2-Il y a plus de gamins rêvant d'extorquer le contribuable qu'on le penserait

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En cinq heures, c'est la première fois qu'il relève la tête. L'atmosphère a bien changé depuis ce matin. La boutique a ouvert et s'est remplie de brouhaha, et toutes les tables autour de lui sont occupées. Il voit des clients lui lancer des regards interrogateurs, mais sans jamais s'approcher.

— Alors, ça avance ? demande Sacha entre deux bouchées.

Elson hausse les épaules et se saisit de l'assiette sur laquelle repose un sandwich jambon-crudités, s'il en croit ce qu'il voit quand il l'entrouvre du majeur et de l'index. Il grimace et répond :

— C'est que le début, vous savez.

Il ouvre complètement le sandwich et commence à enlever le jambon.

— Vous en avez fait combien ? insiste Sacha en mastiquant. Un dixième, un vingtième ?

Elson regarde le classeur à peine ouvert sous ses yeux.

— Plutôt un cinq centième.

— Ah ouais, ça va vraiment être très long. Vous aimez pas le jambon ?

— Je suis végétarien, répond Elson en refermant son sandwich avant d'y croquer.

Il sent son corps soupirer de soulagement avec cette première bouchée. Il n'avait pas réalisé qu'il avait si faim.

— Ah, ok. Ben je saurai pour la prochaine fois.

— La prochaine fois ? questionne Elson.

— Si t'en est à un cinq centième, il va t'en falloir d'autres, des sandwichs, j'imagine, rétorque Sacha avec un sourire en coin.

— Ah. Oui. Mais... comment ça se fait que ce soit vous... toi... qui m'ais amené ce sandwich ?

— Le patron est trop occupé, répond Sacha avec un mouvement de tête vers Thom, dans son dos, qui s'agite derrière le comptoir. Il peut pas quitter son poste. Du coup, je joue les hommes de main.

Il frotte ses mains l'une contre l'autre et se débarrasse des miettes du sandwich qu'il vient de finir, puis tend les doigts vers les tranches de jambon sur l'assiette.

— Je peux ?

Il s'en saisit quand Elson hoche la tête, puis reprend :

— Et comme il est ouvert toute la journée et qu'il est bloqué là et que comme en plus quand il travaille il oublie de manger et de faire quoi que ce soit d'autre, avec Sian on essaye de se relayer pour pas qu'il tombe d'inanition, tu vois. Elle vient quand elle a pas cours, même si bon, le plus souvent, c'est moi qui m'en occupe.

— Vous... tu travailles pas ?

— Je bosse en freelance. Je suis graphiste. Du coup je viens souvent travailler ici, c'est sympa, y a du café et du chocolat gratuit.

Il avale la tranche de jambon, les coudes sur la table, et demande :

— Et toi, Nelson ? Comment t'es devenu contrôleur des impôts ?

— C'est inspecteur. Des finances publiques. Et je m'appelle Elson, se renfrogne-t-il.

— Ouais, c'est pareil...

— Non. Contrôleur, c'est deux rangs en dessous d'inspecteur, insiste Elson.

— Ouais, si tu veux. Comment t'es arrivé là ?

Elson prend le temps de réfléchir en mâchant son sandwich. On ne lui pose pas souvent cette question. D'habitude, il se fait au pire insulter, au mieux accueillir avec hypocrisie et reléguer dans un bureau insalubre.

Fisc, Crimes et Chocolat [TERMINÉE]Where stories live. Discover now