VI- Tromper la Mort

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« Les plus grands jeux inventés par l'homme simulent la vie et la mort à s'y méprendre. » –
Anne Hébert

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   Lorsqu'ils peuvent enfin voir à quoi ressemble la Mort avec un grand M, les réactions peuvent varier, certains se font dessus. D'autres s'évanouissent, pendant que quelqu'un s'amuse à me défier du regard. Moi qui n'en possède pas sous ma capuche. Ironie. Jusqu'à maintenant, on ne m'a invoqué que trois fois. La première expérience fut un échec total vu que l'invocateur fut pris d'une crise cardiaque... Je me souviens encore de son animal : un blaireau. Puis je me souviens aussi que j'avais pris pas mal de temps pour retourner dans mon hôte. Dans la deuxième, encore un cas aussi. Il allait mourir à son tour. Mais il voulait faire appel à moi. Chose faite, nous avions parlé. Comme une conversation normale entre amis de longue date. C'était quoi déjà la formule pour m'invoquer ? Ça devait être un truc dans le genre :

― Faucheuse,
Où que tu sois,
Je fais appel à toi.
Sur les ailes de ces mots qui se déplacent,
Quelle que soit la distance,
Traverse le temps et l'espace.
Et apparais en ma présence.

   Franchement, je pouvais tenir le crétin qui avait mis en place cet appel, je lui ferais manger les bougies ! Comme si on avait besoin de ça pour me faire venir... Simuler votre mort ou étouffez-vous jusqu'à devenir rouge et là, oui ! Je me ramènerai ! Enfin, au moins elles ont bien suivi les directives pour invoquer un défunt... Il y a même une bougie noire pour indiquer le Nord. Elle ne va servir à rien mais ça donne juste un genre plus morbide au tableau. Niveau auto-défense par contre, là, c'est le maximum ! Vu que je suis la Mort, autant se protéger soi-même que de faire des courbettes à un fantôme. Le sel, l'encens et le thym... Autant donner à un vampire un laissez-passer VIP pour une journée de don du sang. Il hurlera à coup sûr : « Open bar ! ». En résumé, rien ne va leur servir. Sauf le cercle et les bougies.

   Elles s'approchent encore de moi à petits pas. Les mains bien posées sur leur poitrine à tenir si fermement et désespérément le bouquet qu'une couleur pâle se distingue sur leurs jointures. Il me faut juste les effrayer et une s'évanouie comme une précieuse à coup sûr. Je meurs d'envie de le faire ! Mais je m'abstiens. Tout ce que je peux faire c'est attendre que l'une d'elles se mette à me parler.

― F-Fau-Faucheuse... fait Camille en déglutissant. N-Nous voulons te poser des questions...

― À quel sujet ?

   Une des quatre se met à hurler en gémissant que je parle. Oui. Jusqu'à preuve du contraire, j'ai la possibilité de savoir aligner trois mots à la suite ! Déconcertant.

― Calme-toi Bridget ! demande la seule que je ne connais pas.

   Alors là, c'est assez fort. Elle porte le nom d'une sainte qui étrangement, est souvent représentée avec une bougie. Enfin un cierge dans la religion... Clin d'œil ou non il n'en reste pas moins que le destin est souvent plus amusant que jamais !

― Alors ! L'autre côté, c'est trépidant ou on s'ennuie à... Mourir ? pouffe Julie.

   Un bref silence atteint l'assistance après ces mots. Je sais que ce n'est pas elle qui vient de me poser la question mais son petit démon bien caché. Il n'en rate pas une pour me ridiculiser et faire passer son hôte pour une aliéner. Mais bon ! Notre amie commune ne perd pas de temps et lui demande donc d'être aimable avec moi. Chose que j'apprécie au fond de moi. Très bien profondément... Finalement, elle se décide à me demander ce pourquoi elle m'a fait venir.

― Et savoir si Thomas va bien. fait encore la blonde.

   Cette fois, mon attention se porte sur Camille. Lorsqu'elle pense que nos regards se croisent, je sens ses maigres épaules émettre un léger mouvement en hauteur. Signe qu'elle vient de se couper la respiration. Si je pouvais lui dire la vérité, je ne pense pas qu'elle aimerait la chose. Elles commencent alors leurs questions : une vie après la mort ? Je n'en ai aucune idée à proprement parlé. J'accompagne les défunts mais il y a un chemin que même moi je ne peux pas emprunter. Si je dois m'amuser à donner un exemple, je dirais que la pesé des âmes et ce le champ de roseau ainsi que le voyage avec Charon sont les seuls moments où ma route sépare celle des âmes. Si c'est douloureux ? Tout dépend du mal qui ronge et de la mort en elle-même. Un pépère mourant sagement dans son sommeil ne ressentira rien alors qu'un accidenté de la route ou même une victime de meurtre là... Peut-on me demander de tuer quelqu'un ? Oui mais...

La Mort t'embrasse. [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant