The Amusment Park

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C'est un texte écrit à l'occasion d'un concours organisé par Télérama, il y a quelques années. Au début de ce concours, une installation représentant un parc d'attraction sous la neige, parc d'attraction qui semble abandonné. Ensuite, il suffisait de laisser vagabonder son imagination pour écrire un texte dessus : que s'est-il passé dans ce parc ? Est-il réellement abandonné ? Je n'ai, vous vous en doutez pas gagné le concours -il n'y avait de mémoire que deux places gagnante. Mais cela ne m'empêche pas de vous le partager. Bonne lecture ! :)

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Tu es là, debout. Tu n'as pas voulu t'asseoir, pour pouvoir t'approcher au plus près de cette vitre. Ton souffle forme un petit cercle de buée, qui s'efface et se recrée. S'efface et se recrée. Tu observes. Tu scrutes attentivement le paysage, le décor planté là par la main d'un homme. Et tu laisses aller et venir ton imagination entre les flaques d'eau, miroirs glacés. Des pensées tourbillonnent, s'effacent et se recréent.


Je suis là. J'ai froid. Je regarde ce paysage que je ne connais que trop bien. Le manège, où j'aimais aller étant enfant. Le kiosque en carton-pâte. La caravane aux rideaux tirés. Je m'approche du feu se consumant. Au loin, se découpent dans la nuit sans teinte, les carcasses des grandes roues et autres manèges. Tout est calme. Pas un seul souffle de vent ne vient agiter les fanions au-dessus de ma tête. Juste le faible crépitement du feu, et mon souffle, léger, qui envoie des nuées vers le puits sans fond de la nuit. Tout est calme. Je m'appuie sur la table, près du feu ; mes mains sont gelées. J'ai toujours aussi froid.


Tu es là, debout. Tout à l'heure, tu faisais les cent pas, essayant tous les points de vue possibles, jouant avec la perspective. Maintenant, tu as trouvé ta place, légèrement excentré sur la gauche. Et tu observes. La lumière des guirlandes éclaire faiblement la scène. L'allée, complètement dégagée, serpente entre les différentes installations, jusqu'à s'enfoncer plus loin, où elle se sépare en deux. Derrière les palissades. Tout un monde inaccessible, dont seul te sont offert les formes fantomatiques des montagnes russes, et de la grande roue. Tu te surprends à imaginer d'autres formes derrière ces palissades de béton. Tu reviens vite à ce que tes yeux peuvent voir. A ta droite, un feu se meurt. Il a fait fondre la neige tout autour de son foyer. Sur la table, à peine éclairée par la lueur du feu, un cendrier et un bonsaï. Tu observes. La caravane aux rideaux tirés et le stand aux volets fermés. Chacun laisse passer un rai de lumière pâle. Il y a quelqu'un. Pourtant, aucune trace de pas dans la neige. Le feu, la caravane, le stand, et surtout l'allée dégagée de son manteau blanc, laissent à penser qu'il y a de la vie. Qu'il y a quelqu'un.


Je suis là. Je tremble. Le bas de mes vêtements trempé de neige fondue. J'ai délaissé le feu, qui ne me réchauffe guère, pour rejoindre l'allée. Je regarde au plus loin, dos aux palissades, essayant de pénétrer la nuit. C'est alors que je la distingue, une ombre, immobile à quelques mètres de moi. Je la regarde longuement avant d'avancer vers elle. J'arrive au bout. L'ombre n'a pas bougé. La vitre me renvoie, à demie mon reflet, comme un fantôme de moi-même. Je n'y prête aucune attention, je regarde l'ombre. Et mon souffle sur la vitre, forme un petit cercle de buée. Qui s'efface et se recrée.


Tu es là, immobile. Le petit cercle de buée s'est effacé et ne réapparaît pas ; tu as cessé de respirer. Tu observes. Tu ne vois rien de plus que ce qu'il y a à voir. Pourtant, tu ressens une présence. Ton cœur s'accélère, ta respiration reprend, saccadée.

Il y a quelqu'un.

« C'est l'heure, on va fermer. »

Tu sursautes, te retournes. C'est un vigile. Tu esquisses quelques pas vers la sortie, te retournes de nouveau. Il n'y a rien. Rien que de la neige artificielle.

Exercice de styleWhere stories live. Discover now