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Fasciné, Louis observait les cratères que ses pas créaient dans l'épais manteau de neige qui recouvrait les rues de Doncaster. Un sourire dessiné sur ses lèvres, rendues violettes par la température extrêmement basse, il comparait la taille des précipices avec ceux de ses deux petites sœurs. Des souvenirs venaient se loger dans son esprit, des flashs rapides mais nombreux. Il se revoyait au même âge qu'elles, à gambader dans cette poudre blanche en chantonnant des comptines qu'il avait pu apprendre à l'école. Il imaginait parfaitement son super bonnet rouge -le même que le Père Noël !- vissé sur sa petite coupe au bol, ses bottes en caoutchouc et son gros pull en laine que sa grand-mère lui avait tricoté. Louis se rappelait de tout, du plus général au détail le plus insignifiant. Il se souvenait que sa maman avait l'habitude de marcher très lentement, enceinte de Charlotte puis de Félicité, parce qu'elle avait peur de glisser. Il pouvait encore sentir l'odeur des petits biscuits au gingembre que leur voisine confectionnait tout le long du mois de décembre. Il lui suffisait de poser les yeux sur un mur, une porte, un banc voire un lampadaire, pour que tout lui revienne en mémoire. Il était de retour chez lui, là où il avait grandi, là où il était devenu qui il était aujourd'hui. Les murs de cette ville avaient vu le petit garçon farceur et légèrement turbulent évoluer, se développer, pour devenir l'adulte talentueux et extrêmement attentionné qu'il avait laissé le monde découvrir. Et en repensant à tout ça, en se rappelant chaque petite chose qu'il avait pu faire, chaque petit pas pourtant si grand qu'il avait aligné l'un après l'autre pour créer ce chemin sinueux qu'était sa vie, une boule se forma dans son estomac. Un sac de nœuds lourd de regrets et de remords. Un monstre qui laissait un goût amer remonter le long de son œsophage. Ces petits détails, il aurait aimé les observer chez ses petites sœurs également. Il aurait aimé les voir évoluer, les voir grandir, devenir des petites filles, des adolescentes, des jeunes femmes. Il trouvait Félicité et Charlotte toujours plus rayonnantes et changées chaque fois qu'il les voyait. Mais ce n'était rien comparé à Daisy et Phoebe, les petites jumelles, les petites dernières. Elles n'avaient qu'à peine six ans lorsqu'il s'était lancé dans X Factor. Au jour d'aujourd'hui, elles avaient plus de neuf ans et demi, et chaque fois qu'il les retrouvait, il avait l'impression de rencontrer des inconnues. Elles grandissaient à vue d'œil, avaient toujours deux ou trois dents en moins, savaient utiliser un ordinateur comme des pros et parlaient français presque mieux que lui. Alors qu'allait-il en être lorsque sa maman accoucherait des jumeaux ou jumelles qu'elle attendait ? Les nourrissons évoluent jour après jour, heure après heure, même. Il n'aurait pas la chance de les voir pousser, de les entendre pleurer, de les voir faire leur première nuit, de les voir se lever, marcher à quatre pattes, gambader. Il ne vivrait rien de tout ça.

Parce que Louis avait décidé de vivre son rêve et cela avait un prix. Celui d'oublier qu'autour de lui le monde continuait de tourner et que personne ne l'attendrait pour avancer. Chaque journée passée loin de ses proches était comptée. Ils continuaient de vivre de leur côté. Pourquoi s'empêcheraient-ils de s'épanouir alors que Louis le faisait ? C'était comme ça. Il fallait qu'il fasse avec. C'était un choix qu'il avait fait de son plein gré. Et il savait tout au fond de lui que malgré ces moments familiaux qu'il se haïssait de manquer, jamais il ne reviendrait en arrière. Tout ce qu'il avait à faire, c'était de profiter de la moindre seconde qu'il se voyait accordée avec ses proches. Et c'est ce qu'il faisait à cet instant précis, avec ses petites sœurs. C'était le moment d'apprendre à les connaître, même si ce terme le faisait frissonner.

« Alors qu'est-ce que vous me racontez les filles ?, demanda Louis en baissant la tête vers elles, avec un sourire chaleureux. Ce n'est quand même pas moi qui vais animer la conversation ?

Tu veux savoir quoi ? On a plein de trucs à te dire, mais depuis le temps, on a oublié, répondit innocemment Phoebe. »

Le cœur du jeune homme se serra violemment et il déglutit bruyamment. Au moins, elle avait eu le mérite d'être claire. Il savait qu'il ne prenait pas assez le temps de les contacter, qu'il ne communiquait que très peu avec elles, mais il n'avait jamais trop été friand de tout ce qui était réseaux sociaux. Skype, Facetime, tout ça ne lui parlait pas comme à Zayn, qui passait son temps à discuter en « face à face » avec sa maman et ses sœurs, via son petit écran d'iPhone. Louis n'aimait pas ça. Il n'aimait pas voir ses proches de façon pixelisée, avec la déformation vocale et cette distance insupportable présente à l'esprit. Alors il ne parlait que très rarement à ses petites sœurs. C'était frustrant de son côté aussi, mais bizarrement, il s'était toujours appliqué à ne pas penser à leur réaction. Pur égoïsme. Ou bien cherchait-il à protéger son cœur ; ce qu'il en restait du moins.

Don't Forget Where You BelongWhere stories live. Discover now