— Tu es ravissante, ma chère, me complimente-t-elle en se reculant pour m'étudier du regard.

— Merci, Judie. Vous avez l'air en excellente forme.

— Bonjour, Juliette, dit Aron avec un sourire.

Je serre poliment la main qu'il me tend. Mon cœur se serre lorsque je croise son regard. Depuis la dernière fois que je l'ai vu, il semble avoir rétréci d'au moins dix bons centimètres et fondu de tout autant de kilos. Il m'adresse un sourire qui n'atteint pas ses yeux, sans doute douloureusement conscient de ce que son apparence trahit.

— Comment allez-vous ?

— Bien mieux, m'assure-t-il avec un rire bourru. Bonjour, madame Montélius, poursuit-t-il à l'attention de ma mère, restée derrière le comptoir.

— Bonjour, monsieur et madame McKee. C'est un plaisir de vous avoir avec nous, comme toujours.

Maman écarquille les yeux d'une manière qu'elle espère sûrement discrète pour que j'installe les McKee au lieu de leur faire la conversation. Elle ignore probablement que si je peux recevoir un ordre de cette façon, le couple peut également remarquer son message silencieux.

Le sourire qu'ils avaient amené sur mon visage s'efface. Je m'empresse de les guider vers la partie salon de thé de la boutique. Le plancher en bois brut, à peine traité pour conserver le côté authentique, grince sous nos pas. Je conduis Judie et Aron à leur table préférée : une banquette d'angle près des baies vitrées. C'est l'endroit idéal pour avoir une vue à la fois sur la grand-rue pavée, l'intérieur de la boutique, et la vitrine qui regorge d'assortiments de pâtisseries en tout genre.

Même si je suis capable de prédire leur commande dans les moindres détails avec un taux d'erreur de zéro pourcent, j'attrape deux cartes laminées.

— Nous avons de nouvelles infusions de saison, j'indique en en remettant une à Aron. Les spécialités du jour sont listées sur l'ardoise derrière le comptoir.

— Juliette ! s'exclame Judie en plaquant une main sur sa bouche, les yeux brillants.

Je sursaute tout en me figeant dans mon geste. Elle prend la carte que je lui tends et retient ma main gauche pour passer le pouce sur le gros caillou brillant attaché à mon annulaire par une bande en or blanc.

Une bouffée de chaleur me fait regretter le cardigan que je porte par-dessus ma robe pourpre. Il est déjà trop tard pour faire comme si ce n'était pas ce que c'était vraiment.

— Tu es fiancée, poursuit-elle, la voix sur le plan de flancher.

— Oui. Damien m'a demandé en mariage il y a environ sept mois.

Dammit, je n'aurais jamais pensé que tant de choses changeraient en un an.

Moi aussi, Judie. Moi aussi...

La septuagénaire finit par relâcher ma main. Elle confirme ce que je savais déjà : elle commande un thé anglais pour elle et Aron, un éclair au café pour lui et un millefeuille pour elle. Je leur apporte leur commande, puis retourne les observer à distance.

Aron me fascine. Du moins, sa relation à et son amour flagrant pour Judie me fascinent. Quand elle parle, il a toujours les yeux fixés sur les siens, sur elle. Il ne l'interrompt jamais. La fait rire et rougir comme s'ils avaient tous les deux tout juste vingt ans. Plus d'une fois, je l'ai vu poser la paume contre sa joue pour capter son attention quand il lui parle.

Judie lui retourne tous ces gestes. Elle lui tient la porte, croise son bras au sien lorsqu'ils marchent. Elle répète ses phrases encore et encore lorsqu'Aron peine à l'entendre sans jamais montrer le moindre signe d'impatience. Il y a une délicatesse dans leur façon d'être ensemble qui ne manque jamais de me serrer le cœur. Je les ai aussi vus ensemble, en compagnie de différents groupes d'amis au fil des années. Certaines paires se sont séparées, d'autres ont cessé de venir, mais pas Aron et Judie. Ils ne sont pas juste un couple, ils sont le refuge l'un de l'autre. Lorsqu'Aron a commencé à développer des problèmes cardiaques, on aurait dit que Judie souffrait du même mal.

The Summer I Met You [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant