Le réel, ça finit toujours par revenir.

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Monique Larue

— Soutiens-le ! Non pas comme ça du con !
— Et tu veux que je le prenne comment abrutis !
— Mieux que ça ! Du gland !
— Ho ! C'est quoi ce bordel les gars ! Merde chef ! Chef ? CHEF ? Putain ! Trois pattes ! C'est comment dehors ?
— Clean ! Ho merde... Sweety, Ben, Fred, vous assurez dehors ! Chawo, Yaps, Vlass vous le décrochez et le sortez Dixon ! tu les aides aussi, Dave tu détends tout le monde, fou toi là tiens. Voilà ! Allé on s'bouge !

Nuage. Je suis dans un nuage. Tout est gris autour de moi. Si vide. Si fatigué. Tellement froid. Fatigué. Des pas, du mouvement, tout ça est si lointains. Du bruit, j'entends du bruit autour de moi. La tête me tourne. Si fatigué. Je voudrais juste me laisser aller, juste dormir. Longtemps. Très longtemps. Ce sera jamais assez long. Encore du mouvement.

Si vide.

— Yaps ! Ça donne quoi ?

Mon corps est traversé par un coup d'électricité, tout est sombre... si noir... je sais que j'ai mal, mais je ne le sens qu'à peine. Je suis loin de mon corps. Mon esprit est autre part, plus bas, bien plus bas.

Je flotte, l'odeur de l'air change

Comment ça se fait que je sente l'aire ? Il n'y a pas d'aire dans les nuages. Mon corps est en feu. J'ai l'impression d'être dans un brasier. Ça sent le fer et la poussière. La transpiration aussi, autre chose de plus froid aussi. Je sais ce que c'est, mais je ne la reconnais pas.

Si fatigué. Vide, bien trop vide. Douleur aussi, elle m'envahit doucement. Comme une maladie.

— Là ! Sur la couverture ! Avec quoi ? Pied de biche, ouais. Attends ! Attends ! Laissez le passer. C'est nettoyer ? Bien. Recule-toi ! Bouge !

Encore cette voix. Je sais que je la connais elle aussi. C'est la voix d'un gars, elle est rauque, y'a autre chose aussi... De l'inquiétude, je crois. De l'inquiétude, pourquoi ?

J'en sais rien. Pourtant ça m'intéresse. Si vide, trop fatigué. Épuisé.

— Chef, chef ! Écoute-moi, chef. Ça picote sur mon visage, ma joue peut-être, je le sens c'est tout. Rien de plus.. On est tous en vie grâce à vous deux. Faut que tu reviennes maint'nant chef. Ramène-toi s'teuplais...

Je connais aussi cette voix. Aussi un mec, elle me gonfle un peu. J'sais pas pourquoi.

Léger. Au-dessus de mon nuage, si haut. J'entends plus que du bruit, juste du bruit très loin de moi. SI vide, bien trop froid.

— Chef ! Ho putain excuse-moi pour la claque, mais j'ai pas l'choix.

Ça pique. Des aiguilles entrent dans ma peau. Tout est de nouveau gris, moins léger, ça m'étouffe. Grogner. Réflexe.

— Il est de retour parmi nous !
— Arrête tes conneries Dave ! Vire de la il veut passer du con !
— Ramène ton cul chef. On a besoin de toi. S'teuplais...
— Dave ! Merde !

Besoin de moi ? Qui ? Pourquoi ? J'suis qui... je suis bien dans mon nuage, tout est calme, serein. Trop calme, ça me met mal à l'aise. Dans ma tête, c'est dans ma tête que j'ai entendu la voix qui m'agace. Elle veut pas partir, elle résonne encore et encore. J'ai envie de l'attraper pour la rassurer... C'est ce que je dois faire. La rassurer et l'étrangler.

Frais, presque froid. Ça calme le feu qui me dévore des pieds à la tête, l'éteint presque totalement. Ils ont besoin de moi. Il me l'a dit. Je le crois. J'sais pas pourquoi, mais je le crois. Qui a besoin de moi ? Lui, cette voix l'autre aussi peut être...

Mes mains, mes jambes... moins de douleurs. Plus de feu, soulagement.

— Reculez-vous. La voix grave est aussi inquiète. Ça me fait mal au ventre. Oui, lui aussi à besoin de moi.

Je dois les aider. Mais je suis si vide. Presque trop fatigué.

Moins froid. Couverture, une couverture bien chaude est sur moi, elle me recouvre presque entièrement. Toute douce aussi, elle sent bon, elle me mouille le visage aussi. C'est elle qui éteint le feu.

Si bon...

— Il est temps de revenir.

La rage du loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant