SAGESSE 9 : LA VIE EST UN AVOCAT

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SAGESSE 9 : LA VIE EST UN AVOCAT

Je me suis acheté une nouvelle veste. Brune, avec des trucs au col qui ressemblent à de la laine de mouton. Même si ce n'est carrément pas ça. Tristan trouve qu'elle me va bien. Et quand Tristan me complimente, c'est qu'il est assez sincère.

Donc voilà ma grande action : m'acheter un vêtement que j'aime bien. Et me sentir pas trop laid avec.

Récemment la tension est montée d'un cran. En même temps, le vrai BAC pointe son nez et personne n'est prêt. 15 juin, c'est dans un mois. Personnellement, je n'arrive même pas à stresser. Je deviendrai lucide de la merde dans laquelle je suis plongé la veille du BAC. Mais Ovide est du genre à réviser en avance, alors je le suis un peu dans son délire et le regarde bosser au CDI dès qu'il peut alors que je m'amuse à discuter avec les gens de la classe.

Même Ophélie et Quentin les deux têtes (dont vous avez entendu parler dans le prologue) ont la flemme de commencer à réviser. En fait, Ophélie procrastine plus que moi. Mais elle, au moins, elle se tape des notes de folie.

— J'ai envie de lancer une discussion philosophique sur la vie ! lancé-je à tous dans la cour en sortant.

Ovide est resté à l'intérieur. Vu que je faisais trop de bruit, la documentaliste m'a chassé avec le reste de la classe.

Personne ne fait gaffe à moi. En même temps, je ne fais jamais gaffe aux autres. Je sais que les gens de ma classe existent, mais à part les intellos qui sont mes voisins de classe avec Ovide, il n'y a rien de plus stressant que de me laisser entourer d'élèves de la S2. Ils sont passables mais j'ai passé toutes mes années lycée à traîner et enrichir ma bande de potes au détriment des autres.

Je suppose que les gens pensent sûrement que je me la pète, que je me sens frais de traîner avec mes fraîcheurs, que je suis leur bouche-trou. En fait, ce n'est même pas une conjecture. C'est bien la réalité. Je les ai entendus me critiquer à une soirée de classe. Ça n'a pas été un moment agréable et je me suis renfermé sur moi-même en leur présence depuis ce jour. Tant pis pour eux, il rate le gros lot.

— Lance-toi, bredouille Ophélie intéressée par mes âneries.

Alors je lui parle du dicton que j'ai inventé, qu'en gros la vie c'était un sacré gros avocat dont le noyau est primordial. Et ouais, présent de vérité général.

Quentin a éclaté de rire, et vu que j'étais gêné de l'entendre rire alors que ce n'est vraiment pas une vanne, j'ai fait genre de rire aussi. Ophélie a eu l'air confuse et le fait qu'elle suive avec sérieux mon histoire m'a rassuré.

— Et je disais que l'avocat, c'est un sacré truc quoi. On pense souvent au fruit sans avoir le noyau en tête. Et c'est ça la vie. On pense souvent à un truc sans voir le truc essentiel. Ou alors on voit le noyau mais on s'imagine un noyau pas essentiel.

Ophélie a acquiescé, l'air plutôt d'accord.

Les autres personnes de la classe m'ont applaudi. Moqueusement. Et j'ai forcé un sourire pour dissimuler mon envie de les mordre et de leur écraser un gâteau en plein dans leur face. Je pourrais poursuivre une carrière de clown ou de loup-garou. Sauf qu'être loup-garou n'est pas une option réalisable. Même si ce serait vraiment cool que j'arrête d'être imberbe.

***

— Salut ! lancé-je en voyant Renée devant mon lycée.

Comme d'habitude, Estelle n'est pas loin. Nos regards se croisent un instant et j'hésite à lui faire la bise. Ce serait plus poli de ma part mais lui faire la bise a toujours compté pour moi comme un comportement faussement sympathique envers elle.

LES SAGESSES DE MILOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant