CHAPITRE II

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Un mois plus tard, toujours accompagnée de Ricki mais moins perdu dans les bâtiments, on descend les trois étages pour sortir. Ricki me bassine avec le professeur d'histoire de la pensée sociologique qui selon elle, n'a pas voulu écouter son analyse. Elle me secoue sa feuille de note sous les yeux.

- Ce prof me déteste. C'est de l'injuste pure. Même ce sans cervelle d'Oli, il a bien voulu l'écouter.

- Tu arrêterais d'interrompre son cours toutes les cinq minutes, il pourrait te surprendre à entendre ce que tu as à dire, je tente pour l'apaiser.

- Il n'en est pas capable.

- Le prof n'est pas capable de t'écouter ou c'est toi qui est dans l'incapacité d'arrêter de te plaindre ?

- Qu'est-ce que ça veut dire de la bouche d'une amie ? m'accuse-t-elle.

Elle a très bien compris le message. Ricki est incapable de se taire. Elle est très intelligente et cherche souvent à se mesurer aux profs.

- On se voit au café Ricki, nous coupe Oli en nous doublant dans les escaliers.

Je profite de l'occasion pour changer de sujet.

- Oli en pince pour toi, je souris.

- Foutaise ! Ce type est timbré du cerveau. Non merci.

Elle passe son bras autour du mien et m'entraine vers la porte.

- Allez ! On va finir par être en retard au café et le boss ne va pas être content.

Le café c'est le lieu de rendez-vous des étudiants à toutes heures de la journée. Il se trouve à deux pas de l'université. Le patron est surnommé l'ours et ça lui va à ravir. Il est corpulent et vraiment adorable. Son café est probablement l'un des derniers à posséder un jukebox. Il peut ainsi réunir les jeunes en semaines et les plus âgés le week-end, l'ambiance est à la carte avec du Jacques Brel, du Elvis Presley ou du AC/DC et même du Maroon 5. En plus de cela, ils y servent des smoothies à tomber par terre et leurs pâtisseries sont démentielles.

Le seul souci avec ce café, c'est que c'est aussi mon lieu de travail et Ricki s'accapare le bar soi-disant pour me divertir pendant mon service. Mais je sais très bien qu'elle en profite pour me surveiller. Elle cherche à me protéger d'un certain gars qui depuis la rentrée s'acharne sur moi. Avec lui dans les parages, j'ai la mauvaise impression de me retrouver dans nos années collège. Quand tout a commencé. Mais il y a des jours où je me demande s'il m'a reconnu. En trois ans il a changé, peut-être que j'en ai fait autant même si une fille rousse on en croise pas des tonnes par chez nous.

Ricki s'installe au bar pendant que je me rends dans le vestiaire réservé aux employés pour y déposer mon sac de cours et enfiler un tablier. Je me poste devant le miroir et attrape mes cheveux pour les joindre en une haute queue de cheval haute. Je dégage les quelques mèches de mon ancienne frange sur les côtés. Avant de sortir, j'inspecte une dernière fois mon reflet. Je ne suis pas une fille superficielle et j'ai même tendance à être un peu complexé par mes tâches de rousseurs. Pour y remédier, je me répète qu'elles me viennent de mon père ce qu'il considérait comme une preuve fatidique de sa paternité.

La porte du vestiaire s'ouvre au même moment sur Raoul, l'un des trois pâtissiers du café. Il est devenu mon ami dès le premier jour, et ce n'est pas parce qu'il est roux, lui aussi.

- Salut, Béa.

- Salut, Raoul.

- Ricki t'attend devant, il m'informe.

- Ce qu'elle attend c'est surtout sa part de gâteau, je ricane.

- Bien chef.

Il accompagne ses mots d'un salut de soldat avant de disparaitre. Je soupçonne fortement Raoul d'avoir un penchant amoureux pour mon amie Ricki. Malheureusement il est incapable de lui proposer un rendez-vous alors qu'ils se côtoient tous les jours. A la place, il lui réserve ses meilleures pâtisseries. C'est son langage à lui et Ricki en raffole. Mais dans leur plausible histoire, le problème n'est pas Raoul. C'est Ricki. Elle a horreur de l'amour et de tout ce que cela comprend. Les sentiments et ce qui va avec.

DIS-LE (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant