Qui est la plus belle ?

Alors, qui est la plus belle ?

Mon miroir. Il a longtemps été mon meilleur ami dans cette lutte perpétuelle de popularité. Face à lui, je réajuste mon apparence, je la rends toujours plus acceptable. Ce moment, je l'avais prévu depuis longtemps. Pourtant, dans ce reflet de moi, je ne me reconnais plus. J'ai été emportée de l'autre côté du miroir, j'y ai vu la vie différemment et dorénavant cette image de moi ne correspond plus à mes désirs. Je ne suis plus cette fille superficielle. Alors pourquoi je joue encore ? Peut-être que ce qu'il y a de plaisant dans le jeu, ce n'est pas de gagner mais d'affronter la difficulté sans enfreindre les règles et d'accepter qu'on puisse perdre. Alors la victoire paraît bien plus belle, plus pure, plus appréciable. Et ainsi, même la défaite à bon goût. Voilà pourquoi je continue, pour le goût du jeu pur et simple. Mais si je gagne —même s'il y a peu de chance— je devrais bien avouer que mes mains ne sont pas tout à fait propres. Gagner avec des intentions plus honnêtes qu'au début ou avouer qu'on a triché et accepter cette défaite qu'on mérite ? J'ai fait mon choix mais ce n'est pas moi qui déciderais de mon sort. Peut-être que la tendance peut encore s'inverser mais je m'en fiche.

Je réajuste ma longue robe noire. Elle découvre mes épaules, suit parfaitement les courbes de mon corps pour venir effleurer le sol, le haut des manches est bouffant pour ensuite lâcher souplement le tissus argenté autour de mes bras frêles et pâles. Mes cheveux tombent sur mon épaule en une tresse blonde parfaite, nouée par un élastique sombre orné d'une rose noire. Mes yeux sont décorés par quelque peu de maquillage aussi sombre que le reste de ma tenue et mes lèvres sont rouges sang. Il ne me manquerait plus qu'une couronne assortie pour que je ressemble à une princesse des ténèbres.

J'ai acheté cette robe il y a quelque temps pour qu'elle attire l'attention ce soir. Aujourd'hui je me rends compte d'à quel point elle révèle qui j'ai été durant ces quelques jours. Une fille horrible, prête à tout pour gagner, même à écraser son adversaire sans aucune forme de pitié. Pourtant, je veux porter cette robe. Je veux montrer cette facette de ma personnalité que je ne peux plus nier même si aujourd'hui elle ne me correspond plus.

La sonnette retentit. J'enfile mes escarpins noirs à semelle compensée. Des pas retentissent derrière la porte. Je l'ouvre et découvre Ethan le poing en l'air, prêt à frapper la porte. Il porte un costume trois pièces noir, tout ce qu'il y a de plus classique, avec une cravate.

« Wow, s'exclame-t-il en me voyant. Tu es splendide !

— Et toi tu es bien plus que ça ! » Le complimenté-je.

C'est donc ça ce qu'il y a de plus beau chez moi ? Mon côté sombre, pervers et intéressé ? Ce côté qui me fait ressembler au monde réel ? Celui plein de souffrances et d'injustices ?

« Merci, dis-je simplement.

— On peut y aller ? Demande-t-il en regardant sa montre élégante.

— Oui je suis prête. »

Nous sortons de ma chambre et regagnons la porte d'entrée. Mon bras vient s'entremêler dans le sien pour y rester accroché jusqu'à notre arrivée dans la salle de bal. Mes yeux inquiets viennent trouver les siens rassurant. Et là, ce n'est plus Ethan à mon bras mais elle, dans une robe d'un blanc immaculé à l'opposé de la mienne, semblable à une robe de mariée, contrasté par ses cheveux sombres, longs et lisses. Une seconde s'écoule ainsi et Ethan redevient Ethan. Lorsque nous arrivons, beaucoup de regard se posent sur moi, enfin sur ma tenue.

« Elle sait que ça ne sert à rien de porter une robe pareille ? Elle ne va pas gagner c'est évident ! Chuchote une fille à son amie.

— Elle est tellement seule qu'elle est obligée d'avoir son meilleur ami comme cavalier, crache une autre à voix basse.