Chapter IX| PDV Isaak

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Josh, mon petit, t'es vraiment un petit frère génial. T'as la joie de vivre et t'es un putain de petit con ! Mais qu'est-ce que je t'aime, sois fort, je sais que tu as un mental qui peux surmonter tout cela.

Ayleen, prend soin de Josh. Il mérite d'être heureux. Je sais que tu vas m'en vouloir d'avoir fait ça mais je sais aussi que seul toi et Isaak avaient une chance de comprendre.

Isaak, quel branleur tu es ! Jamais je n'aurai su me passer de toi. Tu as été là pour moi depuis que l'on se connait et je suis désolé de ne pas t'avoir présenté à ma famille. Mais elle est tellement détraquée.

Je suis encore désolé, mais j'ai cette constante impression de vivre le moment de ma mort, le moment où je vais me suicider. Ça a commencé par une obsession à quelque chose, pour ensuite en devenir fou. Je ne savais pas très bien si j'étais capable d'y mettre fin, de mettre fin à mes jours, à ma vie. Mais maintenant je sais, je ne peux plus vivre avec cette impression qui se répète sans cesse, à croire que mon corps à déjà tout planifié. Désolé, mais s'en est bien terminé.

Je ne peux pas dévoiler les raisons de mon suicide, même si parmi ces raisons, la dernière, celle qui m'a poussé à le faire c'est cette impression de vivre ma mort. C'est comme si c'était le noir complet, que je tombais de nouveau dans ce noir intense. Et qu'une seule question tournait à ce moment-là dans ma tête, que diront les gens lorsqu'ils apprendront ma mort ? Je suis mort, je suis en train de mourir. Puis la chute s'arrête enfin, et je ne ressens plus rien, je suis en train de mourir, pour de vrai. Voilà ce que j'ai ressenti, jusqu'à ce que je décide d'y mettre fin.

Tu sais Isaak, j'ai réalisé soudainement bien avant que tout dans ma vie ne déraille, qu'il t'arrivait d'avoir peur. D'être terrifié. Terrifié à l'idée que les gens découvrent que tu avances dans la vie en faisant semblant de tout maîtriser, alors que tu te débats comme tout le monde. J'ai ainsi compris ce jour-là, que je ne pouvais réellement compter que sur moi-même. Car nulle personne n'est invincible en réalité et que chacune à ses faiblesses. Je ne pouvais plus m'appuyer sur toi, car en vérité toi aussi tu souffrais, tu souffres d'ailleurs encore au moment où tu lis cette lettre, j'en suis certain. Tu te débattais, tu ne voulais rien laisser paraître. Mais comment faire, si même toi ce n'était que du faux, si ce n'était qu'un pauvre masque pour cacher cette douleur, cette faiblesse, ces émotions ? Je n'en étais pas capable, je ne pouvais pas faire semblant. Tout ce que je voulais c'est faire disparaître cette faiblesse, cette douleur qui me faisait rendre si vulnérable. Mais je n'ai réussi. Un jour tu m'as cité cette phrase "on ne rentre jamais vraiment chez soi". Thomas Wolfe avait raison, les gens autour de moi ont changé, et ont changé avec eux l'univers, l'endroit où je m'abritais. Je pense désormais que tu as assez d'indices pour trouver ce qui a déraillé, ce qui m'a fait perdre le contrôle total sur ma vie. Mais promets-moi une chose, ne fais pas de mon suicide une obsession, ne tombe pas dans cet enfer. Je t'aime sache le. Je compte sur toi pour prendre soin de Théa et de ma famille. T'es le seul à qui je fais confiance.

Je suis désolé. Pour toujours. Mais je ne peux plus lutter. C'est devenu impossible.

Adieu.
Aaron.

Les larmes aux coins de mes yeux menacent de couler d'une seconde à l'autre. Je prends alors la décision de m'isoler, même si le choix premier de ma venue ici était de regarder le résultat de mes épreuves. Mais je me fiche de tout cela maintenant, je veux juste retrouver une vie normale, me réveiller un matin croyant que tout ça n'était qu'un rêve, un putain de mauvais rêve débile. Mais la dure réalité me glace l'esprit, je suis immobilisé par cette douleur dans la poitrine, je souffre, je ne survis pas à sa mort. Je n'y arriverai sans doute jamais.

"Isaak".

Une voix douce et tremblante me parvient de derrière. Je tourne alors prudemment la tête sans prendre la peine de sécher mes larmes, puisque je sais déjà qui se cache derrière cette voix. Me voyant pleurer, ses yeux se brouillent à leur tour de larmes.

-Alors tu as lu la lettre, il n'y a aucuns mots qui m'est dédié. Et je crois que c'est la chose qui me fait le plus de mal depuis sa mort.

-Il n'y a aucuns mots puisqu'il t'avait déjà tout dit. Ce qu'il ressentait pour toi n'était rien d'autre que "Je t'aime Téha, plus que tout au monde, jamais tu ne devras souffrir". Les derniers mots qu'il t'a dit lorsque nous étions tous les trois sur le banc, ce fameux banc devenu si important maintenant... puisque c'était "son banc". Mais ça ne reste rien qu'un simple banc, où tristesse règne.

-Isaak, sa sœur me prend pour responsable. Lorsque tu t'es détourné d'elle et de moi pour continuer à avancer vers le bois, elle m'a parlé en plus de me donner cette lettre. Elle me haie, elle voulait comme ma mort, ses yeux étaient d'un noir intense... elle a profité de ma faiblesse pour me dire les mots les plus blessants "Je ne sais pas ce que mon frère te trouvait".

Ses larmes coulent à flot, et je viens prendre son visage entre mes mains pour ensuite déposer sa tête sur mon épaule. Je sais maintenant ce qui l'a fait tant souffrir, cette complicité si intense entre Téha et moi. Cette complicité qu'il n'a pas su avoir, voir l'amour naissant de Téha pour moi devant ses yeux, les mots qu'elle devait lui dire à mon propos, ces regards envers lui qui n'ont été que des regards d'amitié. Tout cela le dépassait, il en souffrait et je n'ai pas su le rassurer, je n'ai pas su taire cette souffrance en lui. C'est ma faute, ce suicide est ma faute. J'aurai dû le voir, ça crevait les yeux.

-Téha, je dois, je do... dois y aller. Désolé, je ne peux pas."

Je marche alors tête baissé, yeux noirs et écouteurs dans les oreilles. Une fois chez moi, je monte dans ma chambre en claquant la porte pour ne pas avoir à être questionné par ma mère. Ouvrant mon cahier où se trouve tous mes écrits, je prends une nouvelle page et un stylo et vient ensuite y déposer ce que je ressens.

Tu m'as dit un jour "nous prouverons au monde qu'ils avaient tort, et nous leur apprendrons à chanter en chœur avec nous." je comprends désormais pourquoi cette citation de Nickelback te tenait tant à cœur. Tu mettais tes sentiments que tu éprouvais pour Téha sur papier. Tu lui écrivais des chansons, et je n'ai pas compris jusqu'à aujourd'hui que ces chansons d'amour n'étaient autre que pour elle. Je te parle mais tu ne m'entends pas, je t'écris mais tu ne vois pas. Que fais-tu pendant ces longues semaines là-haut ? Si jamais il y a un après la mort. Si jamais il y a un au-delà. Les frontières qui nous séparent ne sont que temps avant qu'elles ne disparaissent. J'ai moi-même brisé mon cœur en comprenant que c'est moi qui ai brisé le tien, je t'ai volé celle que tu as toujours voulu. Je t'ai volé ton amour et ne t'ai donné que faiblesse en retour. Je m'en veux, si tu savais comme je voudrai remonter le temps, te donner à nouveau le sourire, enlever cette idée stupide de suicide de ta tête. Te prouver que tu peux compter sur moi, et que tu pourras toujours le faire. Tu as dit dans cette lettre que j'étais le seul en qui tu avais confiance, tu ne m'as pas détesté malgré le fait que c'est moi qu'elle ait aimé, qu'elle aime aujourd'hui et non toi. Je n'ai toujours voulu que ton bien, j'aurai pu laisser ma vie pour toi, mentir a Téha sur les sentiments que j'éprouve pour elle afin que tu sois avec elle. J'aurai tout fait pour toi Aaron, mon meilleur ami. Mais la vie en a décidé autrement avec toi.

Adolescence PerdueWhere stories live. Discover now