21h - Partenariat

522 90 113
                                    

« Alors ? Ça fait quoi d'être ENFIN libre ? »

Pourquoi est-ce qu'auprès de mes potes je donne l'image d'un évadé de prison ?

Je hausse les épaules en portant ma bière à mes lèvres. Assis sur un banc de coin du patio, nous observons les allers et venues des gens alors que le changement de plateau pour le prochain groupe a lieu dans la salle.

L'association étudiante qui gère la programmation du concert a, pour l'instant, fait du bon boulot sur cette soirée « Nuit Blanche ». Plusieurs groupes en passe de devenir pro se succèdent, tous sur le thème de la soirée : Funk. J'étais moyennement tenté lorsque l'un de mes amis m'a fait écouter l'EP d'un des groupes présents ce soir, ce qui a réussi à me convaincre.

Mon regard divague pendant que mes amis entrent dans le débat stérile « pain au chocolat ou chocolatine ? ».

On est à Paris. Pain au chocolat. Point. Passez votre chemin gentlemen.

Lorsque je tombe à nouveau sur « cette fille » qui m'intrigue. Et mon pote qui m'a offert ma bière derrière elle. Il vient nous rejoindre, un petit sourire en coin, et tape des mains sur la table en bois avant de sortir une clope.

- Bon mec, je suis allé à la pêche aux infos.

- Sur qui ? demanda un autre ami.

Il lui montre du doigt la fille aux converses avant de reporter son attention sur moi mais je décide de l'interrompre à temps :

- Mec, je ne suis pas intéressé. C'était juste de la curiosité.

- Ben moi ma curiosité elle m'a appris des choses ! Déjà, cette fille est une pote des organisateurs du concert. Genre très bonne pote. Je l'ai vu avoir accès aux backstages ! Ensuite... C.

- Quoi « C » ?

- Elle fait du C. Je te l'ai dit mec ! J'ai un de ces flairs de bâtard là-dessus !

Nous rigolons en cœur devant l'enthousiasme de mon pote que nous soupçonnons d'être déjà un peu bourré mais son information reste, malgré moi, dans ma tête. Je tourne la tête vers le bar extérieur en bois et suis surpris en constatant qu'elle me regarde.

Elle détourne rapidement ses yeux semblent se perdre sur la contemplation de la carte. Et les miens sur elle.

Elle est pas mal en effet... mais elle a l'air bizarre. Et si elle était vraiment défoncée, c'est mort. De toute façon je n'ai pas trop la tête à draguer.

« Ça recommence ! On y go ?! » s'exclame un de mes amis en se levant après avoir entendu les premiers accords à la guitare. Mon pote « pervers » n'ayant pas fini sa clope, je reste au patio avec lui quelques minutes avant de jeter ma bière. Je me lève et me dirige jusqu'au bar où la « fille » vient de finir sa commande et manque de se cogner contre mon torse en se tournant trop rapidement.

« 'Chier ! Pard- » commence-t-elle avant de planter ses yeux presque noirs dans les miens et de s'interrompre.

- Pardon, répète-t-elle d'un air gêné.

- Y'a pas de quoi. De toute façon on est ennemi non ? On devait se rentrer dedans au moins une fois ce soir !

- Hein ?... Ah oui, « Converses VS Vans » ! Pardon, je... Ouais.

Moi qui pensais que c'était une extravertie, elle n'a pas l'air d'assumer sa première approche spontanée vers moi...

« Eh oh ! J'attends votre commande ! » s'exclame le barman dans notre direction. Je lui demande à la volée une bière mais ne quitte pas ses yeux. Son regard m'intrigue un peu.

- Tu as les yeux noirs ? demandé-je soudainement.

- T'es en train de me draguer là ?

- Hein ? Non ! Je te demande juste si-

- Marron foncé, répond-elle avec un petit sourire. Approche et regarde.

Le temps de saisir ma bière sur le comptoir, elle me fait un signe de la main et s'approche d'elle-même. Je suis son geste et me trouve à quelques centimètres de son visage. Je sens son souffle sur mon cou. Les lumières des guirlandes suspendues au-dessus de nous me donnent assez de lumière pour constater ses dires. Soudain, elle me fait le même regard de tueuse qui m'avait déstabilisé et qui me perturbe à l'heure actuelle... Avant d'à nouveau se détendre.

Nous nous éloignons l'un de l'autre et j'en profite pour boire une gorgée, geste qu'elle imite en face de moi.

- Tu ne vas pas voir le groupe qui passe ?

- Je les ai déjà entendus en avant-première, me répond-elle en jetant un œil vers la salle. C'est mes potes qui organisent cette soirée.

- Hm cool.

- Ouais assez... Et toi, tu ne vas pas... ?

- Ah si mais j'attendais un pote qu-

Je m'interromps lorsque je remarque que mon ami est reparti seul, sans un mot, après avoir fini sa clope. Je pousse un soupir d'exaspération avant de lever les yeux au ciel et de passer une main dans mes cheveux.

- Tu as des amis « fantôme » ? me demande-t-elle. On est deux alors !

- Ouais... Et c'est eux qui m'ont demandé de venir ce soir pour éviter que je passe la soirée seul.

- Ils sont sympas !

Elle pince ses lèvres pulpeuses de ses deux doigts avant de reporter ses yeux sur moi, accompagnés d'une lueur de malice.

- Et si on passait cette « nuit blanche » ensemble ? Comme des « partenaires » ?

- Hein ? Comment ça ?

- Je n'ai pas envie de m'ennuyer toute seule et mes amis sont trop « partout » à mon goût. On ne se connait pas toi et moi mais ça pourrait être intéressant de passer cette série de concerts avec un inconnu.

- Hm...

- T'es pas obligé de dire oui.

- Juste une question : t'es déjà bourrée ou défoncée ?

- Non ! s'exclame-t-elle presque choquée. Pourquoi ?!

- Pour savoir.

Passer la soirée avec une inconnue ? J'avoue qu'en temps normal j'aurais dit non à ce genre de plan improvisé mais ma spontanéité se réveille de plus en plus en ce moment et ce serait le bon moyen de chasser les pensées négatives de mon esprit. De remplir ce vide pendant quelques heures.

- D'accord.

- Hein ? s'étonne-t-elle. Vraiment ? Même moi qui l'ai proposé je trouvais ça louche mais que tu ais accepté me surprend.

- Tu ne me connais pas encore. D'ailleurs c'est quoi ton prénom.

- ...Disons que pour garder une part de mystère, on va s'appeler par nos initiales. Tu peux m'appeler H.

- Ok, enchanté « H ». Moi c'est V.

Elle me tend la main et je la serre comme pour sceller notre entente.

Merci pour ce souvenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant