Remède contre le mal de mer : asseyez-vous sous un arbre.

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L'eau qui coule dans le lavabo est teintée de rouge et de noir, je suis un crasseux en sang. Charmant. Je recommence plusieurs fois d'affilées jusqu'à que l'eau devienne claire. Je pose mes deux mains sur chaque côté de la vasque un peu plus crasseuse que tout à l'heure. Je garde la tête baissée, faut que je me décrasse un minimum avant de trouver le courage de me regarder. Une fois de plus l'eau est bien sombre quand je commence à me laver. L'eau n'est pas vraiment chaude, elle une drôle d'odeur aussi, mais ça nous fait un bien fou.

— Mon père avait les deux yeux dorés et nous juste un... Tu penses que c'est aussi une question de pouvoir ?
— Le Premier avait un pouvoir hors normes, commence mon alter ego en prenant sur lui pour se redresser un peu sur ses pattes. Je n'en ai pas autant que lui. Il termine en laissant tomber sa tentative de s'asseoir.
— j'dis pas comme toi. Je le reprends un peu plus sévèrement que je l'aurais voulu. On est peut-être aussi fort que lui, mais on est capable de faire des choses de malade quand même. Je ne cache pas la fierté qui gagne mes tripes.
—...
— Tu penses qu'on devra le refaire ? Je lui demande en me lavant les cheveux pour la troisième fois au moins, au passage je touche mon visage. Ma peau est toujours aussi bousillée, ma barbe me mange les joues aussi. Je finis par regarder mes mains. Je les retourne et mon ventre se serre. Mes paumes sont tout aussi bousillées que ma tronche, sur chacune d'elles une cicatrice presque ronde et plus claire que le reste de ma peau se dessine. On dirait su steak. Je reprends mon shampoing sans regarder le reste de mon corps. C'est presque trop violent pour moi, tout me revient par vague. Je me suis sentie mourir je crois que je le suis un peu et y'a rien après. Strictement rien, même pas le vide, juste rien.
— 'Sais pas. J'espère pas en tout cas... Je ne sais pas vraiment de quoi on est capable, au final je ne sais même pas si on pourra le refaire...
— Tu arrives bien à faire couler ton pouvoir à travers moi, je le coupe en levant mon visage vers la paume de douche. L'eau qui coule sur nous nous laisse une drôle d'impression. Ça fait souvent une vague noire à mes pieds. Je complète en coupant l'eau qui commence à peine devenir chaude.
— Je sais, c'est comme si on pouvait le matérialiser.
— Tu pouvais le matérialiser. Je le reprends une nouvelle fois, merde j'ai pas de serviette.
— On, il insiste avant de continuer, sans toi il me manquerait beaucoup de force. Fais pas chier avec tes coquetteries d'humain. Il rajoute en grondant pour la forme.

Ce qu'il ne dit pas, mais que je comprends facilement c'est que sa nature profonde lui dicte de tuer un max pour mettre à l'abri les nôtres et notre femelle. L'humain apporte de l'empathie au loup et l'animal de la force à son hôte. C'est la loi du loup.

Debout, à poil, devant le miroir je me décide enfin de nous regarder. Je sais qu'il ne va rien se passer de spécial quand je le ferais, mais dans le fond c'est un changement radical. Un peu plus comme mon père, toujours plus animal qu'autre chose et ce signe c'est aussi une promesse et donc une dette pour nous. Ça jure qu'on est assez fort pour toutes les épreuves qui vont nous barrer le passage... On n'a pas le droit a l'erreur, comme ci on y avait eu le droit un jour.

La blague, ouais la bonne blague ! Je prends une grande inspiration avant de relever le nez.

Ma tronche est toujours là même, toujours aussi défoncée, mes joues sont creusées et j'ai des cernes à faire pâlir le diable... Mon œil... Mon putain d'œil droit est entièrement dorée. Comme ceux de mon père et de Nautoo et de Myst. Je touche doucement ma paupière. Putain j'y crois pas. Je m'approche de mon reflet comme ci, me voir de plus près allait changer quelque chose. Je le frotte un peu, mais rien ne change, ma peau à juste un peu rougie c'est tout.

— C'est quoi ce foutu nouveau merdier ? Je souffle dans le vide sans cesser de nous regarder.
— O a de la gueule comme ça, intervient Myst avec une pointe de fierté dans la voix.

Je soupire un rire en continuant de nous regarder, je comprends mieux pourquoi mon père se regardait dans un miroir quand il parlait au Premier.

— Au moins t'as une tronche reconnaissable. Qu'il rajoute avec un sourire pointu. Cette fois je me marre, c'est un enfoiré, mais il n'a pas tort.

Mes cheveux bruns sont un peu trop longs, ma barbe, aussi brune, me ronge les joues et entre les deux ma cicatrice déchire ma peau et mes yeux bruns et dorés me fixent. Une vague bouillante de rage explose en nous. Je la sens monter du plus profond de mes tripes jusqu'à notre crâne, elle explose sans aucune mise en garde ! Mon corps en entier est blindé de traces en tous genres, de marques qui ne s'effaceront jamais ! Ces mêmes merdes nous interdisent tout bonheur et nous interdisent de flancher !

Sous la colère je rogne et frappe devant nous, le miroir explose et tombe en plusieurs petits morceaux.

— Charmant accueil...
J'ai grogné. Pur réflexe quand je la vois. La blanche. Je grogne encore quand j'enlève de ma main un bout de verre.
— Tu fois quoi la ? Je lui demande en lui parlant travers le minable bout de verre qui n'est pas tombé, elle nous sourit d'une façon presque amicale. C'est flippant, j'en frissonne pendant que Myst se secoue dans tous les sens.
— C'est comme ça que tu me dis bonjour ? Elle hausse un sourcil toujours aussi fin et blanc avant de laisser glisser son regard sur mon corps. Elle se fou de moi quand je grogne une nouvelle fois. Quel recto agréable... cesse dont de grogner tu veux, je préfère quand tu es silencieux.

Salope !

Bien sûr j'ai continué en donnant plus de voix, j'ai bien envie de me cacher le cul avec mes mains, mais même moi je trouve ça ridicule.

— Tu fou quoi ici ? Je lui demande une nouvelle fois en la fixant sans bouger d'un iota.
— Je tenais juste à te rappeler certains mots de ta sœur, elle avait vu que ton loup et toi alliez faire quelque chose d'incroyable... C'est fait ? La froideur de son ton nous hérisse le poil.
— Se faire clouer vivant sur une planche en bois et manquer d'y passer c'est ça son miracle comme elle nous l'a écrit ?! Je rage en serrant mes mains sur le lavabo, il se fissure sous mes doigts.
— Répond moi loup. L'exigence que j'entends me vrille le crâne d'où cette connasse nous donne un ordre ! Je me retourne d'un coup près a lui sauter a la gorge.

Elle n'a pas bougé d'un poil, elle se contente de nous regarder.


— Loup, elle reprend d'une façon plus mesurée. Je ne suis ne aucun cas contre Myst et toi, je dois juste comprendre a quel point Assia avait raison. L'entendre le dire calme ma colère. Explique-moi, s'il te plaît.

Je finis par le faire, je lui raconte ce qu'il s'est passé avec mon loup et comment on l'a vécu.

— d'où ton œil. Elle finit par me dire en le fixant. Ne vous estimez jamais.
— Ça va donner quoi ce merdier ?
— On verra quand tout sera terminé. Ta sœur avait raison de parier sur toi...
— Comment t'as sus pour le bateau ? je lui demande en ignorant du mieux possible son regard qui court sur mon corps.
— Ta sœur était une Ayant droit d'exception.

On n'a pas le temps de lui en demander plus qu'elle disparaît sous notre regard, pourtant on a bien vu la tendresse dans ses yeux se mélanger à son habituelle folie.

— Rentre bien loup. Le son de sa voix résonne doucement dans la pièce alors qu'elle a disparu, on en frissonne.

— Au moins on sait qu'on s'est pas planté... Je dis à voix haute plus pour moi qu'autre chose en me frottant les bras.


On est vraiment naze, il faut que je dorme. On se dirige vers la première chambre qu'on voit, il y a deux lits superposés et un tas de sacs à dos. Le mien est aussi dans le tas, décidément il nous suivra partout celui-là, je passe mon doigt sur tissus troué et laisse ma carcasse s'écrouler sur la première couchette qui se trouve a porté de mon cul, toujours nu.

On sent plus qu'on ne voit notre second entrer dans la cabine, je sais qu'il se pose sur la couchette en face de nous.

— Dors chef, je veuille.

C'est instinctif, un besoin vital. On est des animaux avant tout et il a des choses dont on ne peut pas se passer, surveiller, même au milieu de la flotte en fait partie.

Ça aussi c'est la loi de la meute.

l9t*

La rage du loupWhere stories live. Discover now