Chapitre vingt-deux - L'Ombre

Start from the beginning
                                    

— Méfie-toi de ce qui t'entoure, continua-t-il.

Cela l'amusa.

— Qu'en sais-tu ? demanda-t-elle d'un ton sarcastique.

Darius baissa la tête pour regarder le bracelet en cuir qui entourait son poignet gauche, feignant de se fasciner par les motifs gravés dessus.

Elle soupira, et au bout de quelques minutes, il redressa la tête pour lui lancer un clin d'œil.

— Téhia, entendit-elle finalement.

Elle se retourna pour voir Avalon se diriger dans sa direction. Ce dernier se plaça derrière son fauteuil pour commencer à masser ses épaules tandis que son tuteur s'avançait. La jeune femme en eut à nouveau le souffle coupé. Il s'agissait d'un immense démon, au regard dangereux et à la peau bleue. On aurait vaguement dit qu'il venait d'un autre monde. Elle étouffa un sourire à cette pensée.

— As-tu quelque chose à me dire ? lui demanda-t-il.

Question piège.

Sa voix gronda dans l'espace réduit, pareil à un coup de tonnerre. Elle secoua la tête, faisant retomber ses longs cheveux roux autour de son visage. Derrière elle, Avalon se tendit. Il raidit sa poigne sur ses épaules, la faisant grimacer.

— Je suis une espionne, lui apprit-elle. Mais ça, vous le saviez déjà.

— En effet, oui.

Le tuteur inclina la tête, la fixant toujours aussi intensément.

— Le roi Caspion t'avait demandé de trouver une façon de faire abdiquer Avalon, et le cas échéant, de le tuer ?

Elle ne répondit pas et se contenta de hocher la tête. Autant que ce soit possible, Avalon parut encore plus tendu.

— Tu ne l'as pas tué, fit remarquer le vieux démon.

— Finement observé.

Les mains d'Avalon se figèrent sur ses épaules et il lui pinça la peau. Elle se retourna en grognant pour lui signaler d'arrêter. En guise de réponse, le jeune homme lui colla un bisou sur la joue, ce dernier laissa une trace brûlante sur sa voix gelée.

— Prouve-nous ta loyauté, aide-nous à tuer Caspion.

En entendant ces mots, Téhia se mit debout sous le regard amusé de Darius. Elle était bien plus petite que le démon, mais il ne lui faisait absolument pas peur. Cela faisait très longtemps qu'elle n'était plus intimidée par ce genre d'individus.

Et une colère vive brûlait en elle, la rendant peu raisonnable.

— Même si j'en avais une, je ne vous la donnerai pas. Le meurtre du roi n'empêchera pas la guerre ni...

Elle s'arrêta de parler, puis réfléchit quelques secondes, les sourcils froncés. Avalon apparut à sa droite, et lui lança un regard inquisiteur.

— Admettons que Caspion ait des faiblesses, ce qui n'est pas le cas, les cieux sont imprenables. Ils sont protégés. Seuls les humains et les anges peuvent y entrer.

Téhia leva les yeux pour le regarder.

— Des centaines de gardes protègent le palais. Et je ne parle même pas des frontières qui délimitent la ville. Même en supposant que votre sorcier parvienne à briser notre sort, ce qui est impossible, vous n'entrerez pas.

Darius parut étonnamment amusé. Il suivait l'échange du regard, un immense sourire étirant ses lèvres. Elle lui fit un geste de la main pour l'inciter à se taire, ce qui accentua son amusement.

— Si je peux intervenir, lança ce dernier, je suis puissant. Si je rentre aux Cieux, je peux descendre leurs défenses magiques.

Téhia fronça les sourcils à ces paroles et échangea un regard entendu à Avalon. Cela signifiait qu'il pouvait très certainement le faire aussi ici, aux Catacombes.

— Nos soldats sont puissants, intervint le tuteur.

Et surtout absents. Les démons avaient une armée très bien entrainée, meilleure que celle des Cieux, mais très peu nombreuse. Il restait très peu de gardes au palais, la plupart se retrouvaient sur les champs de bataille à affronter les anges.

— Les nôtres aussi, rétorqua-t-elle.

Son torse se gonfla de fierté. Elle parlait de ses hommes, de ceux qu'elle avait entrainés, de soldat comme Liam. Son cœur se serra. Il lui manquait. Avalon lui attrapa la main pour la calmer. Il commença à décrire de petits cercles sur son poignet. Elle lui sourit tandis que son tuteur s'avança.

— Qu'en sais-tu ? répliqua-t-il.

Elle fronça les sourcils, piquée au vif. Cette conversation tournait en rond, agaçante.

— Parce que c'est moi qui les ai entrainés. Ils sont efficaces, forts, et rapides. J'ai vu vos soldats, ils sont incompétents. C'est un miracle que vous n'ayez pas encore perdu la guerre avec cette bande de...

Il leva la main pour la faire taire. Une colère sincère se lisait sur son visage et Avalon la fusillait du regard.

— On va l'abattre, commenta-t-il.

Elle fronça les sourcils, des rides se creusèrent sur son front.

— Abattre Caspion ? Je n'ai pas avoué la vérité à Avalon pour qu'il tue mon roi. Je l'ai fait pour qu'on puisse tous trouver une solution plus pacifique. On pourrait penser à un contrat de paix...

— Incroyablement naïf, commenta le tuteur. Penses-tu que personne n'y a jamais pensé ? Les anges nous réclament toujours trop, et cela entrainerait une rébellion, voir une guerre civile, dans nos peuples respectifs.

Il s'agissait de la vérité, et elle le savait. Parfois, des traités de paix ponctuels étaient signés, mais il ne durait jamais.

Elle se tourna vers Avalon, à la recherche de son soutien.

— Tu ne peux pas...

Son démon se contenta de déposer un baiser sur sa joue sans rien ajouter. Elle le repoussa d'un geste dur de la main et il baissa les yeux, honteux.

Le tuteur toussa, la forçant à rapporter son attention sur lui.

— Abattre Caspion serait aisé, commenta ce dernier. Sa politique est mal aimée. Le peuple ne se rebellerait même pas contre un nouveau souverain.

Elle fit un pas en avant.

— C'est faux... Si vous pensez que mon peuple acceptera un démon...

Le démon secoua la tête, dérangeant ses cheveux grisonnants parfaitement plaqués sur son crâne.

— Qu'en sais-tu ? Tu vivais protégée. Les tiens meurent. Les gens sont affamés, épuisés par la guerre. Leurs maris, fils, cousins, pères meurent à la guerre...

— Je vivais protégée ?

La fureur était à peine contenue dans la voix de la jeune femme. Puis elle se força à rester calme et tendit une main énervée vers lui.

— J'ai mené plus de combats que vous n'en verrez jamais. Protégée, sous votre respect, est tout ce que je n'ai pas été.

Le tuteur fronça les sourcils, puis ouvrit la bouche comme s'il allait s'excuser. Ce fut Avalon qui le fit, se pencha sur elle pour lui murmurer un petit « désolé » timide.

Elle secoua la tête, toujours aussi énervée.

— Personne ne vous suivrait, c'est de la folie.

— Nous non, c'est certain.

Il fit volte-face et s'avança vers elle.

— Mais toi, oui. Tu es la seconde comme tu viens de le dire.

Elle éclata d'un rire sonore. Il lui semblait que le sorcier laissa aussi échapper un soupir amusé.

— Je suis une traite, lui dit-elle, ils ne me suivraient pas. Ils me tueraient.

La marque : Le cri des anges (Tome 1 - Réécriture)Where stories live. Discover now