x - phobie scolaire

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« Je vais interroger quelqu'un ! », a annoncé la professeure avec un sourire béat, qui indiquait à quel point elle pensait nous faire un grand plaisir en nous accordant cela.

Au fond de la classe, je me suis tassée sur ma chaise. Je ne m'inquiétais pas trop : j'étais cette fille discrète, trop selon certains, qui ne parlait jamais et avait de bonnes notes. Les professeurs interrogent les rebelles, les mauvais élèves, parfois pour le simple plaisir sadique de pouvoir les humilier. Pas les fantômes comme moi.

Alors, quand elle a annoncé mon nom d'une voix triomphante, qu'elle a rajouté que ça ne pouvait pas me faire de mal de participer un peu, mon cœur a raté un battement. Puis deux.

J'étais cette fille. Prénom banal, visage banal, ni laide ni belle, le genre qu'on oublie cinq secondes après l'avoir vue. J'étais cette fille à la voix fluette, qui avait ouvert la bouche deux fois depuis le début de sa scolarité. J'étais cette adolescente mal grandie et en manque de confiance qui se met à pleurer lorsqu'on lui fait remarquer qu'un de ses lacets était défait, ou quand elle doit adresser la parole à un inconnu.

Timidité maladive, disait mon psychologue. Moi, je disais que j'avais le syndrome du hérisson. Tu me touches, je te pique. Ou je me pique.

Mais revenons-en à ma professeure.

Mes oreilles se sont mises à bourdonner, ma vue s'est floutée. Toute la classe me regardait. Toute. La. Classe. J'ai senti mon cœur remonter dans ma gorge.

Je me suis levée. Mes jambes tremblaient, mes mains aussi. Je sentais la sueur coller mon T-shirt à ma peau moite. Le bruit de ma chaise qui raclait le sol m'a fait l'effet d'un ouragan.

J'ai marché. Un pied devant l'autre. Mes pas claquaient contre le sol. Certains remontaient la classe comme si il s'agissait du tapis rouge, moi, j'avais l'allure d'une condamnée à mort. Je suis arrivée devant le tableau. Et j'ai ouvert la bouche pour réciter ma poésie.

Mais rien ne m'est venu. Je ne me souvenais même plus du titre. Je les avais appris, pourtant, ces vers, j'y avais passé une heure l'autre soir. Mais je sentais tous les regards sur moi, qui me passaient au rayon X, qui fixaient mon visage, mes vêtements, mon port de tête, je les sentais me brûler la peau à travers mes habits. J'ai balbutié une syllabe. Des ricanements ont fusé.

Une brusque pression m'a écrasé les tempes et j'ai senti le monde vaciller autour de moi.

J'ai réessayé de parler. Aucun son n'est sorti de ma bouche. Je ressemblais à un poisson rouge coincé dans son bocal.

Et j'ai senti les parois du bocal se refermer sur moi. Les murs étaient trop étroits, le plafond trop bas. L'air n'entrait plus dans mes poumons, je suffoquais. La panique m'écrasait, je voyais le regard moqueur de mes camarades, celui, inquisiteur, de ma professeure, je voyais le sol qui tanguait sous mes pieds, mes doigts qui tremblaient, mon cœur qui frappaient violemment les parois de ma poitrine, comme si il voulait s'en échapper. Moi aussi je voulais m'échapper loin, très loin. Que quelque chose arrive et me tire de là. Mais tout ce que ce qui s'est passé, c'est que des points noirs se sont mis à danser dans mon champ de vision, que mes jambes se sont dérobées sous moi, et que ma tête a heurté violemment l'estrade.

Puis tout a disparu et l'obscurité m'a engloutie.

À mon réveil cinq minutes plus tard, des dizaines de visages inquiets étaient penchés sur moi et mon angoisse était partie. Ne restait plus au creux de ma poitrine qu'une décision qui vibrait en moi avec la force des certitudes inébranlables : je ne remettrai plus jamais les pieds dans un collège.













texte écrit dans le cadre de l'atelier écriture de mon lycée, consigne : écrire une nouvelle courte où on a une forte présence des émotions, qui aboutira à une décision du personnage

☆•° dépose-minute °•☆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant