Trop-plein

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Il s'avérait que contrairement aux désagréments que pouvait produire l'alcool, mes pensées refusaient de s'effacer. Les semaines passaient sans que je puisse retrouver cette amourette que j'entretenais avec Paradoxe.

Depuis quelques jours, j'avais l'impression qu'un secret m'était caché. Je sentais que toute ma vie j'avais vécu dans l'ignorance d'une vérité que personne n'avait voulu me partager.

J'étais en constant conflit avec moi-même. Je m'en voulais de ne pas désirer voir la pluie tomber, de ne pas comprendre ce besoin de sortir au-dehors des murs de la ville, comme l'avaient fait mes parents plusieurs années auparavant.

Dans ce milieu où rien n'avait jamais manqué, quelque chose d'extérieur m'appelait.


Les mensonges

que l'on se raconte

L'appel qui vient de loin

Je sais bien qu'il est en mon sein

Et la ville qui périt en silence, sans protester


Un soir où j'avais terminé plus tôt le travail et où Roric était trop pris avec les touches finales de sa toile, j'étais allé jeter un coup d'œil à un marché temporaire qui devait s'installer quelques étages au-dessus de moi.

Une foule de gens se trouvait déjà sur les lieux lorsque j'étais arrivée. Je progressais lentement à travers tous ces corps coincés et je n'arrivais que difficilement à me concentrer sur les divers objets étalés pêlemêle sur les tables.

Peu à peu, je sentais gonfler en moi ce manque d'air, cette impossibilité de penser.


Trop de nous

Trop d'eux

Être à moi-même

Être à moi seule


J'étais à quelques fractions de seconde de quitter le marché pour m'enfermer dans ma chambre afin de me retrouver dans le noir quasi silencieux de mon appartement, lorsqu'un éclair tissuesque avait capturé mon regard.

Ce satané chapeau me narguait. Les mots défilaient dans ma tête. Je me sentais hantée par la possibilité que Paradoxe ne soit plus mienne.

En redescendant les escaliers à toute allure, mes pieds s'étaient entremêlés, imitant l'état dans lequel ma tête se trouvait. J'avais à peine senti mes paumes lorsqu'elles avaient absorbé ma chute.

L'atmosphère terne de ma rue m'était inconnue. Tout ce qui m'avait semblé tellement en vie quelques semaines auparavant n'était soudain qu'un décor prétentieux.


Barbouillis mort-vivant

Être frénétique

Affolement du questionnement


L'appel que je ressentais donnait des éclats d'exhibition aux roses et aux turquoises. Il n'y avait que l'argenté qui brillait.

Paradoxe: la ville-bâtisse | ✔Where stories live. Discover now