Chapitre 11

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Lanvais avait ordonné quon le laissât seul tant quil ne serait pas sorti de son bureau. Les domestiques respectèrent ce choix. Antoinette resta une journée, seule, dans sa chambre. On avait condamné la fenêtre sur ordre de Monsieur afin quelle ne séchappe pas. Elle était seule, se sentait seuleet Lanvais qui senfermait sans quelle ne comprenne pourquoi. Et Cendrine qui la croyait folle. Et sans doute, elle létait. Folle de chagrin. Antoinette soupira. Elle sentait seule, si seule, et navait personne à qui parler. Elle descendit faiblement de son lit, manqua de chuter. Vêtue seulement dune chemise blanche, elle avait froid. Les cheveux épars sur les épaules, le teint anormalement blanchâtre, les traits tiréspour sûr cette Antoinette là était loin de celle quelle était il y avait seulement quelques jours. Mais pour la première fois de sa vie, son apparence lui importait peu. Vrai, après tout. Sa beauté ne lavait pas empêché de senchaîner avec un homme qui ne laimait pas, et de devenir complètement folle. Elle ouvrit lentement la porte de sa chambre et fit quelques pas dehors. Elle était pieds nus. Le parquais était froid. Antoinette se dirigea, sans trop savoir pourquoi, vers le bureau de son mari. Elle toqua. Pas de réponse. Cela ne fit même pas leffet dune brise. Quimportait, après tout, quil lui réponde ou pas. Mais elle recommença. Toujours pas de réponse. Alors, Antoinette ouvrit la porte du malheur. Le bureau était plongé dans lobscurité, mais elle vit la silhouette sombre de Lanvais, tête apparemment posée sur le bureau. Il ne bougeait pas, ne parlait pas. Soit, peut-être dormait-il. Elle se dirigea vers la fenêtre et tira dun coup les rideaux, faisant ainsi entrer la lumière. Elle pensait le réveiller. Alors, elle se tourna une dernière fois vers lui, et vit Lanvais avait les yeux ouverts, rougis, et à ses pieds, un verre brisé. Alors, Antoinette comprit. Alors, Antoinette seffondra. Elle se laissa choir et ses larmes ne cessèrent de couler. Bientôt, elle fut prise de nausée, due à la vue du cadavre. Lorsquelle en eut létat, elle appela un domestique. Puis, plus rien. Tout devint brumeux, et le dernier son quelle entendit avant de tomber fut celui des battements de son cur affolé.

Cendrine se rendit au manoir des Lanvais, dès quelle apprit la nouvelle. Honnêtement, la mort de Lanvais limportait peu. Mais elle savait que ce devait être un réel choc pour Antoinette. Et elle savait quil lui faudrait du soutient, même hypocrite. Louis-Henri laccompagna. Lorsquils y entrèrent, ils remarquèrent aussitôt latmosphère pesante qui y régnait. La plupart des rideaux étaient fermés. Aucun domestique ne vint les accueillir, et ce fut Antoinette qui sen chargea. Cendrine et Louis-Henri furent abasourdis devant le changement radical dAntoinette. Ses cheveux noirs étaient emmêlés et tombaient en fouillis. Elle ne portait quune chemise blanche et avait lair dune revenante. Cendrine sourit.

-On dirait bien que Don Juan a décidé de tirer sa révérence, dit-elle. De quoi est mort notre cher beau-frère ?

Louis-Henri ouvrit de grands yeux. Cendrine venait-elle vraiment de dire cela ?

-Il semblerait quil se soit empoisonné, répondit simplement Antoinette.

-Et jimagine que jen suis la coupable, nest-ce pas ?, demanda Cendrine. Ne te leurre pas, Antoinette. Je ne suis pas venue le pleurer, je suis venue afin de voir comment tu ten sortais. Pour moi, la mort de ton mari nest que le dénouement dune histoire qui naurait jamais dû être.

Antoinette hocha la tête, et son visage naffichait aucun ressenti. Cendrine se dit alors que sa demi-sur devait être morte à lintérieur. Ce nétait pas plus mal.

-En somme, ajouta-t-elle, je suis venue assister à ta veillée funèbre.

-Je ten remercie. Et toi aussi, Louis-Henri.

-Ce nest rien, dit-il.

Alors quils sapprêtaient à aller dans le couloir, on sonna. Antoinette alla ouvrir. Un homme âgé bien habillé. Et un autre, plus jeune, en frac rapiécé.

-Bonjour, dit lhomme âgé. Je me présente, Georges Quignon, commissaire, et voici linspecteur Frédéric Jopin. Nous voudrions échanger quelques mots avec Mme Antoinette Lanvais.

-A quel propos ?, demanda Antoinette.

-Nous voudrions lui parler, sil vous plaît.

-Cest moi, dit-elle. Pourquoi souhaitez-vous me parler ?

Quignon sembla être un moment embarrassé.

-Toutes mes condoléances, madame, pour votre mari, répondit-il. Mais nous préférerions vous parler seuls à seuls.

-Les personnes que voilà sont Cendrine de Tréville, ma sur et Louis-Henri de Rocheulier, mon frère, rétorqua Antoinette. Comme vous le voyez, ce sont des personnes assez proches, alors il est inutile de prendre autant de précaution. Dites ce que vous avez à dire, et allez-vous-en.

-Très bien, fit le commissaire. Comme vous le savez, votre mari est mort dempoisonnement. Or, alors que jusque là nous pensions à un suicide, nous avons découvert des traces de strangulation.

Cendrine se mordit la lèvre. Gentlemurder aurait empoisonné Lanvais ? La jeune femme savait que cétait tout à fait possible.

-Ce qui veut dire ?, insista Antoinette.

-Que votre mari a eu une grave altercation avec un autre homme, et que cela remet en question sans aucun doute la thèse du suicide. Aussi, si vous vous souvenez dune dispute violente quà eu votre mari avant sa mort, je vous prierais de bien vouloir nous le dire.

-Je ny manquerais pas, mentit Antoinette. A présent je vous prierais de bien vouloir quitter les lieux.

-Cendrine ?, appela Louis-Henri.

Elle avait pâlit dun coup.

-Gentilmeurtre, fut tout ce quelle fut capable de dire avant de sombrer.

Cendrillon 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant