Les traces du passé

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Si on avait dit à Louis ce matin-là qu'il apprendrait autant de choses pendant sa journée, il n'y aurait probablement pas cru. Pourtant il n'avait aucune idée de ce qu'il s'apprêtait à vivre et à découvrir, et c'était peut-être mieux ainsi. Après tout, il y avait difficilement plus magique que la découverte de quelque chose à laquelle on ne s'attendait pas. C'est assis à la table du salon en prenant son petit-déjeuner en famille que le jeune homme avait décidé de ce qu'il allait faire pour ce troisième jour auprès des siens. Sa maman l'avait averti qu'elle partait faire des courses de Noël avec ses quatre sœurs, et il se retrouvait donc avec la maison pour lui tout seul, avec de longues heures à tuer, alors que la neige tombait à nouveau dehors. Pourtant, s'il aurait pu proposer à ses amis d'enfance de venir faire un tour chez lui ou de se faire un ciné, ce n'est pas vers cette option de facilité qu'il se tourna. Aujourd'hui, Louis irait rendre visite à ses grands-parents, à quelques pâtés de maison d'ici. Il n'était pas encore passé les voir depuis qu'il était arrivé, et son grand-père lui avait fait promettre de leur rendre visite le plus rapidement possible. Il avait quelque chose à lui montrer, apparemment. Après avoir pris le temps de leur confectionner quelques biscuits sablés qu'ils dégusteraient à l'heure du thé, le Britannique monta avec précaution dans sa voiture pour se rendre chez eux. Les rues étaient verglacées et la circulation considérablement ralentie, et Louis se voyait donc obligé de redoubler de prudence. Un accident était très vite arrivé en hiver et il n'était pas question qu'il se mette dans l'embarras. Il était venu passer des fêtes de fin d'année en famille, pour profiter de ses proches qu'il n'avait pas l'occasion de voir bien souvent, et se retrouver à l'hôpital n'était pas une option. Et puis quoi encore, il n'allait pas fêter ses 22 ans dans une blouse immonde à manger un plateau repas répugnant ! Après une bonne vingtaine de minutes de trajet alors qu'il en prenait habituellement seulement cinq petites, le jeune homme se gara devant la petite maison en brique rouge. Lorsqu'il sonna doucement à la porte, ce fut un merveilleux sourire étalé sur les lèvres de sa grand-mère qu'il trouva derrière, et qui lui fit l'effet d'une perfusion de bonheur. C'était fou ce qu'un petit geste anodin ou le don d'un peu de temps libre pouvait rendre quelqu'un heureux. C'était fou, mais c'était beau, et Louis en prenait de plus en plus conscience avec sa célébrité.

« Louis, je suis tellement ravie de te voir, s'exclama la vieille dame en le serrant contre elle. Tu as été prudent en route ? Quel temps, j'espère que les rafales de neige seront terminées d'ici le réveillon, sinon la moitié du pays va se retrouver dans l'embarras  !

J'ai fait attention, ne t'en fais pas. Tu m'as manqué mamie, beaucoup. Tu as pris soin de toi ? Tes problèmes de santé, ça va un peu mieux ?

Oh tu sais mon grand, je ne m'attends pas à ce que tout s'arrange du jour au lendemain. Je suis dans la force de l'âge, il va bien falloir que je m'y fasse. Mais je suis toujours en forme, assez pour aller te cuisiner un bon petit plat !

Mamie ne t'embête pas, un reste de pâtes sera suffisant, je ne veux pas que tu te casses la tête pour moi, lui assura Louis en retirant son manteau et ses Vans, complètement trempées.

Ne dis pas de sottises, ça me fait plaisir Louis. Et puis il me semble que ton grand-père a un tas de choses à te montrer, même s'il refuse de me dire quoi. File, il doit être à l'étage, lui sourit sa grand-mère en rentrant dans sa cuisine. »

Louis secoua la tête de droite à gauche, amusé. Sa grand-mère avait toujours tout fait pour lui. Elle s'était toujours arrangée pour qu'il ait tout ce dont il avait besoin, tout ce qui lui fallait. Pourtant elle n'avait aucun lien du sang avec lui. C'était sa grand-mère de substitution, la maman de son beau-père. Mais c'était peut-être ça qui l'avait poussée à prendre autant soin de lui. Son père était parti alors qu'il était tout petit, et elle s'était sentie investie de la mission de lui donner tout l'amour possible, celui qu'il n'aurait jamais. Et puis, ils avaient été deux, à relever ce défi. C'était également le cas de son grand-père, Keith, qui n'avait jamais eu de cesse de prendre soin de lui comme s'il avait été son propre petit-fils. C'était le seul qu'il avait et il se retrouvait énormément en lui, étrangement, alors ce n'avait jamais été bien compliqué. En fait, les deux hommes étaient rapidement devenus complices. Ils se traitaient comme des égaux, et ne faisaient plus rien l'un sans l'autre, lorsqu'ils étaient sous le même toit. C'était comme une petite alliance masculine qu'ils s'étaient créée face à cette gente féminine surdimensionnée. Mais ce n'était pas une compétition qu'ils avaient mise en route, ils ne cherchaient en aucun cas à se prouver plus forts ou plus intelligents. Non, Louis et son grand-père s'étaient donné la main pour prendre soin de toutes ces filles, justement. Ils s'étaient promis de se serrer les coudes pour toujours veiller sur elles, pour faire en sorte qu'il ne leur arrive jamais rien, qu'elles soient sans cesse en sécurité. Avaient-ils réussi ? Jusqu'ici, oui, c'était une réussite. Mais depuis le départ de Louis, depuis qu'il avait pris le large pour vivre son rêve, Keith avait de plus en plus de mal à s'en sortir seul. Il n'avait plus les conseils, l'appui de son petit-fils. Il devait prendre les décisions, occuper ses demoiselles et leur rendre le sourire, et tout ça seul. Ce n'était pas facile, c'était indéniable. Pourtant il n'en voulait pas à Louis. Parce que depuis tout petit, c'était sûrement à lui qu'il en avait confié le plus sur son rêve. Le petit garçon n'avait jamais cessé de lui répéter à quel point il aurait aimé que les gens reconnaissent son talent, que les gens l'acclament, tout autour du monde, que les foules crient son nom et le considèrent comme un modèle. Du plus loin que Keith se souvienne, Louis lui avait toujours spécifié qu'il voulait changer le monde, à sa manière. Il voulait faire sourire les gens, les faire rire, leur communiquer des émotions, les faire voyager. Tout ça avec sa voix. Avec sa voix, avec ses blagues idiotes et son humour britannique bien marqué. Louis voulait être reconnu, sortir de l'ombre. Et maintenant qu'il était dans la lumière, maintenant qu'il était célèbre aux quatre coins du monde, c'était encore vers son grand-père qu'il se tournait pour discuter, parler de ses joies et de ses inquiétudes, de ses souvenirs et de ses larmes. C'était pour cela que Keith n'avait pas hésité une seconde, quant à savoir avec qui partager tous les trésors qu'il avait retrouvés récemment.

Don't Forget Where You BelongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant