00h - Aveux alcoolisés

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La musique résonne fort dans la salle de concert et pourtant, nous restons dans le patio presque vide. Tous sont à l'intérieur mais nous, nous prenons notre temps. Nous voulons en apprendre plus l'un sur l'autre avant d'aller danser.

« Pas de nom/prénom, pas d'indication sur le domaine d'étude, juste le niveau. L'âge est accepté mais pas le lieu de vie. C'est tout non ? »

H relève la tête vers moi en triturant une de ses mèches de cheveux alors que je sirote une nouvelle bière. Elle me l'arrache soudainement des mains et vient la porter à ses lèvres pulpeuses devenues brillantes. Une goutte glisse le long de sa mâchoire jusqu'à son cou et l'envie d'y passer mon doigt pour arrêter sa course me dévore.

- V ? m'interpelle-t-elle en me rendant ma bière. Tu es d'accord ? Tu commences ?

- Ok. Bonjour, je m'appelle V.

- Bonjour V ! répond-elle en tentant d'imiter le « Bonjour » des alcooliques anonymes.

- Je suis sobre depuis 10 secondes. Un exploit.

- On peut applaudir V !

Elle m'applaudit toute seule alors que je fais un petit salut de la tête avant de reprendre notre discussion.

- Je suis en première année de master et j'ai 22 ans.

- ...La même, répond-elle presque déçue. Ben merde, on n'a déjà plus rien à se dévoiler ?

- Et si on parlait de la congolexicomatisation des lois du marché propres au congolais ?

- MAIS OUI C'EST CLAIR !

Nous nous tordons littéralement de rire ensemble, pas forcément pour la blague, mais parce que nous avons les mêmes références. Et je dois avouer que ça ne m'arrive pas souvent de tomber quelqu'un comme elle.

- Allez V ! Dis-moi ce que tu viens faire à ce concert ?

- Qu'est-ce qu'on fait généralement à un concert ? On écoute la musique.

- Tu serais venu pour ça, tu ne serais pas en train de parler avec moi alors qu'un des meilleurs groupes de la soirée passe en ce moment même.

- Bon ben je me casse alors. Salut !

H m'attrape l'avant-bras et m'oblige à me rassoir devant elle avec un petit sourire sur le visage.

Petit sourire qui va disparaitre.

« Je suis ici parce que ça fait deux semaines que je suis enfermé chez moi. Deux semaines que, dans le noir de ma chambre, je déprime. Ça fait deux semaines que j'ai rompu avec une fille qui ne m'aimait plus, cette fille avec qui j'étais depuis 4 ans. Donc tu comprends bien que si je suis ici c'est bien pour la musique mais surtout pour boire et tenter d'oublier la douleur qui me ronge le cœur ».

Le sourire d'H a disparu mais si elle aurait pu avoir pitié, elle ne le montre pas et se contente de me regarder stoïquement.

Jusqu'à ce qu'elle approche sa main de moi et la passe dans ma tignasse brune. Un geste doux et tendre remplit d'amour. Je ferme les yeux à son contact rassurant et sens un frisson me parcourir avant que je ne reprenne mes esprits et me rends compte de la situation : une fille dont je ne connais que l'initial est chaleureuse avec moi. Trop chaleureuse.

H... Tu as un copain. Qu'est-ce qu'il penserait de ton geste semblant anodin mais qui apporte tellement de bien à mon esprit embrouillé ?

Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle retire délicatement sa main et rattrape ma bière avant de lâcher une petite bombe :

« Ça fait quatre mois que je n'ai rien fait avec mon copain. Quand je dis rien, c'est RIEN. »

H laisse tomber quelques gouttes dans son cou en buvant avant de pousser un petit juron et de se l'essuyer du doigt.

- Pourquoi est-ce que tu m'avoues ça ? lui demandé-je sans la quitter des yeux.

- On est à un moment de la soirée où l'on peut s'avouer ce genre de chose sans que ça devienne gênant. Si je te l'avais dit avant, tu m'aurais trouvé bizarre. Si je te l'avais dit après, tu aurais été trop bourré pour m'écouter.

- Ou j'aurais dérapé.

- Exact...

Elle me redonne ma bière que je secoue l'air blasé en constatant qu'il ne reste à peine qu'une gorgée. H me fait un grand sourire candide avant de s'appuyer en avant en posant ses codes sur ses jambes.

Me donnant une vue plongeante sur son décolleté.

- C... murmuré-je.

- Hein ?

- Non rien... Hm. Du coup pourquoi « rien » ? Tu veux en parler ou... ?

- On se connait à peine V mais le fait que tu sois un inconnu est peut être bénéfique vu que ton point de vue est objectif par rapport à mes amis. En gros, je t'avais dit que mon copain n'était pas le genre à sortir donc quand on se voit, on ne fait pas grand-chose si ce n'est glander. Le truc c'est que si avant on occupait notre temps avec des activités plus intellectuelles voir juste des activités... sexuelles, eh bien plus maintenant ! Je n'ai pas vu le loup depuis quatre longs mois ! Tu crois que je suis redevenu vierge ?

- T'as craqué H. Mais ouais, je vois ce que tu veux dire...

Elle se redresse et laisse glisser ses doigts sur la petite table en bois avant de relever son regard intense sur moi.

- À ton avis, qu'est-ce que je devrais faire ?

- Qu'est-ce que tu as fait jusque-là pour lui donner envie ?

- J'ai essayé pleins de trucs mais rien à faire. Et parfois quand c'est lui qui veut, c'est moi qui ne veux pas ou ne peux pas.

- Il est comment ? Il t'attire toujours autant physiquement qu'au début ?

- Ce n'est pas pour son physique que je suis tombée amoureuse, tu es bien plus attirant qu-

H s'interrompt en mettant sa main devant sa bouche, mais trop tard. Sa réflexion me surprend mais me fait également esquisser un sourire qu'elle tente d'effacer en mettant sa main sur ma bouche.

Ah, l'alcool ! Aussi dangereux que révélateur !

Merci pour ce souvenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant