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J'avais beau être une férue de lecture, ça ne m'aidait pas pour autant à m'endormir le soir. Depuis déjà plus d'un an, j'étais sous l'emprise de l'insomnie. Je ne m'endormais pas avant une heure du matin et devais me lever le "lendemain" aux alentours de six heures.

Alors quand la cinglante sonnerie de mon réveil se mit à hurler à six heures contre mes tympans, je vociférais quelques injures. Quelle idée m'était passée par la tête quand je l'avais achetée ? Ah oui c'est vrai, les fichus propos de ma mère :《 Il faut vraiment que tu t'achètes un réveil, j'en ai assez de te voir courir après le car scolaire en vain... Même que ton père, me dit lui aussi que tu loupes souvent le bus... Heureusement pour lui qu'il y a plusieurs arrêts, moi à chaque fois je suis obligée de te déposer en voiture !!》Je laissais échapper un grognement en y repensant.

La seule chose qui me motiva à sortir des bras de Morphée fut l'idée de peut-être revoir Sasha... Je n'avais pas osé la veille lui envoyé de message. Je serais sûrement passée pour plus folle que je ne l'étais déjà.

Je me précipitais pour éteindre ce réveil énervant mais peut-être un peu trop rapidement, car j'ai dévalé les barreaux de mon échelle en bois à la vitesse de l'éclair ou de Buzz si l'on préfère et j'ai finis le front contre mon parquet... Et dire que mon lit en hauteur n'était élevé qu'à 1m60 du sol ! On pourrait qualifier le tout, d'un réveil en douceur... cherchez où se cache l'ironie.

Je poussais donc un second grognement semblable à celui d'un phacochère. Je suis l'exemple même de la féminité. J'attrapais la poignée de ma porte et m'en servis pour me relever. Je nouais la ceinture d'une longue robe de chambre rose fluo autour de ma taille et sortie de mon antre.

Pieds nus, ayant oublié mes chaussons chez mon père le week-end précédant, je m'aventurais à pas de loups dans le couloir jusqu'à la cuisine en faisant attention à ne pas réveiller mon petit frère Loan.

Son prénom prononcé "L'eau - Anne", mon frère avait douze ans, soit cinq ans de moins que moi. Si vous êtes bon en calcul, vous devinez que je n'ai, hélas ou heureusement ça je ne sais pas, que dix sept ans. Ma mère quant à elle était probablement déjà réveillée. Je le devinais grâce à une lumière allumée.

J'ouvris la porte de la cuisine; elle était entrain de manger ses algues et son tofu afin de me répugner dès le matin. Apparemment, pour ma mère manger healthy soit sainement voulait dire manger vegan. Et se pensant à la mode et toujours au plus près de la nature, elle avait décidé au jour le jour de devenir végétalienne.

" -Bonjour 'Man

- Bonjour ma puce, je t'ai-" Elle se stoppa en regardant ma mine déconfite. Et c'est en changeant radicalement d'expression du visage et en fixant un point au dessus de mes sourcils que je comprenais que quelque chose se tramait de travers.

"- OH MON DIEU ! Aurais-tu fais du rugby en dormant ? Ça ne te suffit pas trois entraînements par semaine ?!!

-Aha très drôle merci... Ce n'est pas que je m'inquiète mais je préfère aller détailler ma figure dans la salle de bains... Tu m'excuseras ? " Je lui pointais de l'index la porte de la salle de bains.

Je me dirigeais donc vers celle-ci. Je levais les yeux vers le miroir et je l'aperçus. J'avais une grosse bosse bleue ou bien violet foncé vers la racine de mes cheveux, quand on écartait ma frange. Cela contrastait beaucoup avec mes yeux marrons et mes longues nattes blondes et emmêlées.

J'appuyais légèrement sur l'hématome et constatais que oui, cela faisait pas semblant, ça faisait réellement mal. Je recouvris donc cette affreuse bosse à l'aide de ma frange et aussi d'un peu de fond de teint emprunté à ma mère. Je revenais donc la rejoindre dans la cuisine.

À l'inverse de mon père, ma mère était ultra protectrice et m'interdisa donc d'aller en cours, au moins pour la matinée. En parlant de mes parents, contrairement à ce que l'on pourrait croire, ils sont bels et biens ensemble ! C'est juste qu'il y a quelques années, ils ont décidé que vivre séparément était une bonne chose pour l'un et l'autre. Alors oui ils s'aiment encore et sortent toujours ensemble même s'ils ne cohabitent pas. Revenons-en à ma génitrice, des fois j'avais bien du mal à comprendre ce qu'il se passait dans sa caboche. Et dire que j'allais loupé un de mes cours préférés...

Je la regardais de travers, légèrement consternée. Je me mis donc à protester contre elle... Cela avait le don de l'agacer mais semblait-elle zen, elle ne broncha pas.

"-Tu n'y iras pas un point c'est tout.

- Ce n'est qu'une bosse tu sais !!

- Et alors ?

- Bah... je sais pas moi !

- Tu n'as pas d'arguments, pas besoin de discuter merci !"

Je me tus. Parfois il faut savoir se taire aux bons moments et il se trouvait que c'était, justement, le bon moment.

Ses algues devaient lui monter à la tête et afin d'éviter de m'emboucaner d'avantage avec elle, je décidais de me servir un verre de lait, deux tartines beurrées et une poche à glace que je mis sur ma bosse.

Tout en mangeant je réfléchissais au sens de ma vie. Et cette réflexion était loin d'être longue. Je repensais à Sasha. Je m'imaginais déjà lui tenir la main, la présenter à mes parents, à Loan, à Papé Massen et Papy Yves, à Mamé Francisca et Mamie Solange... Je m'emportais peut-être un peu trop loin c'est vrai.

En ce qui concernait mes origines, j'avais en revanche beaucoup de choses à dire. Mon père Vincent et toute sa famille à l'exception d'un de ses cousins éloignés maltais et de sa demie soeur brésilienne étaient français. Tatiana, ma mère elle, est née de l'union d'une mère portugaise et d'un père espagnol en Californie à l'ouest des États-Unis. Moi et Loan sommes également nés sur la côte californienne, à Santa Cruz plus précisément.

Ces origines nous permettaient de savoir parler anglais, français et un peu espagnol depuis notre enfance. Nous avions la chance de connaître autant le surf que la gastronomie française, ou encore la fameuse paëlla espagnole.

Comme on pouvait le remarquer, j'étais tres axée sur la bouffe. Je manquais d'ailleurs de m'étouffer quand je me rappelais qu'il fallait que j'envoie un texto à Sasha...

Je m'enfilais la dernière bouchée de ma seconde tartine et me dirigeais vers mon portable. Que pouvais-je bien lui dire ? Je me décidais à utiliser la carte de la simplicité. J'optais donc pour un bref et rapide message aussi original que la soupe de ma grand-mère... Oubliez cette comparaison sans queue ni tête.

" Hey Sasha ! C'est Ève..."

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