottines à talons. Un perfecto vient compléter ma tenue, décoré de 3 petits pin's « kawaii » que j'affectionnais.

Cette réunion d'anciens élèves est une occasion rêvée de retrouver tous mes camarades d'enfance que j'ai perdus de vue. Revoir Sophie, Mehdi, Anna, Jérôme et tous les autres. Je saurai dans quelques minutes ce qu'ils sont devenus, comment se déroule leur vie d'adulte, ont — ils mieux réussi que moi ? Quand la fin du lycée est arrivée, nous avions décidé de faire une grande fête, avant les résultats du bac. Hors de question que seuls les bacheliers fêtent leurs diplômes. Certains avaient de beaux rêves en tête, d'autres étaient encore hésitants sur leur avenir. Notre lycée se trouve dans une petite ville de banlieue. Aucune grande école supérieure aux alentours, nous devions donc prendre notre envol, ou bien chercher un travail. J'ai eu mon Bac avec mention. J'étais très fière de moi, car je n'ai jamais vraiment brillé sur les bancs de l'école. J'ai toujours été une élève moyenne. Ni bonne ni mauvaise. Ni populaire ni marginale. Le choix d'une voie professionnelle à la sortie du lycée a vraiment été hasardeux.

Avec Anna et Sophie, nous souhaitions continuer nos études supérieures ensemble. Mais Sophie a poursuivi les siennes dans le tourisme, puis dans une grande école de commerce. Anna et moi avons fait une école d'hôtellerie, avec les encouragements de nos parents respectifs. Mais Anna avait décroché la première année, elle s'ennuyait fortement et voulait suivre un autre parcours. Jérôme souhaitait entreprendre une carrière militaire et Mehdi devenir journaliste sportif. Je les ai tous perdu de vue après mon internat. Chacun prenant un chemin différent, chacun faisant de nouvelles connaissances, je me dis que la vie va ainsi.

J'étais excitée et nerveuse de les retrouver. Seraient-ils seulement là ? J'espérais aussi secrètement revoir Romain, le beau solitaire, qui réussissait tout ce qu'il entreprenait. J'aimais le regarder avec admiration en cours de sport, essayant pour ma part de ne pas me rendre ridicule en match collectif. Mais c'est décidément après avoir reçu un ballon en pleine figure en m'effondrant peu gracieusement sur le sol du gymnase que je suis tombée amoureuse de lui. Je le revois, s'approchant de moi et me tendre la main pour m'aider à me relever, tandis que le reste de la classe, rigolait à gorge déployée, de ma mésaventure. J'espère profondément que ce n'est pas l'image qu'il gardait de moi.

Un soupçon d'audaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant