6 - Il dit qu'il devine les chocolats préférés des gens en les regardant

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Le bureau de l'inspectrice Van Vinsky est comme un îlot de calme au milieu de l'atmosphère survoltée du commissariat. Après avoir traversé l'entrée où se bousculent les petites frappes, l'open space où les moins gradés s'échangent des blagues, des combines et des informations, son bureau fermé, même s'il est vitré et que tout ce qui s'y passe est visible de l'extérieur, est un havre de paix bienvenu.

Non pas qu'il soit franchement accueillant – après tout, le code couleur du mobilier de la police est plus près du gris et kaki que du jaune et ocre, et jamais une armoire métallique n'a semblé crier « bienvenue ! » à qui que ce soit – mais, en tant qu'inspectrice, elle a droit à son bureau, fermé à défaut d'être insonorisé, personnel à défaut de chaleureux. Il est aménagé simplement – spartiatement, disent ses collègues. Un bureau, deux commodes, trois armoires – le tout d'un gris mat ravissant – et quatre chaises – dont une rembourrée avec roulettes. Le bureau – le meuble, pas la pièce – est lui aussi vêtu chichement : un pot à crayons avec cinq bics, un ordinateur de l'avant-dernière génération, une pile de dossiers divisés par des intercalaires en dégradé, un calendrier au couleurs chatoyantes de la police nationale comme sous-main et, dans le coin en haut à droite, à côté d'une bougie parfumée à la cannelle, dans une boîte en carton, quelques chocolats récupérés à la boutique de Thomas Cayrac. La plupart sont partis au laboratoire d'analyse, mais elle a tenu à en garder quelques uns, des fois qu'ils puissent lui apprendre quelque chose. C'est cette boîte qu'elle saisit après s'être assise sur la chaise à roulettes.

Elle en soulève délicatement le couvercle, et laisse s'échapper les arômes entremêlés des différents chocolats, de la menthe et du... cumin ? Par réflexe, elle tend la main pour en attraper un, mais s'arrête en chemin. Mauvaise idée.

Elle referme la boîte, la remet dans son coin, soupire et décroche son téléphone.

— Steve ? C'est Tina. T'as fini de remplir les papiers ? Tu peux me l'amener ? Merci.

Elle raccroche et attrape un dossier – vert – qu'elle ouvre et feuillette. Quelques instants plus tard, la porte s'ouvre sur le dénommé Steve, qui fait entrer Thom.

— Asseyez-vous, M. Cayrac, l'invite-t-elle d'un geste de la main. Merci, Steve.

Thom s'assoit et Steve se retire. Tina referme le dossier devant elle et, les doigts croisés, fixe Thom en pinçant les lèvres. Le chocolatier se contente de lui rendre son regard en silence.

— J'imagine que mon collègue vous a lu vos droits ? finit-elle par demander.

— Oui.

— Et il vous a expliqué de quoi on vous accusait ?

— Oui.

Un autre silence.

— Et qu'en pensez-vous, M. Cayrac ?

— J'ai pas tout compris.

— Que n'avez-vous pas compris ? Qu'on vous accuse d'avoir tué neuf personnes ?

— Déjà, oui. Et puis, que vous m'accusiez de les avoir tuées avec du chocolat. On ne tue personne avec du chocolat, non ? À moins que la personne soit allergique. Ou diabétique. Je crois.

Il se mord la lèvre et continue.

— En tout cas, moi j'ai jamais voulu tuer personne avec du chocolat. Le chocolat, ça rend les gens heureux.

— Et pourtant, tout prouve que vous l'avez fait. Toutes les pistes mènent à vous, M. Cayrac.

Il se passe la main sur le front et baisse les yeux.

Fisc, Crimes et Chocolat [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant