Si / Alors / Sinon

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Les trois hommes travaillaient consciencieusement devant leurs écrans respectifs depuis une semaine, effectuant les tâches qu'ils s'étaient réparties pour démarrer le projet.

Comme leur avait annoncé Alicia, leur demande de connexion internet fut refusée. Ils décidèrent donc de se dispatcher les actions que chacun connaissait bien pour se lancer dans le développement.

C'est à Jérémy qu'incomba le travail sur les phonèmes de la langue française et la distinction entre les mots et les syllabes. Phonétiquement certaines syllabes sont aussi des mots comme « paille » l'est dans « paillasson », ce que l'IA ne devait pas confondre avec « paille à son ».

François quant à lui commença à rendre le programme interactif. Celui-ci resta très simple dans cette première phase, mais grâce aux premières données de Jérémy, il commença à traduire des sons en phrases et à en extraire des mots-clés. Il fallait travailler maintenant sur cette question : que faire de ses mots-clés ?

Ensemble, ils décidèrent de suivre la progression de leurs aînés en faisant revivre, pour la première semaine, Eliza, une IA psychanalyste des années 60.

S'ils arrivaient à faire au moins aussi bien, ce serait une bonne base de travail.

Bien que l'équipe n'ait pas obtenu les autorisations pour se connecter avec l'extérieur, Paolo avait commencé à travailler sur l'aspect sécurité du code. Travaillant sur les échanges vocaux entre L'Intelligence Artificielle Milleniale, LIAM, et un opérateur humain, il avait également étudié la possibilité de le doter d'une voix.

Cette première semaine, sur le modèle d'Eliza, le programme ne répondait que par l'entremise de conditions du type : SI l'opérateur utilise un mot présent dans la base de données, ALORS utilise ce mot dans une phrase interrogative, SINON réponds par une phrase standard de la dite base de données.

Définition de la base de données {

mot-clé [espoir, parents, souffrance, rêve]

réponse [Que vouliez-vous dire par, Parlez-moi de, Pourquoi dites-vous]

phrase_standard [Comment vous sentez-vous ? Pouvez-vous m'en dire plus ?]

SI opérateur_utilise_mot-clé {

ALORS réponse + mot-clé

}SINON {

phrase_standard

}

Ce type de programmation permettait aux développeurs de ne pas penser chacune des interactions possibles. Il suffisait d'ajouter des mots-clés, des réponses type et des phrases standards.

C'était une des bases de la programmation d'une IA. Grâce à cette méthode, LIAM suivrait les traces de sa grande sœur, 80 ans plus tard.

Le code sur lequel ils travaillaient tous les trois était basique, mais posait les bases d'une IA de deuxième génération.

Le si/alors/sinon servirait à poser des questions, comme précédemment. Il était nécessaire de faire évoluer le programme de base afin qu'il prenne en main la conversation au point qu'il devienne difficile à l'humain qui l'interrogerait à distance de savoir qui se cachait derrière le clavier : un humain ou une machine. La base du test de Turing.

Alicia avait décidé de ne pas se mêler du développement mais uniquement d'observer les étapes marquantes de l'expérience. Elle n'entrait donc dans le Studio qu'à la demande de l'équipe. Ce qui l'amena aujourd'hui.

En cette fin de première semaine, le programme était prêt à un entretien avec une personne extérieure au trio de développeurs.

L'ascenseur s'ouvrit. La chef d'équipe fit son entrée. Elle portait sa salopette fétiche avec un de ses t-shirts de geekette, en l'occurrence un cercle dont la partie haute était orange et dont le centre était occupé par une pointe.

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