Derrière moi je sens Ricki qui observe la scène. Elle doit d'ailleurs se demander ce qui me prend autant de temps. Je suis paralysée. Jusqu'à ce que je m'entende lui répondre :

- Tu aurais dû y penser plus tôt.

Je lui tourne le dos et repars en direction de Ricki et du bar. Elle semble à la fois inquiète et pressée de savoir comment l'épreuve s'est passée.

- Alors ?

Mais je n'arrive pas à lui dire quoi que ce soit. C'est comme si mon cerveau n'arrivait pas à digérer ce que je viens de lui lancer à la figure. Raoul passe à ce moment-là.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? il nous regarde, inquiet.

- Parle, s'impatiente mon amie.

- Laisse-lui le temps de reprendre ses esprits.

- Toi le roux, boucle-là, elle le rembarre.

- J'ai besoin de prendre l'air. Je prends ma pause, je lâche enfin.

A peine ai-je mis un pied dehors que la porte du café s'ouvre à nouveau derrière moi. Je ne suis pas en capacité de répondre ni à Ricki ni à Raoul. Je me retourne pour lui demander de partir. 

- J'ai juste besoin de...

Ma phrase s'éteint sans fin.

Je ne m'attendais pas à lui. Thomas.

- Qu'est-ce que tu veux ?

D'abord sans rien dire, il s'avance de quelques pas. Puis il ouvre grand les bras au milieu du trottoir.

- Enfin seul, il déclare, son maudit sourire aux lèvres.

Je ne peux m'empêcher de le revoir me regarder. Il n'avait pas ses yeux inexpressif à l'époque. Il me témoignait de l'affection, de la tendresse. Que s'est-il passé pour qu'il devienne l'ombre de lui-même, ce type arrogant et sûr de lui ? Que s'est-il passé pour qu'il se mette à me traiter comme son pire ennemi ? Parce que c'est comme ça qu'il agit. Encore aujourd'hui. Trois ans après.

Je fronce les sourcils et croise les bras. Je ne répondrais pas. Je ne lui accorderais pas ce privilège.

Il s'approche et ne s'arrête qu'à quelques centimètres de moi. Son sourire mesquin ne quittant pas ses lèvres, il lève sa main gauche et je sens ses doigts jouer avec une mèche de mes cheveux. Il la lâche et les pose sur mon menton pour me forcer à le regarder dans les yeux. Ses caresses. Elles font remonter en moi tellement d'émotions et de plaisir. Je me mords la lèvre alors que son pouce remonte le long de ma joue.

- Tu m'as manqué.

Non pas mécontent de l'effet de ses mots sur moi, il arbore maintenant un sourire fière. C'en est trop. Je fais un pas en arrière pour remettre de la distance entre nous et ma main s'envole caresser la sienne. Plus violement tout de même.

Je grimace en massant la paume de ma main qui me brûle. Quant à lui, il se masse douloureusement la joue. J'en profite pour retourner à l'intérieur. La pause est finie. Je n'ai plus de temps à perdre avec lui. 

La porte s'ouvre au même instant sur une Ricki plus que remontée. Suivie de près par Raoul.

- J'allais intervenir.

- J'allais la retenir, évidemment, s'explique Raoul.

- Ce n'est plus la peine, merci.

Voyant que je me tiens toujours la main, Ricki me demande si ça va.

- C'est rien. Je vais juste passer un peu d'eau froide dessus.

- Je t'accompagne, elle ne me laisse pas le choix.

Ricki sur mes pas, je me dirige vers les toilettes. Sous le robinet, l'eau fraiche apaise ma douleur. Ricki grimpe sur le rebord de l'évier d'à côté et me quémande de lui raconter ce qu'il s'est passé. 

- Raoul ne voulait pas que je vienne te sortir de ce pétrin et avec tous ces gens devant la vitrine, on n'a pas réussi à voir grand-chose, elle me raconte. Il ne t'a rien fait au moins ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

J'aurais beau lui répéter, elle ne comprendrait pas. Parce qu'elle ignore tout de mon passé avec Thomas. Depuis trois ans, je ne lui ai jamais rapporté cette histoire. Parce que je voulais l'oublier justement. Je ne pensais devoir repasser trois ans dans la même classe que lui.

Je secoue la tête pour seule réponse, préférant rester cacher derrière mon mutisme. J'arrête le robinet et me retourne vers la porte. Mais Ricki se remet précipitamment sur ses pieds et me barre la route. Je soupire, exaspérée.

- Allez, quoi Béa ! Je suis ton amie, tu peux tout me dire. Surtout quand ça concerne cet abruti.

Ça prendrait trop de temps et je n'en ai pas. Je n'ai pas non plus la force que cela me demanderait.

- Il n'y a rien à raconter, je déclare avant de la contourner pour passer la porte.

- Qu'est-ce que tu peux être têtue quand tu t'y mets-toi ! elle réplique, comme à chaque fois qu'elle n'obtient pas ce qu'elle veut de moi.

- Je sais. Et c'est pour ça que tu m'aimes tellement, je la charrie. 

- Ça doit être ça.

Ricki retourne s'assoir au bar pendant que je reprends mon service. Je dois encore servir la table de Thomas. Mais je m'aperçois qu'il n'est pas revenu. Il n'est plus dehors non plus. Ce me demandera moins d'effort que prévu finalement.

A la fin de mon service, le restaurant est presque vide. Ricki est rentrée chez elle et je m'apprête à en faire autant. J'ai besoin d'une bonne douche et d'une bonne nuit de sommeil pour attaquer la journée de demain qui commence à huit heures.

En passant la porte de l'appartement, je file sous la douche. Je me fais chauffer un plat préparé que j'avale en feuilletant mes cours. Posé à côté, mon téléphone vibre. Je m'attends à un message de Ricki. Elle ne peut pas s'en empêcher. Mais j'en lâche presque ma fourchette quand je vois le nom de Thomas s'afficher, accompagner de sa photo.

« On devrait se parler plus souvent. »

Cet abruti me cherche clairement. Mais je ne suis plus une petite collégienne qui a peur. Je ne suis plus faible et je suis prête à le lui démontrer. Je lui réponds.

« Quand tu veux »

Dans la foulée, il fait de même.

« J'adore ça. »

Je grince des dents en reposant mon portable à l'envers sur ma table. Il est fort. Mais comme disait papa, il ne suffit pas d'être fort, il faut savoir tenir dans la durée, juste ce qu'il faut pour battre son ennemi. Et je te promets Thomas, que je t'aurais à l'usure.

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Votre avis ?

Ca me fait vraiment plaisir de retrouver Béa et Thomas. Il y a quand même un premier changement notoire, c'est le comportement de Béa face à Thomas. J'espère qu'il vous plaira ;)


DIS-LE (nouvelle version)Where stories live. Discover now