~Premier pas : D'une flèche naquit un destin~

Start from the beginning
                                    

La lune d'argent a disparu derrière un troupeaux de nuages grisonnants, j'essaye de tenir la conversation à Dylan, l'esprit embrumé par une fatigue prévisible.

-Je ne t'ai même pas demandé comment tu as découvert l'existence des chasseurs ? Me questionne-t-il, encore en pleine forme.

-Qu'est-ce que c'est que cette question ? Fis-je avec un air étonné, ça doit être la même chose pour tout le monde ?

Ma remarque le fait rire, il me glisse un regard en coin, la figure enjouée. Mon chauffeur me fait bien comprendre que chaque entrée dans le Centre est différente. J'hausse un sourcil, trouvant ses propos plutôt ridicules, mais je décide finalement de lui répondre. S'il n'y a que ça pour lui faire plaisir, pourquoi pas.

-On aurait pu en parler une autre fois, m'enfin...Ça a commencé par un tout petit symbole.

Je m'en souviens encore à la perfection. Une flèche traversant un croissant de lune, en soit, un idéogramme on ne peut plus banal, si bien qu'au tout début je n'y ai pas porté la moindre attention. Il était gravé sur certains arbres que je croisais, je pensais alors à une marque d'amour immortalisée sur le tronc, scellant à jamais une union naissante.

C'est seulement quand l'insigne est apparue sur mes copies de cours, sur des photos de moi et de Dylan, sur mon écran d'ordinateur, que  j'ai commencé à m'inquiéter. J'ai mené mon enquête, en commençant par la fléchette. Difficile de trouver des informations quand on nous restreint l'accès aux notions de l'Avant. 

Et pourtant, j'ai appris qu'il s'agissait d'un symbole représentant les échanges entre la Terre et le ciel, mais également le dépassement des conditions normales et l'anticipation de la conquête d'un bien, encore hors d'atteinte.

Lorsque qu'elle se tourne vers le bas, elle imite le pouvoir divin, de la même manière que la foudre punitive ou que le rayon du soleil, donneur de vie.

Dès qu'elle s'oriente vers le haut, la flèche exprime la liberté des conditions terrestres, défiant la pesanteur.

La mienne changeait sans cesse de sens. 

Concernant la lune, elle est la beauté, la lumière dans l'immensité ténébreuse, la connaissance indirecte, elle représente le temps qui passe. C'est à cet instant que j'ai tilté, un détail infime, presque invisible me sauta aux yeux.

Ma professeure de français avait, dans la nuque, un tatouage similaire au sceau que je croisait régulièrement. Quand j'ai été la questionner, elle m'a simplement donné une série de chiffres totalement incohérente. Code qui correspondait à des coordonnées, et qui m'ont guidée devant une salle, jusqu'à présent inconnue. Juste en dessous de la poignée, là où devait être la serrure, je retrouvais une nouvelle fois ma lune, inséparable de sa flèche. 

J'ai essayé d'ouvrir. Le portant devint bouillant, je dus lâcher prise.

Curieuse comme je suis, j'ai essayé de trouver un moyen d'entrer. Le nombre de cloque sur mes mains croissait, et je n'y arrivais toujours pas. J'en devenait obsédée. 

Plus rien n'avait d'importance hormis le fait d'entrer dans cette maudite pièce. J'ai lu des milliers de choses sur le sujet, des légendes se dessinaient sous mes yeux voraces de découvertes, j'ai cherché partout et de toutes les manières pour y pénétrer.

Et puis, le passage s'est ouvert. Comme ça, sans que je ne m'y attende, au bout de deux mois d'intenses expérimentations.

-J'ai découvert une classe, et par la même occasion, la demoiselle qui ronfle sur sa banquette arrière. On m'a expliqué que j'étais spéciale, que je devais suivre ce nouveau cursus scolaire pour devenir l'élite de la Terre, et la protéger du mal si j'en était d'accord et surtout capable. Ils se sont montrés très convaincants ! Si bien que j'y ai étudié secrètement pendant six années, comme tous les autres, et que je suis maintenant là, avec toi dans cette voiture. Et toi, t'es rentré chez les chasseurs comment ?

Un sourire se dessine sur ses lèvres pour se muer rapidement en rire. Je fronce les sourcils, vexée, Dylan met un certain temps à se calmer pour me répondre.

-Premièrement, nous ne sommes pas censés parler de ça ! L'entrée d'un chasseur dans le rang devrait lui rester confidentielle; tu t'es encore faite avoir, Crevette. Deuxièmement, tout le monde n'étudie pas six ans, tu auras l'occasion de le constater demain. Rassure toi, ceux-là sont la crème de la crème, et beaucoup trop arrogants si tu veux mon avis. Enfin, j'espère que tu seras moins naïve là-bas, Roxane. Si te soutirer des informations est aussi simple que cela, je ne donne pas cher de ta peau le jour où tu seras en face de l'un d'eux !

Je suis obligée de lui donner une tape sur l'épaule pour qu'il arrête de rire, ses yeux gardent une lueur amusée.
Au bout d'une demi-heure de trajet, durant lesquelles je me suis battue pour ne pas sombrer dans les bras de Morphée, nous arrivons devant chez moi. Un petit quartier à quelques heures de Nantes; un nom de ville qui n'existe malheureusement plus.

Ce sobriquet n'a pas résisté à l'Avant, et s'est éteint dans l'Après.

Dylan coupe le moteur, se tourne vers moi, ses cheveux roux devenus pâles dans l'obscurité profonde.

-Vous voici a destination, Madame ! J'espère que vous passerez une bonne fin de nuit, et que tout à l'heure je n'aurai pas affaire à un zombie plutôt qu'à vous !

-Ça t'arrive d'être sérieux plus de trois secondes ? Lui répondis je ironiquement, tout en essayant d'ouvrir la portière. Qu'est-ce qu'on fait d'Héloïse ? On la réveille ?

-Très rarement, mais tu devrais le savoir depuis le temps qu'on se connait ! Concernant la demoiselle, je vais m'occuper d'aller la coucher...

J'hausse un sourcil plein de sous-entendus, il fronce les siens ce qui a pour effet de me faire sourire. Je lui murmure un rapide "Au revoir" avant de redescendre sur mes talons, à peine capable de tenir debout.

Pas moyen de remonter par la fenêtre, j'entreprends donc de rejoindre ma chambre en passant par le porte d'entrée, aussi discrète et agile qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Tout le monde dort à poings fermés, ce qui arrange ma situation. Je m'étale sur mon lit, sans prendre la peine de me changer tant je suis fatiguée. Le sommeil me trouve pour une fois très rapidement, et je lui en suis reconnaissante.

Il était encore là.

Il la suivait partout, dans tous ses songes. Ses yeux clairs lui transperçaient le cœur, lui brisaient les os, déchiraient ses muscles. Il ne la laisserait pas s'échapper. Après tout, la traque venait de commencer. Sa présence la dérangeait affreusement. Cependant, il l'attirait, c'était indéniable. Chez lui, tout était intrigant, tout le rendait incroyablement irrésistible.

Il ne l'appelait jamais par son prénom, pourtant c'était comme si elle l'avait toujours connu. Ça la brûlait de lui demander qui il était, or ils se contentaient de se tourner autour, sans jamais oser se parler.

Elle sentait la fin approcher, ce fût beaucoup plus rapide que d'aventure. Et pour la première fois, il attrapa son bras. Ce contact soudain, suffit à la faire frissonner, lui glacer les veines. Sa peau était étrangement chaude, lui qui paraissait si froid. La proximité qui les séparait était déroutante, jamais ils n'avaient été aussi proches. Il glissa le temps d'un souffle vers son oreille pour lui susurrer quelques mots.

Je te trouverai.

***

Règle n°2 : Votre esprit est un coffre dont vous devez être les seuls à posséder la clé.


Hunter or Hunted~Tome 1 : La Valse des OmbresWhere stories live. Discover now