Je pense à Gavin et Max et leur manis de toujours tout commenter, même quand parfois on se passerait bien de leurs avis. Le petit rire que je laisse échapper a le mérite de me détendre un peu.

- Je vois. Et, comment est ce que tu te sens en leur présence? Me demande t-elle en prenant des notes.

Je réfléchis sérieusement à la question, et tente d'abord d'y répondre dans ma tête. Rien ne vient. Comment est ce que je me sens avec eux? A quoi ça sert de savoir ce genre de choses sérieux ? Le principal c'est que je me sois fait des amis non?

- J'en sais rien. Dis-je en abaissant le visage vers mes mains qui se déchaînent l'une dans l'autre, en fait je crois que je me sens...mieux. Moi même, enfin comme celle que j'ai toujours voulu être.

Je m'arrête un instant et elle se met à hocher la tête comme si elle était en accord avec mes paroles. C'est pas comme si elle pouvait s'opposer à ce que je disais de toute façon, d'ailleurs au fond est ce que c'est pour cette raison que je lui dis ça ? Est ce que je me sens réellement moi même lorsque je suis avec eux? Ou est-ce juste plus facile de prétendre que oui ?

- Vous savez, j'ai été victime de harcèlement scolaire durant plusieurs années...J'étais seule et personne ne voulait...

Je commence à m'expliquer, mais elle me coupe avant en plantant son regard dans le mien.

- Je sais, j'ai tes antécédents médicaux.

Oh...Elle connait donc mon passé, sans que je n'ai eu besoin de lui dire. Enfin, elle est seulement au courant de ce que je me suis autorisée à livrer à mon ancienne psychologue, c'est à dire une infime partie de ce qui continue de me hanter quotidiennement.

- Tu m'as parlé de ton groupe d'amis, mais j'aimerais savoir si tu t'es fais des ennemis également. C'est le cas ?

J'avale ma salive et lutte pour ne pas tressaillir devant ce mot que je déteste.
Ennemis. Ennemis, ou personnes malfaisantes, néfastes et opposées à votre bonheur. Je revois les visages de Marcus, de Marie et de tous les lycéens qui me détestaient dans mon ancien lycée. Je suis tentée de dire que non, je n'ai pas d'ennemis.

- Non, pas spécialement.

Pourtant son visage réapparait dans mon esprit. Son regard à la fois glacial et vide défile dans ma tête, ainsi que ses mots durs et cruels. Et alors soudain, je ne suis plus sûre de rien.

- Enfin...Il y a ce garçon.

Mme Klark note quelque chose sur son carnet et me fait signe de continuer.

- Parle-moi de ce garçon.

Parler de ce garçon ? J'essaye de trouver des mots qui pourraient le définir et pourquoi pas expliquer la chose étrange que je ressens pour lui, mais rien ne me vient directement. Il me faut de longues secondes pour que j'arrive à définir ce personnage singulier.

- Il est si....étrange . Parfois vous savez, quand je le regarde j'ai l'impression de me voir, enfin de voir la personne que j'étais avant. Toujours seule, et rabaissée publiquement.

Je fixe un des pieds du bureau devant moi et déballe sans y réfléchir tout ce à quoi je pense en me remémorant les épisodes qu'on a vécus ensemble, en faisant abstraction de la haine que j'éprouvais pour lui il y a à peine quelques heures.

- Le premier jour on s'est foncés dedans, enfin pour être honnête c'était de ma faute. J'avais juste pas envie de reconnaître qu'une fois encore ma maladresse l'avait emporté. Je me mets à rire, on a été collé ensemble et j'en ai profité pour lui offrir un de mes recueils de poèmes préférés. En fait je m'en voulais, j'ai fait croire que c'était mes parents qui m'avaient obligée à lui faire ce cadeau, en y voyant un moyen de repartir sur de bonnes bases, un peu comme une trêve. Mais c'est moi qui ai pris l'initiative de le lui faire volontairement. Je voulais m'excuser, et lui montrer mon soutien...Dans ce qu'il traverse je veux dire.

Insensible (terminée)Where stories live. Discover now