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Le soleil se coucha avec une rapidité stupéfiante sur le ranch. Lorsque je mis un pied sur le perron de la maison, l'air frais du soir me fit frissonner. Je resserrai mon gilet autour de ma taille et rejoignis Harry qui m'attendait, nonchalamment appuyé contre un des arbres du jardin. Il m'avait proposé qu'on aille à la cabane après le dîner, ce que j'avais accepté avec un enthousiasme débordant.

-Louis et Zayn ne viennent pas ? lui demandai-je en m'approchant.

-Si, ils ont dit qu'ils nous rejoindraient plus tard.

Puis, en se rapprochant de mon oreille, il chuchota sur le ton de la confidence :

-Ils attendent que les parents soient couchés pour dévaliser la cuisine.

Notre regard en disait long. Le chemin jusqu'à notre grandiose repère faisait le tour de la maison et se dirigeait vers l'orée du bois, juste derrière la propriété. Le sol était parsemé de fleurs colorées, que je m'amusais à cueillir pour faire un bouquet.

-J'espère qu'elles sont pour moi ! lança mon cousin d'un air espiègle en désignant les fleurs.

Sans lui répondre, j'arrachai prestement une poignée d'herbe et lui envoyai en plein visage. Il fit aussitôt un bond en arrière et se mit alors à tousser bruyamment. Il avait l'air bien malin, avec de l'herbe coincée dans ses boucles brunes ! Et vu le regard qu'il me lançait, je savais que la vengeance était proche... Trop proche, en fait : je n'eus même pas eu le temps de dire "Mon cousin Harry est un imbécile fini et herbivore" que je me retrouvai la tête plongée dans l'herbe grasse.

C'était si bon, cette sensation si légère d'être à sa place, au bon moment.

Je me relevai en riant, oubliant mon bouquet de fleurs qui gisait là, et nous reprîmes notre chemin avec un peu plus de calme - ce n'était pas bien compliqué. Lorsque j'aperçus ma chère cabane pendue à ce chêne incroyable, je bondis de joie.

-Elle est là, elle est là ! Regarde !
-Ben je sais, banane, je la vois tous les jours.

Nouveau coup de coude dans les côtes.

-Eh ! Je suis pas une banane !

Je grimpai prestement à la petite échelle faite de planches et de cordes, qui tenait toujours miraculeusement. Une fois que je fus presque arrivée en haut, je pris une seconde pour admirer ce que je voyais. Rien n'avait changé, comme si l'endroit était resté figé en enfance.

Il y avait les vieilles couvertures à motifs exotiques qui recouvraient l'espace du sol au plafond pour masquer les planches. Il y avait les coussins sales et poussiéreux disposés ça et là, attendant qu'on se vautre dedans. Il y avait les bougies cent fois allumées, et la minuscule table basse autour de laquelle nous nous asseyions pour festoyer. Je fermai les yeux un instant. J'écoutai le chant discret des oiseaux dans les branches, au-dessus de moi, et le bruit du bois qui craquait. Je respirai à plein nez l'odeur enivrante de la nature qui l'entourait, et sentis l'humidité des soirs d'été.

Si apaisant.

Je franchis la dernière marche et m'affalai sur un des coussins, m'adossant contre le mur de fortune. Harry me rejoignit et nous nous mîmes à échanger les souvenirs que nous avions ici en attendant l'arrivée du reste de la bande.

-Tu te rappelles la fois où j'ai failli tomber de l'échelle, et que tu m'as rattrapée par la chaussette ? lançai-je entre deux éclats de rire.

-M'en parle pas, s'exclama-t-il en roulant des yeux, l'odeur était si infecte, je crois que c'était le moment le plus pénible de mon existence.

Je m'apprêtai à répliquer, lorsque des bruits de pas et des éclats de voix se firent entendre à quelques mètres de la cabane.

J'échangeai un regard malicieux avec mon cousin. Pas besoin de mots : on s'était compris. Discrètement, nous nous emparâmes d'une pile de brindilles qui traînait dans un coin, et, lorsque les fameux bruits de pas se trouvèrent juste au-dessous de nous, nous les laissâmes tomber en criant en chœur :

-À L'ASSAUT !!!

Des cris de protestation et de surprise s'élevèrent dans l'obscurité, pendant que Harry et moi nous tordions de rire de façon purement et simplement immature. La voix de Louis retentit sur un ton faussement affligé :

-Tu vois Zayn, c'est ça qui est terrible chez les jeunes de nos jours. Aucune gratitude ! On brave les dangers d'une maison austère pour leur rapporter des ressources à base de sucre, et voilà comment nous sommes remerciés, nous pauvres vétérans !
-C'est désolant... Bon, tant pis, nous allons devoir manger tout ce popcorn tout seuls...

Malheur ! Subitement, toute ma dignité s'envola et je lançai d'une voix suppliante :

-Noooon, ne partez pas ! On sera gentils.

-Promis ? demanda Zayn.

-Promis ! renchérit Harry.

Satisfaite - et affamée -, je les entendis alors monter à l'échelle. Quelques secondes plus tard, la tête de Louis apparut, suivie de son corps, puis de celui de Zayn. Tous deux avaient les bras chargés de chamallows. Mon corps activa automatiquement l'option gourmandise, tandis que mon estomac se mettait à grogner. Je m'installai confortablement et me frottai les mains en signe d'importance. Les potins et les chamallows, mes deux choses préférées au monde !

-Alors, quelles chont les nouvelles ? m'enquis-je en mâchant avec appétit un marshmallow.

Je vis avec étonnement les deux jumeaux se renfrogner. Je crus à une blague, mais Louis prit la parole, le regard dans le vide :

-Ben, il s'est passé quelque chose d'étrange... On a entendu maman au téléphone. On n'a pas vraiment compris de quoi elle parlait, ni avec qui... Mais, on croit...
-Quelqu'un va venir au ranch et y rester. Dès demain.

MADWhere stories live. Discover now