➳Chapitre 65 : Yoran

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Après plus d'une heure de réflexion, je décide finalement de m'éloigner du versant de la montagne. Je n'ai presque plus d'eau dans ma gourde, il faudrait que je retombe sur la rivière que nous avions traversé hier. Je serais momentanément à découvert, mais je n'ai pas le choix. Ensuite, je m'enfoncerais de nouveaux dans la forêt et me reposerais un peu pendant la nuit. Demain, je verrais si je quitte la vallée en espérant que Seya retrouve ma trace, si je l'attends dans les parages ou si je retourne sur les lieux de l'exécution pour pister les éventuels survivants. Dans tous les cas, je ne pourrais pas rejoindre le camp sans les humains. De toute façon, cette solution ne me paraît pas très prudente. Je l'ai bien vu lorsque nous sommes tombés sur deux des miens la veille. Ils cherchent les humains. Et ils les trouveront. Je ne veux pas être avec eux à ce moment-là, mais si je peux les aider à fuir à temps... Je vais y réfléchir pendant la nuit.

Lorsque mes jambes commencent à me faire souffrir, la soif se fait en même temps ressentir. Heureusement, j'entends l'eau couler au loin. J'ai presque atteint ma destination. Je me cache derrière un large tronc d'arbre et observe durant de longues minutes les environs avant de me risquer à sortir de ma cachette. La gourde déjà ouverte et en main, je la plonge dans l'eau fraîche tout en continuant à scruter les alentours. Au loin, de l'autre côté du cours d'eau, une forme inhabituelle à travers les arbres attire mon attention. Rien de dangereux. Trop massif et trop immobile pour être un être vivant. Peut-être une bâtisse où je pourrais passer la nuit. Je jette un rapide coup d'œil à la rivière. Elle n'est ni très profonde, ni très large, mais ici, elle a l'air de m'arriver tout de même aux genoux. Je ne voudrais pas mouiller mes vêtements alors que la nuit tombe dans quelques heures, et encore moins faire du bruit inutilement. Je me redresse et repars dans la forêt. Je longe le cours d'eau jusqu'à trouver un endroit plus propice à être traversé. Si je marche sur les pierres, je ne devrais pas avoir de l'eau au-delà des chevilles. Je me lance et arrive sans trop de difficulté de l'autre côté. Je me dépêche d'entrer de nouveau dans la forêt et me mets à la recherche de ce que j'ai vu.

Il ne me faut pas longtemps avant d'apercevoir ce que je cherche. Il s'agit d'une maisonnette en pierre. Je m'approche de la porte en bois, l'arme au poing. Je tourne prudemment la poignée, qui me reste dans la main. Je pousse alors du bout du pied la porte et entre. Personne. La maison est en assez bon état, seule la porte, à moitié rongée par le temps, menace de s'effriter. Il n'y a pas grand chose à l'intérieur de l'unique pièce. Une petite cheminée dans un coin, une table et une chaise dans un autre. C'est tout, mais je n'avais même pas besoin de tant. Je pourrais passer une nuit à l'abri du vent et des animaux sauvages. Le seul bémol, c'est que je ne suis pas loin de la rivière et je crains que les Amoqs Haeras se concentrent sur un périmètre autour de cette dernière, pour retrouver les éventuels survivants. Avec un peu de chance, ils arrêteront leurs recherches pendant la nuit et demain à l'aube, je serais déjà reparti. Même si je décide de rester dans les environs, il faudra que je sois constamment en mouvement si je ne veux pas me faire attraper.

J'ouvre mon sac à dos et en sors la gourde. Je m'apprête à m'asseoir sur la chaise, mais me ravise. Je n'ai pas envie de me retrouver étalé par terre. Je m'installe donc sur le sol et étends mes jambes douloureuses devant moi. Je porte le goulot à mes lèvres et apprécie le bien-être que me procure l'eau fraîche après tant d'effort. Je bois tout le contenu de ma gourde, de toute façon, la rivière n'est pas loin et mon corps conserve particulièrement bien l'eau. Une vague de fatigue m'envahit, mais je m'efforce de lutter contre le sommeil. Cette nuit, je ne dormirais que quelques heures pour plus de prudence. Cette résolution faite, je me contente d'attendre et je réfléchis à ma journée de demain. J'élimine la possibilité de quitter la vallée, ce serait ensuite trop difficile de retrouver Seya ou l'inverse. Mais quitte à rester dans les parages, je devrais peut-être partir à la recherche des autres membres de l'expédition. Pour peu que certain soient encore en vie, ça ne durera pas longtemps. Malgré tout leur courage et leur bonne volonté, les humains ne sont pas préparés à lutter contre une équipe d'Haeras, dont l'unique but est de les débusquer pour les tuer. Et puis, je suis forcé de constater que je me suis attaché à mes alliés du début... Je ne me fiche pas des vies de Jennifer et Tyler, surtout de celle de Jennifer. Elle est la seule humaine à me faire un tant soit peu confiance. Si elle est en vie, ne pas l'aider n'est pas une option. Mais si elle était déjà morte ? Un étrange frisson me parcourt l'échine. Il est rare que le sort des autres m'intéresse réellement. Je n'ai jamais eu beaucoup de personnes à qui m'attacher, à qui faire confiance, en fait, je peux même les compter sur les doigts de ma main. Seya, Saba, mes défunts parents et désormais, il faut croire, Jennifer. Ça ne me plaît pas beaucoup. J'ai déjà assez de mal à garder Seya en vie pour ne pas avoir à me soucier de quelqu'un d'autre en plus. Pourtant, je ne peux pas me résoudre à abandonner l'humaine. Elle a réussi à gagner mon respect et ma loyauté. Chose rare.

Je rumine encore un long moment, puis finis par me coucher sur le sol, décidé qu'il est temps de dormir un peu. Le sommeil commence à prendre le dessus lorsqu'un bruit me fait ouvrir les yeux. Je tends le bras et attrape le pistolet. J'entends un reniflement et des grattements. Il y a quelque chose juste derrière la porte. Un loup peut-être. Le bois craque. Je me relève d'un bond. L'arme braquée sur l'entrée, j'attends la suite des évènements. Finalement, la porte s'entrouvre dans un grincement qui me fait l'effet d'une explosion dans le calme absolu de la nuit. Une tête passe dans l'embrasure. Je baisse aussitôt mon arme.

- Arès ? m'étonné-je.

L'animal me répond par un bâillement et entre dans la maisonnette. Je m'apprête à refermer la porte, mais une branche craque et je pointe le canon de l'arme en face de moi. Les rayons de la lune, obstrués par les branchages des arbres, ne m'offrent pas une vision très nette des alentours. J'hésite à baisser mon pistolet, si c'était un Haera, Arès n'agirait pas comme cela. Effectivement, ce n'est pas quelqu'un de mon espèce qui apparaît finalement entre les arbres. Je me précipite à l'extérieur pour aider Jennifer à rejoindre mon refuge. Elle m'a l'air très affaiblie. Elle ne prononce pas un mot, ne m'accorde pas un regard, traîne des pieds. Je referme la porte derrière nous et la fait asseoir par terre. Je lui pose mon manteau sur les épaules en remarquant ses tremblements. Je m'accroupis en face d'elle et son regard croise enfin le mien. Une fraction de seconde plus tard, elle éclate en sanglots.

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