VII- Le retour de la foudre

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Un mauvais film qui recommence. L'odeur de la mort à chaque pas. La sueur qui tombe dans le dos comme une caresse. Les larmes roulantes comme des tourments sans fin. La voix de l'enfant qui réclame sa mère. Le couple âgé qui se regarde comme au premier jour car ils ne savent pas ce qui les attend.

Je ne me souviens pas la dernière fois où j'ai bien voulu repenser à ce jour-là. Il y a tant de belles choses dans ce monde qu'imaginer la mort aussi rudement est choquant. Tout du moins, pour les gens comme les humains. Personnellement, je ne me souviens pas avoir été plus choqué que ça. Mais mon hôte lui, avait peur. La foule bruyante s'amoncelait comme une horde de cafards par la peur d'être écrasé par la botte. Il y avait chez l'Homme des contradictions qui m'émerveillaient. Moi. La Mort. Je les regardais se battre pour survivre... Vainement. Je caressais à l'époque l'espoir de les voir retrouver leur liberté d'avant. De pouvoir sentir le soleil brûler leur peau ou de la neige crisper leurs muscles. Mais je ne voyais que les larmes et l'épouvante d'un monde obscurcit par une présence plus vile que la mienne.
On me disait cruelle. Sans remords ni compassion. Pourtant, à côté, je n'étais qu'une caresse de liberté. Une douce soif d'espace. La guide d'un monde meilleur... Tant de personnes priaient. Je ne leur accordais qu'un bref regard tant la souffrance du lieu perçait ma coquille vide d'âme et de sentiments. C'était mon hôte qui ressentait. Je vivais à travers lui l'horreur. Cette chose qui n'avait pas de nom tant la misère ne pouvait être qualifiée... Cependant, les responsables et les autres qui n'y ont jamais m'y les pieds s'accordaient cependant à nommer cela des : camps. Qui changeait de fonction par sa population meurtrie bien évidemment...

Nous étions en quarante-trois. Mille neuf cent quarante-trois. La seconde guerre mondiale avait éclaté depuis déjà trop longtemps. La personne dans laquelle je vivais été un jeune homme de vingt-cinq ans. Une des nombreuse victime déportait dans un « camp de la mort » selon le nom qu'on donnera plus tard dans les livres d'Histoire. Si j'avais pu donner mon avis. Avant d'être le lieu de la mort, c'était surtout un endroit d'humiliation permanente. Je savais très bien que l'être humain pouvait être cruel. Mais au point de tuer aussi facilement était déconcertant.
J'avais tellement honte d'aider cette race humaine que je qualifiais à cette époque de monstrueuse.
Il y avait tellement de gens mourant tous les jours et presque à chaque minutes que je ne pouvais même pas les protéger de la peur de l'au-delà. Combien d'entre eux furent perdu aux mains des dévoreurs et autres créatures ? Je ne pouvais pas le dire...

Je restais cependant fermement accroché à l'espoir de ce jeune homme qui portait le nom de David Schreiber. Il était talentueux dans les mots. Sans doute un clin d'œil à son nom de famille. Il avait dans le regard cette flamme disparut pour la plupart des gens qu'il pouvait croiser. On ne l'avait pas arrêté à cause de sa pensée. Ni même de sa psyché. Encore moins de sa religion. Non. On avait fait courir le bruit de pratiquer la pédérastie. Il n'a jamais démentie...

Etrangement, il n'avait pas peur de mourir. Malgré son périple à Belzec pendant un an puis à Sobibor. Non. Jamais il n'avait lâché cette lumière dans son cœur. Même lorsqu'il perdit des kilos, que je sentais son cœur soupirer de désespoir à chaque gestes et chaque respiration. Pas même lorsqu'il devait regarder ses camarades mourir de faim. Jamais. Il détestait sa situation. Il haïssait l'humiliation qu'on lui faisait subir mais il restait debout. Comme un pirate fou bravant les pires tempêtes pour montrer sa force et sa hargne d'exister. Ces hommes fait de sang et de chair. Il ne trouvait pas de mot pour décrire la haine qu'il pouvait avoir pour eux. Mais il n'avait pas peur. David était un résistant à sa façon. J'étais très fière de faire partie de son être.

Même lorsqu'il mourut ce jour d'hiver.

Je ne savais pas la date. Ni l'heure. Mais j'ai eu mal. Un bruit sourd raisonnant, des hurlements de détresses, la respiration se faisant absente, des paupières de plus en plus lourdes et les corps s'amassant à terre... Puis notre corps chutant et ma projection perdant tout intérêt. La Faucheuse était sans abri... Je me rappelle. Ce fut la première fois que j'avais hurlé en réintégrant mon corps véritable. Tant de douleur... Il n'avait pas terminé sa vie. Ce jeune homme aux yeux de miel. Son sourire, son élégance d'autrefois et son énergie à sourire malgré le malheur. David... Pardonne-moi de ne pas avoir pu te protéger de ton vivant. Lorsque qu'il quitta aussi son corps, son animal irradia les autres. L'épervier qu'il était montra la voie aux autres craintifs qui l'avait rejoint. Puis je pus prendre conscience. Enfin. Partout où mon regard vide se posait, je tombais sur une âme quittant son corps. Si j'avais pu, j'aurais pleuré. Mais rien ne pouvait venir de moi. Je ne pouvais même pas tomber sur des horloges fiables. À chacun de mes pas, je pouvais voir les jours ou les heures faire des bonds en avant. Les seuls à jouir d'une existence stable étaient les gardiens. Ses soldats qu'on nommait SS. Même si j'avais pu, je n'aurais pas voulu les haïr. En les regardant de plus près, j'avais le sentiment de regarder des hommes à la coquille plus vide que la mienne. Certains étaient déterminés dans leur tâche d'extermination. D'autres en revanche, se demandaient encore comment ils avaient pu tenir aussi longtemps sans craquer. J'avais presque autant pitié d'eux que des victimes.

La Mort t'embrasse. [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant